Interview – Mike Deodato Jr

Pour commencer les interviews de 2021, l’artiste Brésilien qui, après avoir fait les beaux jours de Marvel pendant de nombreuses années, s’investit désormais pleinement chez AWA, a trouvé un moment pour répondre à nos questions. Nous nous sommes glissés entre deux planches pour évoquer avec lui son parcours et ses projets.

For English speakers, please find lower the interview in its original version

AWA et l’indé

Vous travaillez sur plusieurs titres de chez AWA. Comment en êtes-vous venu à travailler avec cet éditeur ?

Après avoir annoncé l’année dernière que je quittais Marvel Comics pour poursuivre une carrière de créateur indépendant, j’ai été contacté par Axel Alonso pour le rejoindre chez AWA. Axel est le meilleur éditeur d’histoires sur le marché et c’est aussi un vieil ami, donc c’était une décision facile à prendre.

The Resistance, Bad Mother, bientôt Redemption. Vous êtes très investi sur ces nouveaux projets. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette aventure ?

Axel Alonso et moi nous connaissons depuis presque 20 ans. Il connaît mes points forts. Il sait que j’aime les défis. Chaque script qu’il me montre est une grande opportunité pour moi de tester mes compétences avec quelque chose de frais et d’incroyablement bien écrit.

The Resistance fait écho – involontairement – à l’actualité avec cette histoire de virus mais aussi avec une réflexion sur les tentations totalitaires des États. Au final, c’est un titre qui est très pertinent dans le monde d’aujourd’hui.

Absolument. C’est l’objectif : rendre la bande dessinée pertinente pour cette génération. Straczinsky et moi avions une toile blanche pour créer tout un univers à partir de zéro. Nos héros n’ont pas des dizaines d’années de continuité qu’ils trainent comme un boulet. Straczinsky est un bâtisseur de monde et il sait comme personne d’autre comment rendre quelque chose d’assez grand pour se sentir unique et personnel en même temps, c’est sa magie.

Quelles différences trouvez-vous entre travailler chez Marvel et désormais en indépendant ? Une certaine liberté ?

Totalement. C’est la beauté des creator owned : vous les possédez et vous pouvez faire ce que vous voulez. En même temps, il y a cette incroyable équipe de grands éditeurs chez AWA qui sont là pour vous aider à développer vos projets au maximum.

Marvel

Vous avez longtemps travaillé pour Marvel. Quelle était votre relation avec les personnages de cet éditeur avant que vous n’y travailliez ?

J’ai grandi en les lisant quand j’étais enfant. Ils faisaient partie de mon enfance. Ils ont rendu ma jeunesse merveilleuse.

Pensez-vous avoir bouclé la boucle avec votre travail chez Marvel ou peut-être reviendrez-vous travailler sur cet univers ?

Pendant 24 ans, j’ai vécu mon rêve d’enfant de dessiner les personnages avec lesquels j’ai grandi. Maintenant, il est temps de vivre mon rêve d’adulte de dessiner et de créer mes propres personnages.

Dessin

Vous avez un style très reconnaissable, surtout dans votre mise en page avec de nombreuses cases qui découpent votre dessin. Qu’est-ce que cela apporte à la narration ?

Cela dépend de l’histoire. Pour Bad Mother, une histoire de crime, avec beaucoup de suspense, ça colle très bien. Cela donne l’impression d’un puzzle avec tous ces cases fractionnées qui aident à construire le suspense. Pour Redemption, j’ai décidé d’utiliser des cases traditionnelles pour que cela ressemble à des bandes dessinées de Western classiques.

On reconnaît souvent des acteurs de cinéma dans vos personnages. Pourquoi ce choix ?

Je crée souvent mes histoires en pensant comme un réalisateur de cinéma, donc j’aime « caster » les acteurs qui me semblent être le bon choix pour le rôle. Je pense que cela donne un réalisme que j’aime voir dans les bandes dessinées. C’est une influence que j’ai eue de Paul Gulacy sur Master of Kung Fu. Voir Brando, Bruce Lee, Coburn et d’autres jouer des personnages de la série a été l’un des éléments qui m’ont fait aimer la série.

Votre narration rappelle aussi beaucoup les plans de films. Le cinéma a-t-il une forte influence sur votre travail ?

Oui, certainement, mais les influences que j’ai eues de la bande dessinée elle-même sont bien plus importantes pour ma formation. Eisner, Moebius, Adams, Steranko, Frazetta, Crepax, Kubert et bien d’autres sont à la base de mon travail de storytelling.

Chez AWA, vous travaillez avec Frank Martin et Lee Loughridge aux couleurs. Ce sont des coloristes avec lesquels vous avez déjà travaillé. Est-il important de travailler avec les mêmes personnes ?

J’aime travailler avec les meilleurs. J’ai eu la chance de travailler avec des coloristes extrêmement talentueux, ce sont des gens en qui j’ai confiance, donc chaque fois que j’ai la chance de pouvoir choisir, je choisis de travailler à nouveau avec eux.

Comment travaillez-vous avec eux ? Donnez-vous beaucoup d’instructions ?

Avant, j’étais la terreur des rédacteurs, je demandais tout le temps des changements de couleurs, mais j’ai appris qu’il vaut mieux se détendre et laisser le coloriste créer sa magie. En fin de compte, c’est ce qui est le mieux. Il suffit de choisir le meilleur et de ne pas s’en mêler.

A une époque, vous utilisiez souvent des cases inclinées ? Quelle était la contribution en termes de narration ?

Cela dépend de chaque page ou de chaque situation, mais en général, c’était pour rendre le tout plus dynamique. Le plus important était de ne pas gêner le déroulement de l’histoire.

Le monde de la bande dessinée

AWA propose tous ses tpbs à moins de 10$, DC se dirige vers le roman graphique et le numérique, le single semble perdre de la vitesse, … comment voyez-vous l’évolution du marché des comics ?

Je ne vois pas vraiment les singles disparaître, mais nous devons nous adapter à ce que le lecteur veut. Tant que de bonnes histoires sont racontées, ça va. Le format n’est qu’un moyen de les diffuser.

Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

J’ai terminé le cinquième numéro de Redemption. Je vais me lancer dans mon prochain projet pour AWA. J’ai déjà décidé lequel, mais je ne peux pas faire de commentaires pour l’instant, malheureusement.

Que lisez-vous actuellement ?

Year Zéro, volume 2

Entretien réalisé par échange de mails. Merci à  Mike Deodato Jr pour sa disponibilité et sa gentillesse !


To begin the 2021 interviews, the Brazilian artist who, after having spent many years in Marvel, is now fully committed to AWA, has found a moment to answer our questions. We slipped between two pages to talk with him about his career and his projects.

 

AWA / Indie

You work on several AWA titles. How did you come to work with this publisher?

After I announced last year that I was leaving Marvel Comics to pursue a creator-owned career I was contacted by Axel Alonso to join him on AWA. Axel is the best story editor in the market and also an old friend, so it was an easy decision to say yes.

The Resistance, Bad Mother, soon Redemption. We can sense that you are very invested in AWA. What attracted you to this publisher?

Axel alonso and I know each other for almost 20 years. He knows my strengths. He knows I like to be challenged. Every script he shows me is a great opportunity for me to test my skills with something fresh and incredibly well-written.

The Resistance is – unintentionally – in the news with this story of a virus but also with a reflection on the totalitarian temptations of states. In the end, it’s a title that is very relevant to today’s world.

Absolutely. That is the goal : to make comics relevant for this generation. Straczinsky and I had a blank canvas to make an entire universe from scratch. Our heroes don’t have dozens of years of continuity to drag us down. Straczinsky is a world builder and knows like no one else how to make something so big to feel unique an personal at the same time, that’s his magic.

After many years at Marvel, you are now working as an indie. What differences do you find there? A certain freedom?

Totally. That is the beauty of creator-owned projects: you own them and you can make whatever you feel like. At the same time, there is this amazing crew of great editors at AWA who are there to help you to develop your projects to the fullest.

Marvel

You worked for Marvel for a long time. What was your relationship with the characters of this publisher before you worked on it?

I grew up reading them as a kid. They were part of my childhood. They made my youth wonderful.

Do you feel you’ve come full circle with your work with Marvel or maybe you’ll come back to work on this universe?

For 24 years I lived my childhood dream of drawing the characters I grew up with. Now it is time to live my adult dream of drawing and creating my own characters.

Art

You have a very recognisable style, especially in your layout with many panels which cut your drawing. What does this bring to the storytelling?

It depends on the story. For Bad Mother, a crime story, with a lot of suspense, it fits very well. Gives it the feeling of a puzzle with all those fractioned panels helping to build the suspense. For Redemption I decided to go with traditional paneling to make it look like classic western comics.

We often recognise film actors in your characters.  Why this choice?

I often create my stories thinking as a movie director, so I like to “cast » the actors I think would be the right choice for the role. I think it gives a realism that I enjoy to see in comics. This was an influence I got from Paul Gulacy on Master of Kung Fu. Seing Brando, Bruce Lee, Coburn and others playing characters in the series was one of the elements that made me like it so much.

Your storytelling is also very reminiscent of film shots. Does cinema have a strong influence on your work?

Yes, definitely, but the influences I had from comics itself are way more important to my formation. Eisner, Moebius, Adams, Steranko, Frazetta, Crepax, Kubert and many others are the foundation of my storytelling.

At AWA you work with Frank Martin and Lee Loughridge in colour. They are colourists with whom you have already worked. Is it important to work with the same people?

I like to work with the best. I have had the luck to work with extremely talented colorists, they are people I trust, so everytime I have the chance I choose to work with them again.

How do you work with them? Do you give a lot of instructions?

I used to be the terror of editors, asking for changes in colors all the time, but I learned it is better to relax and leave the colorist to create his magic. In the end it is worthy. You just have to choose the best guy and stay out of the way.

At one time you often used leaning panels ? What was the contribution in terms of narration?

It depends on every page or situation, but usually was to make it look more dynamic. The most important was not to be in the way of the storytelling.

World of comics

AWA offers all its trade paperbacks at less than 10$, DC is moving towards Graphic Novel and digital, the single seems to be losing speed, …how do you see the evolution of the comics market ?

I really don’t see the singles going away, but we have to adapt to what the reader wants. As long as good stories are being told, it is OK. The format is just a way to deliver it.

What are your plans for the coming months ?

I’ve finished Issue five of Redemption. I jump into my next project for AWA. I have already decided which one, but I cannot comment for now, unfortunately.

What are you currently reading?

Year Zero, volume 2

Interview made by email exchange. Thanks to Mike Deodato Jr for his availability and his kindness.