Grass Kings – Tome 1 (VF-Futuropolis)

Grasskings - Tome 1
Date de Sortie
29 janvier 2019
Scénario
Matt Kindt
Dessins
Tyler Jenkins
Éditeur
Futuropolis
Prix
22 €
La note de ComicStories
9.5

Matt Kindt est un scénariste ambitieux et touche à tout en terme de sujets. Passionnant sur le récit d’anticipation Raï paru chez Bliss Comics en VF, il aborde aussi parfois des thèmes plus personnels publiés régulièrement par Futuropolis. C’est chez cette éditeur que parait Grass Kings depuis le début de l’année 2019. Cette mini-série en 15 parties parue chez Boom! Studios entre mai 2017 et mai 2018 commence par ce premier tome de 6 épisodes dessiné par Tyler Jenkins.

Grass Kingdom est une communauté perdue au fin fond de l’Amérique profonde gérée par trois frères. Robert, le cadet de la fratrie, a perdu tragiquement sa fille des années auparavant. Lorsque Maria, une mystérieuse jeune femme vient trouver refuge dans la communauté, il l’accueille. Mais l’identité de cette dernière va raviver des tensions avec Humbert, le shérif de la ville voisine, Cargill, avec lequel la petite communauté est en conflit.

Matt Kindt propose une histoire qui s’inscrit dans la tradition des pionniers venus s’installer sur cette terre promise qu’ils ont fait leur et ont oublié que ce territoire n’était pas vierge à leur arrivée. Chaque épisode débute d’ailleurs par quelques pages rappelant les conflits qu’a amenés cette conquête au fil des décennies. Les habitants de cette communauté considèrent la terre où ils vivent comme leur territoire où ne règnent que leurs propres règles et sont de fervents partisans des armes à feu et de la justice privée. Le premier épisode explicite clairement cette situation quand Bruce, l’un des frères qui, en tant qu’ancien flic, se comporte comme le shérif du Royaume, raccompagne un « étranger » à la « frontière » du Grass Kingdom. Ce contexte planté, Matt Kindt va s’intéresser aux membres principaux de la communauté afin d’installer le mystère qui va guider son histoire. L’apparition de la jeune femme en détresse va raviver les cauchemars de Robert, le frère censé diriger la communauté. La disparition de sa fille, qui l’a traumatisé, va faire ressortir la part d’ombre des frères. Le scénariste prend son temps pour faire visiter au lecteur la communauté, constituée de marginaux réfractaires aux lois officielles. Par des échanges entre Robert et Maria, il révèle le passé du cadet dont la point de vue va évoluer au fil du récit. Par des flash-backs, il explique le conflit qui mine les relations de la communauté avec Humbert. Les personnages sont particulièrement bien écrits. D’apparence butée et sans concession, ils se dévoilent plus fragiles. Les secrets et mensonges vont surgirent et amener les protagonistes à se questionner. Matt Kindt construit habilement son récit tel un thriller où la tension monte petit à petit. Les dialogues, impeccables, en révèlent autant que la narration.

Le tome se clôt sur une réelle bataille rangée entre les flics de Cargill et la communauté du Royaume, poussant Bruce à penser que la situation a atteint les limites du tolérable et emmenant le lecteur vers le tome 2 sur un suspens haletant.

Matt Kindt a l’habitude de s’associer à des dessinateurs possédant une patte graphique hors du commun. Tyler Jenkins et ses sublimes aquarelles illustrent ici ce polar rural. Si ses crayonnés peuvent paraître fragiles, ses peintures donnent une vie incroyable à ses planches. Les couleurs qui débordent des contours apportent un dynamisme et une énergie aux cases. Le dessinateur excelle sur ces doubles pages de paysages magnifiques. L’originalité du travail graphique est une des forces de Grass Kings.

L’édition de Futropolis est, comme d’habitude, splendide. Papier de qualité, chapitrage, couvertures alternatives et extrait de scénario sont des ingrédients présents qui font la réussite du livre. 

La suite dans le tome 2.

Grass Kings est un polar du fin fond de l’Amérique qui démarre de façon grandiose. La mise en place impeccable de l’intrigue et des personnages est sublimée par les aquarelles de Tyler Jenkins d’une grande beauté et d’une belle originalité. Vivement que le tome 2 s’ouvre à nous !
9.5
Haletant
On aime
Le portait d'une certaine Amérique
La profondeur des personnages
Les aquarelles de Tyler Jenkins