Daredevil tome 1 « Un témoin gênant » (VF – Panini Comics)

  Présentation :

Scénario : Charles Soule
Dessins : Ron Garney
120 pages – 14,95 € – Sorti le 09/11/16

Sollicitation Panini : Matt Murdock est de retour à Hell’s Kitchen mais avec un nouveau costume et un nouveau travail : avocat de l’accusation ! Passé de l’autre côté du barreau, Daredevil va devoir faire face à de nouveaux défis…dont celui de s’occuper de son protégé, Blindspot.

(Contient les épisodes US Daredevil (2016) 1-5 et All-New, All-Different Marvel Point One 1 (I), inédits)


Daredevil, ou l’un des personnages les plus passionnants de l’univers Marvel après des runs de légende, nous revient dans cette nouvelle itération signée Charles Soule et Ron Garney. Le justicier aveugle avait disparu le temps de Secret Wars, Mark Waid et Chris Samnnee avaient réécrit le personnage durant presque 40 numéros, de 2011 à 2014. Ce long travail avait eu ses détracteurs, mais j’avais grandement apprécié cette approche originale sur le héros, pleine de positivisme et d’espoir, malgré une fin catapultée par les impératifs liés à l’évent d’Hickman. Voici donc le retour de Murdock aux affaires dans un ton qui dénote grandement avec la version précédente.

Qui dit série « All-New All Different Marvel », dit deus ex machina du gap des huit mois ; La série n’échappe donc pas à cette pirouette fumeuse. Alors que le précédent statu quo, que je ne révélerai pas ici pour préserver les retardataires, avait grandement bousculé les codes inhérents au personnage, nous sommes directement plongés dans un Daredevil bien plus classique. Durant cette ellipse narrative, Matt a réussi à amputer la population de tous ses souvenirs le concernant, notamment sa double identité. Le lecteur comprend durant les premiers numéros que le sacrifice pour un tel miracle a été très lourd pour Matt, seul son comparse Foggy Nelson est au courant, sans doute pour se garder dans la manche un éventuel discours moralisateur de sa part. Passé cette mise en place digne de One more day chez Spider-Man, le plaisir de lecture est bien là. De retour à New York, Murdock peut à nouveau concilier son travail de procureur général et de vigilante, qui va le mener jusqu’à Samuel Chung. Ce jeune sans papiers chinois est lui aussi un récent justicier masqué du nom de Blindspot, qui partage le même idéal que le Diable, la protection de son quartier : China Town. Face à Dix-Doigts, un illuminé à la tête d’une secte religieuse, Daredevil va prendre sous son aile l’adolescent pour le former aux rudiments de la justice. Et c’est là que la rupture apparaît : nous sommes en présence d’un retour au Daredevil de Miller. Le ton choisi est brut, rauque et s’inscrit précisément dans son œuvre, la puissance d’écriture en moins. Soule, lui même avocat, modifie  l’environnement civil et professionnel de Murdock, en le passant cette fois de l’autre côté de la barre. Ce nouveau rôle de procureur modifie drastiquement la conception de la justice du héro, l’objectif n’est plus de défendre les criminels mais bien de les foutre au trou. Cette approche conditionne tous les dialogues du bouquin, Matt et Daredevil ne prennent plus de gants.

D’ailleurs, Ron Garney altère complétement son style graphique pour coller à la grande époque de l’Homme sans peur, entre les traits de Miller et ceux de Romita Jr. Son Matt est massif et son visage est marqué, de la même manière, son alter égo est tout aussi impressionnant. Les coups portés font mal et le titre est d’une violence graphique assez inédite. Les couleurs de Matt Milla renforce aussi l’ambiance crasseuse qui se dégage, le noir et blanc omniprésent, le rouge clinquant du costume, le beige terne dans le bureau d’avocat, tous ces choix assurent un parti pris graphique intéressant. Là encore, les références à Miller, et notamment à Sin City, abondent.

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C’est bien une case du tome, l’hommage est très clair !

Malgré un contrat de base toujours aussi bancal, cette nouvelle formule du diable de Hell’s Kitchen fonctionne. La série est rentre-dedans, brutale et elle peut compter sur une partie graphique de haute volée. Voir cet hommage à l’immense travail de Miller sur ce personnage est plaisant. De plus, l’arrivée de ce sidekick pourrait bien bousculer les codes, à une époque où Marvel tente progressivement de renouveler ses figures historiques.