Flash #762 – l’adieu à DC Comics ?

Joshua Willliamson vient de clore son immense run sur Flash avec le numéro #762 et avec lui disparait – provisoirement ? – le DC Comics qui faisait rêver. Il y a un peu moins de quatre ans et demi, DC Comics renaissait avec l’épisode one-shot DC Universe Rebirth scénarisé par Goeff Johns qui enterrait une période créative assez faible de la part de l’éditeur avec les NEW 52.

Le DC Universe Rebirth, par sa qualité, ses pistes promises et sa façon d’englober l’Histoire de DC Comics comme Geoff Johns sait le faire, redonna espoir aux amoureux d’un comic super-héroïque qui se bâtit sur le long terme et au travers d’un univers partagé cohérent

L’alliance d’auteurs et de personnages était pleine de promesses et fut, dans de nombreux cas, une réussite. Si Greg Rucka sur Wonder Woman déçut et si Tom King sur Batman déchira les lecteurs, on peut dire que Peter Tomasi et Dan Jurgens sur les séries Superman, Joshua Willamson sur Flash ou  James Tynion IV sur Detective comics prouvèrent qu’il est encore possible d’utiliser un univers partagé riche et de proposer des histoires intelligentes et divertissantes

Mais au-delà d’une année, l’essoufflement se fit sentir à l’image de la franchise du Kryptonien, et les promesses du DC Universe Rebirth commencèrent à s’étioler avec les retards de Doomsday Clock et l’hypothétique Three Jokers. DC réalisa alors un coup de génie : débaucher celui qui avait relancé Marvel dans les années 2000 : Brian M Bendis. Celui qui n’avait plus rien écrit de bon depuis 10 ans chez la Maison des idées allait donner un second souffle au Rebirth. Mais c’était surtout la mise en exergue de l’incapacité de l’éditeur à donner une cohérence éditoriale à son univers. Dès lors, il n’y avait plus un univers DC mais deux voire trois univers qui ne se parlaient pas vraiment. La franchise Superman et Young de Bendis, les Métaleries qui rient de Scott Snyder et …le reste qui vivote dans son coin. Pour ceux qui ont réussi à poursuivre la lecture des titres de Bendis et de Snyder, la cohérence fut un mot en partie vidé de toute substance

Peut-être conscient de cette faiblesse, DC Comics lança alors le Black Label puis le DC Ink, deux labels avec un dénominateur commun à priori, bien que destinés à des publics différents : le caractère hors continuité des œuvres proposées. Le Black Label s’ouvrit par le faible – scénaristiquement – Batman Damned. Dès lors, le Label proposa de nombreuses œuvres de qualité mais se transforma à son tour en fourre-tout, démontrant l’incapacité de DC Comics à tenir une ligne. L’éditeur profita de ses nouvelles mini-séries pour proposer un format plus prestigieux – pas toujours justifié – et plus onéreux. De son côté, le DC Ink, rebaptisé DC Graphic Novels for Young Adults proposa des récits auto-contenus sensés attirer de nouveaux lecteurs. En difficulté, DC multiplia les coups marketing avec des numéros anniversaire à gogo et pauvres en qualité mais à prix élevé.

En quelques années, le paysage de production des comics DC s’est transformé, misant sur des formats nouveaux, s’éloignant des fondements du comic traditionnel bâti sur le single mensuel clôt sur un cliffhanger alléchant et usant d’une continuité forte. Le remplacement de Dan Didio par Pam Lifford ne fit que traduire, d’une certaine manière, un peu plus cette évolution, cette dernière n’ayant pas caché, dès son arrivée, son opinion sur le coût trop élevé d’une production mensuelle traditionnelle.

La rupture avec le distributeur Diamond, lors des débuts de la crise sanitaire au printemps dernier, n’a fait qu’accentuer ces changements, laissant sur le côté de la route de nombreux comicshops indépendants, incapables financièrement de soutenir les conséquences pour eux de cette décision unilatérale. Les déboires financiers de l’éditeur, aux origines multiples, ne sont évidemment pas à ignorer mais les changements étaient bien ancrés avant la situation des derniers mois. Les récentes annonces susurrées par le fantôme de Jim Lee n’ont rien pour rassurer : plus de numérique avec une publication sous format TP papier uniquement des titres les plus vendeurs, développement des Graphic Novels Young Adults, etc…Et l’annulation de séries qualitatives à la pelle – on pense à la Suicide Squad de Tom Taylor – et le recentrage des publications autour des grosses franchises, entrainant une baisse de la diversité, n’incite pas à l’optimisme.

Et pour achever nos espoirs, le Three jokers de Geoff Johns est enfin là mais, bien qu’étant en soi une bonne histoire, elle ne tient pas ses promesses en termes de continuité.

Et pendant tout ce temps, Joshua Williamson a poursuivi son run de plus de 100 épisodes, tâchant de jouer le jeu de l’univers partagé au mieux, de se plier aux crossovers, conservant l’espoir qui était né en 2016 et gardant allumé au loin une petite lumière qui nous guide encore. La lumière vient de s’éteindre, la bougie de se souffler. Le DC qu’on a aimé vient sans doute de disparaitre avec elle. 

Et DC Comics montre à nouveau qu’il ne s’intéresse plus vraiment à ses séries classiques. Alors que l’arc conclusif de Flash s’est avéré épique à souhait, ce numéro #762 manque de souffle et se contente de ranger les jouets. Un numéro double regroupant les #761 et #762 – avec un contenu identique – aurait sans doute permis de conclure de façon magistrale une saga marquante. On n’aurait même pas rechigné à lâcher quelques dollars de plus…

Depuis plusieurs années, DC Comics a fait des choix qui ont conduit à une transformation en profondeur de sa production, dans la forme et sur le fond. Une transformation qui laisse sur le bas-côté les amoureux d’un comic super-héroïque qui se bâtit sur le long terme et au travers d’un univers partagé cohérent.