Square Eyes fait partie des titres hors du commun que Delcourt fait découvrir aux lecteurs dans la collection Outsider. Son grand format carré et sa couverture intrigante ne sont qu’une mise en bouche à un voyage virtuel et visuel impressionnant édité dans un bel écrin. Anna Mill et Luke Jones proposent une expérience futuriste ambitieuse.
Pour la première fois de sa vie, Fin sort du réseau. Quelques mois plus tôt, elle avait inventé un programme si puissant et étrange qu’elle était devenue invincible. Jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus. Maintenant, elle est bloquée hors des systèmes virtuels qui contrôlent la société. Une autre femme vit dans son propre appartement comme si de rien n’était. Fin n’a pas le moindre souvenir de comment tout cela a pu arriver… Pendant ce temps, des gens disparaissent mystérieusement des rues de la ville et la technologie qu’avait inventé Fin pourrait en être la cause.
Anna Mill livre une œuvre artistique bluffante qui s’aventure sur de multiples terrains graphiques. Intégrant le concept de réalité virtuelle dans son dessin, elle propose des planches hypnotiques où se mêlent deux plans scénaristiques. Jouant également sur les concepts numériques et les formes géométriques, elle plonge le lecteur dans un monde virtuel palpable. Mais elle sait aussi se montrer plus sobre en usant d’un story-telling plus classique fait de tons de gris efficaces. Néanmoins, cette surabondance graphique finit par étouffer une histoire qui n’avait pas besoin de cela. Car le récit qu’Anna Mill co-écrit avec Luke Jones s’avère plutôt confus et manquant de rythme. Si l’on saisit la volonté d’instaurer un certain suspens dans la recherche des causes de cette sortie des réseaux que subit l’héroïne Fin, l’histoire ne décolle jamais vraiment. Certaines séquences sont même franchement obscures. Si le sujet est original et s’aventure dans des contrées rarement abordées, le propos sur la réalité urbaine et le monde digital demeure trop nébuleux et perd de sa force.
Au final, les yeux du lecteur se seront régalés de planches impressionnantes mais celui-ci n’aura jamais réussi à s’impliquer dans une histoire guère captivante.
