Moon Knight Legacy Tome 1 : La folie dans le sang (VF – Panini Comics)

Moon Knight pourrait bien rejoindre le Diable. Des écrits rayonnants éclipsent tout dans une confidentialité sobre. Ce n’est pas pour rien que Warren Ellis, dont l’unique volume est encore à ce jour l’une de mes meilleures expériences, avait redéfini en profondeur en une réussite synodique. Tous les astres étaient convoqués pour briller. Puis Lemire, expatrié des plaies mutantes concrétise les folies musclées du britannique en 3 volumes lunaires, immédiatement projetés dans cette constellation des  merveilles narratives. Alors quand le chevalier blanc ressort la camisole, il serait fou de ne pas se laisser hypnotiser.  

Max Bemis serait donc impliqué intiment, ce jeune auteur est malade, atteint de troubles bipolaires. Le vécu concret se mêle à la fiction. La paranoïa, l’humeur et la démence, toutes ces abstractions luisent dans les lignes de Bemis. Spector, ou Jake, ou Khonsou s’effacent, reprennent le contrôle ou conversent autour d’une table ronde cérébrale. La Folie, concept personnage dans ce volume, est une crevasse dans laquelle nous plongeons tous et sans détour. Ellis et Lemire utilisaient astuces, zones d’ombre et songeries, Bemis préfère matérialiser la chose. Une concrétisation qui va jusqu’aux adversaires, eux aussi très corporels et palpables. Bushman, forcément, mais on préfère l’oublier dans cette version de mercenaire rejeté, incompris et plaintif. Puis, le Sun King, l’incarnation de Ra, dieu solaire égyptien et père de Khonsou, l’antagonisme est tout trouvé, trop évident. 

Les deux divinités se livrent en vérité un face-à-face éternel, fait de champions humains à travers l’Histoire, de croissants chauds pour la Lune et de grillades pour le Soleil ; l’un défend, l’autre asservit. Un approfondissement de la légende du Moon Knight nécessaire – Ellis s’était occupé du vigilante masqué brutal – Lemire  divaguait entre les dunes chimériques. Étrangement, l’idée ne tient pas, le Sun King n’a pas la maturation, l’aspiration à devenir la némésis ultime du Moon Knight. Mais encore, Burrows emprunte quasiment tous les crayons de Dillon, artiste que je n’appréciais pas. Les postures, les visages, cette attitude à représenter la rage et la névrose, Dillon est partout ; mais pas dans les fonds, vides, faits d’aplats de couleurs unies, ou de mobiliers étriqués.

Pourtant, quelques détails, comme souvent, n’occultent pas entièrement le tome. Forcément, ce rapprochement plus épais de la folie du personnage, mais aussi la parentalité qui s’impose à lui. L’astuce trouvée permet donc de déplacer Spector dans une toute nouvelle direction, dont on attend toujours les voies à suivre. La fille du personnage n’a aucune importance, n’est qu’un ressort narratif. Encore un frein sur lequel Marvel met tout son poids. Gageons que cette nouvelle étape comptera pour la suite. 

Moon Knight Legacy n’est pas aussi expérimental, ou plus simplement aussi convaincant que ses prédécesseurs. Le titre repose sur une tout nouvelle approche démonstrative du dérangement du personnage. Comme un objectivisme réel pour raconter les concepts et perceptions d’un personnage. L’idée n’est pas idiote. Mais elle est immédiatement rattrapée par certaines limites, un cadre narratif déjà, et un effacement visuel – Le titre ne tient même pas la comparaison avec Shalvey ou Smallwood. Largement suffisant pour s’apprécier, peut être moins pour s’y plonger et se perdre, jusqu’à revenir pour la suite.