[Edito] Le boom du comics va-t-il faire boom ?

Le monde du comics n’a jamais été aussi riche que ces dernières années. La semaine dernière encore nous apprenions qu’une maison d’édition de BD, Casterman pour ne pas la citer, se lançait dans le grand bain du comics.

La raison de cette richesse ? Très certainement l’engouement suscité par le genre super-héroïque prenant toujours plus de place dans la sphère culturelle et ce depuis plus d’une dizaine d’année. La bascule semble s’être opérée en 2000 avec le premier film X-Men de Bryan Singer créant une hype qui, au regard des sorties cinémas de l’année écoulée et de celle à venir, ne se dément toujours pas. Il est relativement compliqué d’opérer une corrélation entre la montée en puissance des films de super-héros et l’impact que cela aurait pu avoir sur le lectorat de comics. Pour autant, certains chiffres sont assez éloquents.

Une récente étude, publiée au mois d’octobre dernier par le Syndicat National de l’Edition en partenariat avec GfK, permet de constater cette explosion du comics : depuis 2007 la vente de comics en France a tout bonnement connu une croissance de plus de 275%…

Les Etats-Unis ne sont pas en reste puisque, sur la même période, la vente de comics en Amérique du Nord  a connu une croissance de plus de 51%, ce qui est considérable pour un pays où les comics étaient déjà fortement implantés. Malgré une année 2017 morose marquée par un recul des ventes, depuis les années 2000 et jusqu’en 2016, la vente de comics en Amérique du Nord a connu une progression moyenne de 45 millions de dollars par an.

Nos amis américains

Porté par les deux grandes maisons d’édition, que sont DC Comics et Marvel, ainsi que par les deux outsiders, Dark Hourse Comics et Image Comics, nous assistons depuis le début des années 2000 à une multiplication des publications.

L’une des explications à l’apparition de nouveaux titres, toujours plus nombreux, se retrouve donc, bien évidemment, du côté de ces quatre grandes maisons d’édition et, plus précisément, de leurs catalogues qui n’a eu de cesse de s’étoffer. Ainsi DC Comics c’était presque 90 titres en 2007 contre environ 150 titres en 2016.

L’autre raison est à chercher du côté des concurrents, plus au moins gros, venus titiller ces mastodontes de la publication. Chaque naissance d’une nouvelle maison d’édition (qui parvient à survivre) est une preuve de plus de la diversité que l’industrie du comics nous apporte. Hors, depuis 2000, ont été créées : IDW Publishing, Aspen Comics, Boom! Studios, Dynamite Entertainment, Zenescope, Valiant Entertainment (dans sa nouvelle mouture), Red Giant Entertainment (avec son titre phare “Atomic Robot”), Black Mask Studios, ou encore AfterShock Comics. Il s’agit là des principales maisons d’édition qui continuent, actuellement, de publier des comics. Le nombre d’acteurs, notables, a donc quasiment triplé en l’espace d’une dizaine d’année. Chaque maison d’édition entraînant une nouvelle ligne éditoriale, nous avons donc là l’une des raisons principales à cette vague de nouveaux titres que l’on voit arriver chaque mois.

Et chez nous ?

En France, concernant les maisons d’édition spécialisées dans l’importation, la traduction et la publication de comics US, cela c’est souvent limité à un seul éditeur, en tout cas à partir des années 90. Si l’on remonte un peu plus loin, à l’arrivée des comics en France au milieu des années 60, ce sont en fait trois maisons d’édition qui se partagent la distribution de ces magazines : Lug, Arédit (Artima) et Sagédition. Toutes trois spécialisées à l’origine dans les « Petits Formats » (Tarzan, Blek, Mustang…), elles se diversifient en intégrant les comics à leurs catalogues. Lug distribuera les principaux titres Marvel, Sagédition les titres Batman et Superman, quant à Artima elle distribuera les quelques séries Marvel non publiées par Lug ainsi que tous les titres DC Comics autres que Batman et Superman. Fin des années 80 le « Petit Formats » s’écroule et entraine avec lui la disparition de ces 3 maisons d’éditions. Viendra alors l’ère Semic France qui, milieu des années 90, se fera délester du catalogue Marvel pour finalement également perdre celui de DC Comics, le tout au profit du nouveau mastodonte de la publication de comics en France : Panini Comics. En 2005 Semic disparaît de l’édition, laissant la voie royale à Panini Comics. Les maisons d’éditions “classiques” de BD franco-belges vont continuer de publier, en parallèle, des titres non issues du Big Two mais les choses se sont véritablement accélérées ces 5 dernières années.

Ainsi 2012 voit apparaitre Urban Comics (filiale de Dragaud), 2015 est l’année du relaunch de Glénat Comics (nouveau logo, nouveau catalogue), 2016 marque la création de l’éditeur Bliss Comics (spécialisé dans les comics Valiant), 2017 c’est au tour de Snorgleux Comics d’entrer dans la danse (avec les titres AfterShock), et cette année 2018 voit arriver Hi Comics (label des éditions Bragelonne, remplaçant de Milady Graphics). Encore une fois, chaque maison d’édition apporte une nouvelle ligne éditoriale et, avec elle, une plus grande diversité dans les titres publiés. Ajoutons à cela d’autres maisons d’éditions telles que Delcourt, Ankama ou Akileos qui, sans avoir de label ou filiale spécialisée dans les comics, en éditent elles aussi.

Cette multiplication de nouveaux titres peut faire craindre à un risque de saturation : certains professionnels de l’industrie s’inquiètent d’ailleurs d’avoir atteint une limite en terme d’offres avec, selon Thierry Mornet (responsable éditorial comics chez Delcourt), « [une] production de comics [qui] est probablement en surchauffe ». Me concernant je pense que, si les titres proposés restent de qualité, le marché devrait suivre. Le récent recul des ventes sur le territoire américain n’est sans doute pas étranger à une baisse dans la qualité des titres Marvel.

Tout l’art sera de parvenir à trouver le juste équilibre entre qualité et quantité, mais aussi à mieux répartir les sorties tout au long de l’année afin de ne pas se retrouver, comme en octobre dernier, avec plus de 120 titres VF publiés le même mois.

En attendant, cette année 2018 s’annonce riche en titres VF alors, ne boudons pas notre plaisir !

 

Sources :

https://www.sne.fr/app/uploads/2017/10/GfK-SNE_SYNTHESE-BD_OCT2017-1.pdf

http://www.comichron.com/yearlycomicssales.html

https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_DC_Comics_publications

http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/ce-que-cache-l-impressionnante-croissance-des-comics-en-france-1287960.html#page/contribution/index