Je profite de la sortie quasi simultanée de 3 nouvelles bd pour évoquer un scénariste que j’apprécie tout particulièrement : Zidrou.
Petite bio rapide du monsieur : Benoit Drousie, belge, ancien instituteur, première bd avec L’élève Ducobu, désormais boulimique d’histoires aussi bien côté adulte que jeunesse.
Je ne connais pas son travail pour les plus jeunes sous forme de bd ou d’histoire illustrée, je ne parlerai donc que de son travail pour ado-adulte et encore, je n’ai pas tout lu. Il écrit plus vite que je ne lis.
Ce qui me séduit dans ses histoires, c’est la combinaison de thèmes souvent hors du commun, d’un humour grinçant, d’une certaine cruauté et d’une sensibilité toute particulière qui fait qu’il parvient systématiquement à me toucher à un moment ou à un autre. Il sait trouver un ton de narration spécifique qui permet de ne jamais avoir l’impression de relire la même bd. Il s’attaque également à des thèmes durs ou sensibles comme le deuil impossible d’un enfant mort (Lydie) ou l’amour ente un frère et une sœur (L’indivision), par exemple. Il n’élude jamais une scène qui pourrait faire fuir un certain public si cela sert le récit. Dans ses scénarios, il ne choisit jamais la facilité et sait surprendre. S’ajoute à tout cela, un sens de la formule percutant ! C’est de la bd adulte bien construite, drôle et sensible. En un mot, c’est très souvent excellent.
Il s’associe de surcroit avec des dessinateurs de qualité aux graphismes originaux. Quelques-uns sont des fidèles comme Jordi Lafèbre, Francis Porcel ou Benoit Springer.
Allez, petit tour d’horizon de ce que j’ai lu….
Avec Benoit Springer
Le beau voyage
Une des premières bd que j’ai lues de Zidrou et une des plus dramatiques, en tout cas, qui ne contient pas beaucoup d’humour. Une jeune fille qui se cherche va, à la mort subite de son père, revenir sur son passé et trouver un sens à sa vie. C’est parfois très dur mais ne tombe jamais dans le pathos. Le dessin de Springer est très expressif mais je trouve que son trait est encore un peu fragile. Il sera meilleur sur les œuvres suivantes.
L’indivision
Virginie et Martin s’aiment d’un amour fou. Mais leur relation pourra-t-elle perdurée …puisqu’ils sont frère et sœur. De ce sujet sensible et délicat, Zidrou tire une histoire d’une justesse parfaite. Les scènes s’enchaînent naturellement et la fin est d’une belle poésie. Springer a gardé son expressivité tout en améliorant son trait.
La petite souriante
Exercice de style sur un thème fantastique, La petite souriante conte l’histoire d’un homme qui se débarrasse de sa femme mais une bien désagréable surprise l’attend lorsqu’il rentre à la maison après son forfait. Un brin déjantée, assez drôle, cette histoire est surtout portée par les dessins de Benoit Springer dont le travail sur la mise en page et la narration est tout simplement magnifique. Les couleurs apportent également son lot de mystères au titre. Sans la sensibilité habituelle, ce scénario de Zidrou n’en reste pas moins jouissif. Beau travail de l’éditeur pour donner ce côté Série Noire au titre.
Avec Francis Porcel
Les folies Bergères
Ce récit se déroule pendant la première guerre mondiale. Zidrou en évoque les horreurs à travers le portrait d’hommes qui ont laissé femmes et enfants à la maison et qui au milieu de l’odeur des cadavres finissent par perdre la boule. Pas la meilleure histoire du scénariste malgré une narration originale et des dessins dans des tons sépia de Porcel, à l’encrage prononcé.
Bouffon
Conte moyenâgeux d’une cruauté sans pareil, Bouffon raconte l’histoire d’un enfant d’une laideur incroyable né du viol d’une prisonnière par l’un des multiples hommes ayant pu donner quelques pièces à son geôlier. Le ton est dur mais le scénariste fait preuve d’une belle poésie également. La narration choisie est très efficace. Les dessins de Porcel sont absolument magnifiques.
Avec Jordi Lafebre
Lydie
Dans les années 30, une jeune fille simple d’esprit perd l’enfant qu’elle portait. Persuadée que les anges ont ressuscité son enfant, elle va obliger les gens de son village à faire comme si celui-ci était vivant. Récit particulièrement étrange, il m’a été difficile de rentrer dedans mais la poésie qui s’en dégage l’emporte. Lafebre, aux dessins, réalise un travail superbe, notamment sur les couleurs.
La mondaine (2 tomes ou intégrale)
Sur fond de deuxième guerre mondiale, Zidrou écrit l’histoire d’un jeune inspecteur qui débute à la brigade des mœurs. Beaucoup de mélancolie et de délicatesse dans ce portrait absolument touchant. Lafebre est toujours aussi bon avec des couleurs encore plus lumineuses.
Les beaux étés (4 tomes parus)
Cette série conte les vacances d’une famille de belges dans les années 60-70. C’est drôle, délicat et mélancolique à souhait. Les situations sont très justes. Les plus de 30 ans se retrouveront forcément dans ces récits. Les trois premiers tomes remontent la chronologie (1973 – 1969 – 1962), ce qui crée une narration originale. Par ces petites séquences de quelques jours, Zidrou nous dresse le portrait de cette famille. Le dessin de Jordi Lafebre retranscrit à merveille cette époque. Un indispensable selon moi.
Avec Simon Van Liemt
Ric Hochet (3 tomes parus)
Parmi les nombreuses reprises de séries classiques des années70-80 confiées à Zidrou, Ric Hochet est la seule que j’ai lue. Il donne au personnage un nouveau souffle fait d’humour, d’intrigues modernes mais possédant un certain classicisme et de respect des personnages. La série gagne en qualité au fur et à mesure des tomes. Tout en respectant les canons de la série, Simon Van Liemt apporte sa propre touche, offrant un mix très bon.
Avec Philippe Berthet
Le crime qui est le mien
Ce polar se déroule en Australie, ce qui lui confère immédiatement une atmosphère particulière. On est happé dès les premières pages par une narration et des dialogues impeccables. La tension est maintenue de bout en bout et l’utilisation d’un personnage mort dans les scènes du présent apporte un mystère supplémentaire. Philippe Berthet, connu pour sa série Pin-Up, conserve son style très original sur ce one-shot implacable.
Avec Edith
Emma G. Wilford
Zidrou s’intéresse, dans cette histoire, au destin d’une femme dans les années 30 qui part, en dépit des préjugés liés à l’époque, à la recherche de son mari, explorateur parti vers la Norvège. Le scénariste dresse le portrait d’une femme qui décide de casser les codes et de prendre son destin en main. C’est plein d’aventures, de subtilité et c’est dessiné magnifiquement par Edith. Pour ne rien gâcher, les éditions Nocatmbule présente le tout dans un « coffret » de toute beauté. Un must.
Avec Oriol
Natures mortes
Zidrou imagine un peintre dont les modèles en natures mortes disparaissent au même rythme que lui les peint et s’interroge le lien entre un artiste et son œuvre. Là encore, sujet très original, bien traité, quoi qu’un peu rapide à lire. Les peintures d’Oriol très colorées fonctionnent bien avec le thème. Dargaud concocte une couverture toilée pour sublimer la bd.
Avec Arno Monin
L’adoption (2 tomes)
Une petite fille péruvienne vient bouleverser le quotidien d’une famille qui ne l’espérait plus. C’est par le regard du papy que Zidrou nous chronique cette courte période. Si l’on pense au début que l’on va lire un titre léger, on a tôt fait de changer d’avis. Même si beaucoup d’humour parsème ce diptyque, les thèmes évoqués sont assez graves. Mais Zidrou fait passer ça avec délicatesse et ne choisit jamais la facilité. Les planches de Monin à l’encrage très léger sont pétillantes de vie. A nouveau, un indispensable.
Avec José Homs
Shi (2 tomes parus)
Il s’agit d’une grande fresque étalée sur trois époques différentes au centre de laquelle deux femmes mènent la danse. Mélange d’histoire, de policier et de fantastique, c’est une réussite totale. Et que dire des dessins de José Homs d’une précision diabolique associés à une superbe colorisation assez sombre. Il reste deux tomes normalement, on se dirige tout droit vers l’indispensable !
Avec Aimée De Jong
L’obsolescence programmée de nos sentiments
Dernière opus en date, ce récit est une histoire d’amour entre deux personnes âgées. Encore d’une justesse impeccable dans sa description des personnages, Zidrou nous surprend avec cette fin pleine d’espoir. Beaucoup d’humour et quelques belles formules avec ça. Les dessins d’Aimée De Jong sont parfaits dans leur évocation des conséquences de l’âge, notamment sur les corps. A nouveau un très beau récit.
Si vous voulez vous lancer dans l’aventure Zidrou, il y a, comme vous le voyez, de quoi faire. Et il y a bien une dizaine de titres que je n’ai pas lus, surtout des plus anciens. Chaque nouvelle sortie Adulte du monsieur va directement dans mon caddy ! Pour commencer, je conseillerais Les beaux étés, Emma G. Wilson et L’adoption.
En tout cas, si la plaisir que j’ai à lire les bd de Zidrou vous a été communicatif, préparez-vous à des heures de bonheur de lecture ! Et n’hésitez pas à laisser vos commentaires sur le sujet !