November – Vol. 1 : The Girl On The Roof

November Vol. 1 : The girl on the roof
Date de Sortie
13 novembre 2019
Scéanrio
Matt Fraction
Dessins
Elsa Charretier
Couleurs
Matt Hollingsworth
Lettrage
Kurt Ankeny
Editeur
Image Comics
La note de ComicStories
9

Avant le retour de Sex Criminals pour son arc conclusif en janvier, Matt Fraction s’est attelé à un nouveau récit publié dans un format inédit pour lui : le graphic novel. Associé à l’artiste française Elsa Charretier, au coloriste Matt Hollingsworth et au lettreur Kurt Ankeny, le scénariste choisit une forme de récit qui constitue clairement une prise de risque. L’on suit le destin de trois jeunes femmes sous forme de segments narratifs qui vont chacun semer des indices laissant penser qu’ils ne constituent qu’une seule et même histoire. 

La première des jeunes femmes, Dee, est une handicapée, ancienne junkie, suicidaire, amatrice de clubs de striptease et cruciverbiste qui se voit contactée par Mr Mann, un homme en costard cravate, afin de conclure un deal : contre une forte somme d’argent, elle devra traduire des messages lus dans des journaux qu’elles interprétera sous forme de nombres qu’elle devra répéter dans un micro – pour une finalité assez floue mais visiblement peu licite. La deuxième jeune femme trouve une arme à feu dans une flaque en pleine rue alors qu’elle rentre des courses et contacte alors la police qui va intervenir, notamment en la personne d’un mystérieux flic moustachu surnommé « 12-6« . La troisième, Kowalski, est une opératrice de police qui va se retrouver au milieu d’une alerte d’urgence.

L’ensemble forme un jeu de pistes tortueux où les indices sont dispersés mais sans que le lecteur soit pris par la main, et où Mr Mann et 12-6 vont intervenir ici ou là. Le labyrinthe qui se forme sous les yeux du lecteur, parfois perdu, ne semble pas contenir de porte de sortie simple. Quelques couloirs se livreront évidemment dans les prochains volumes et au moins une seconde lecture sera nécessaire pour s’imprégner totalement du jeu installé par Matt Fraction. L’exercice exigeant et difficile d’accès pourrait toutefois ne pas plaire à tous les lecteurs mais c’est là une de ses multiples forces.

Le scénariste utilise parfaitement  les codes du polar. La ville est glauque, oppressante et égarée dans ce froid de novembre et l’individu est un anonyme parmi les autres. Les personnages laissent échapper des volutes de fumée, glissent des liasses de billets sur la table, écrasent leur clope dans la bouffe, se cachent dans l’ombre. Les trois jeunes femmes vivent dans des univers angoissants dans lesquels elles semblent perdre pied. On retrouve également le sens du dialogue cher à Matt Fraction, déjà présent dans Sex Criminals, avec ces échanges ciselés et vifs.

Elsa Charretier dont on connait le trait rond a modifié son dessin, digérant d’autres influences. Il y a du Eduardo Risso et du David Mazzuchelli dans ses planches. On reconnait leur amour des ombres et leur gout des palettes sombres. La dessinatrice choisit des découpages récurrents de larges bandes qui traversent la page ou de gaufriers 3 par 4 alternant répétitions de motifs ou gros plans qui imposent un rythme incroyable au récit. Elle répète les cases où change simplement une expression ou la position d’un personnage, participant efficacement au storry-telling. Le motif grillagé se répète à travers le comic : les mots croisés, la cage à oiseaux, la cloison de l’entrepôt des preuves et les pages de séparation des segments narratifs. De la même façon, le motif circulaire est omniprésent : les boutons, les horloges, les flaques d’eau, les œufs, les stations de plan de métro. Tout cela permet d’installer le climat oppressant et de distiller petit à petit l’univers voulu par Matt Fraction. On notera le clin d’oeil de la première page au sublime Nighthawks d’Edward Hopper.

La collaboration d’Elsa Charretier avec le coloriste Matt Hollingsworth est également remarquable. Chaque segment possède une teinte propre et les palettes choisies par le coloriste s’intègrent parfaitement aux dessins de l’artiste française. Kurt Ankeny vient ajouter sa petit touche avec un lettrage donnant une impression d’écriture griffonnée sur un coin de table, à la va-vite, accentuant l’ambiance noire.

L’édition proposée par Image Comics est en tout point remarquable. Le choix de format, la qualité du papier et le titre en relief sur la couverture montrent que l’éditeur croit fort en ce projet !

November est une œuvre unique et riche par sa construction narrative et sa partie graphique fouillée et innovante. On attendra les deux volumes suivants pour savoir si l’on peut ranger ce triptyque dans la catégorie des indispensables, ce qui, pour le moment, est tout à fait envisageable.
9
Labyrinthique
On aime
Les dessins d'Elsa Charretier, aux nombreuses références
La construction labyrinthique de Matt Fraction
La colorisation de Matt Hollingsworth
L'édition de Image Comics
On aime moins
Difficile d'accès
On n'est parfois perdu dans le labyrinthe