Trilogie: Black Summer – No Hero – Supergod (VF – Hi Comics)

Hi Comics est monté au grenier chercher dans les cartons poussiéreux de Milady Graphics trois comics signés Warren Ellis, publiés entre 2009 et 2011 pour en faire une belle intégrale. Cette trilogie traite du super-héroisme sous des angles et des tons assez différents. Les trois récits sont présentés dans l’ordre chronologique de leur parution.

Black Summer présente une équipe de sept individus dont les capacités ont été augmentées et dont le but initial était la défense civile d’une ville. Au début du récit, l’équipe se trouve plutôt en lambeaux. Certains sont morts, d’autres présumés disparus et d’autres encore actifs et les relations entre les membres sont plutôt distendues. Le membre le plus actif, John Horus, intervient à la TV pour annoncer qu’il vient d’exécuter le Président des Etats-Unis qu’il accuse de mensonges et de manipulation. Cet évènement va bien évidemment avoir des conséquences sur l’équipe.

Warren Ellis propose un récit essentiellement tourné vers l’action comportant beaucoup de scènes de baston assez violentes même s’il évoque les manigances politiques ou l’idéologie des superhéros. A travers des séquences flashbacks, le scénariste présente chaque membre de l’équipe au début de leur aventure, introduisant leur motivation et leur état d’esprit par rapport à leur rôle. L’étude psychologique des personnages reste malgré tout assez embryonnaire.

Le récit est bien construit, réservant son lot de surprises et de revirements. Ellis parvient à maintenir un suspens de bout en bout. Le découpage et le rythme sont efficaces. L’évolution des personnages au fil du récit ne peut que les conduire au désastre et vers une fin qui fonctionne bien. Les pouvoirs des personnages sont assez classiques mais bien utilisés.

              

Aux dessins, Juan Jose Ryp nous gratifie d’une multitude d’informations, comme à son habitude. Son souci du détail, la richesse de ses cases font de Black Summer une lecture dense visuellement et permettent une immersion totale dans les scènes. La violence des scènes de baston est agrémentée de litres d’hémoglobine, amenant parfois ses compositions à la limite du gore caricatural. Néanmoins, l’impact de ses dessins est réel et ceux-ci imprègnent le récit.

Au final, Black Summer est un bon récit d’action violent qui s’intéresse au côté humain des super-héros, sans en proposer un développement totalement satisfaisant.

Dans No Hero, un groupe de super-héros, appelé les Levellers, fait son apparition en 1966. Ils interviennent dans les rues, par exemple lors de conflits entre deux gangs. En 2011, deux membres du groupe rebaptisé Front Line trouvent la mort dans une attaque. Leur leader Carrick Matterson décide alors de recruter un nouveau membre, Josh Carver, un jeune dont s’était le plus grand souhait. Pour devenir membre du groupe, il doit subir la Transformation. Nous  suivons l’incorporation de ce jeune au sein de l’équipe et son évolution.

L’introduction de ce novice permet à Warren Ellis de présenter l’équipe dont chaque membre a une personnalité propre et bien caractérisée. Il justifie la possibilité du super-héroisme par le procédé de la Transformation et s’intéresse à la question de savoir jusqu’où l’on peut aller pour devenir super-héros à travers l’évolution de Josh Carver. Au travers du personnage de Carrick Matterson, il montre les super-héros comme faisant leur propre justice, au mépris des lois. Tous ces sujets sont bien abordés et leur narration ben construite. Warren Ellis réussit à écrie un polar haletant dont les révélations disséminées au compte-goutte maintiennent un suspens imparable. Les dialogues ciselés permettent d’affiner la caractérisation de chaque personnage, les répliques données aux différents protagonistes nous faisant cerner la personnalité de chacun.

              

L’apport visuel de Juan Jose Ryp est une nouvelle fois indéniable. Son dessin n’est pas juste l’illustration du récit mais amène des éléments supplémentaires, par exemple l’horreur que provoque la transformation ratée de Carver. Là encore, les détails et la violence très gore marquent les esprits mais c’est dans la qualité de la narration que ce deuxième récit se démarque du premier.

No hero est au final un thriller haletant et habillement construit, au propos bien élaboré.

Le dernier récit, Supergod, se démarque des deux premiers par son thème et sa narration. Warren Ellis ne propose pas un récit d’aventures mais présente un scientifique relatant l’histoire de la création, à consonance religieuse, par plusieurs pays de héros quasi divins et des répercutions géopolitiques de ces créations. La forme du récit est tout à fait originale puisqu’il s’agit d’une narration en voix-off quasi intégrale, sans presque aucune scène de dialogue. Le rythme en est différent de Black Summer et No Hero, plus lent avec peu d’action et de violence. Le récit, raconté au passé mais présenté de façon chronologique, manque un peu de nervosité pour être tout à fait emballant. Néanmoins, le propos d’Ellis qui vise à étudier le comportement de ces Supergods et la place de l’humain dans leurs actes est intéressant.

Garrie Gastonny, qui remplace Ryp, propose un dessin beaucoup plus classique mais pas moins désagréable. Le souci du détail est bien présent. Les 7 Supergods bénéficient d’un design différent et différenciable, bien élaboré.

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Supergod est réellement différent de ses ainés. Intéressant dans son propos et original dans sa forme, il pâtit néanmoins d’un certain manque de rythme.

L’édition de Hi Comics est très belle et la réunion de ces trois œuvres en un seul volume apporte une plus-value à l’ensemble. Néanmoins, comme souvent avec cet éditeur, l’absence d’un petit travail édito, qui aurait sans doute valu la peine, est préjudiciable.

Cette trilogie présente trois récits de qualité, intéressants, au graphisme original mais aucun ne rentre dans la case « chef d’œuvre », même si No Hero s’en rapproche. Fortement conseillé toutefois, surtout dans ce beau format !