Tout juste un an après le très bon Middlewest, Skottie Young, Jorge Corona et Jean-François Beaulieu se réunissent de nouveau pour une nouvelle mini-série, Celui que tu aimes dans les ténèbres, d’un genre bien différent mais où la folie graphique des deux artistes peut, une nouvelle fois, s’exprimer totalement.
Ro, une artiste peintre, décide de venir chercher l’inspiration dans le calme d’une petite ville. Mais la muse qu’elle va trouver n’est sans doute pas celle qu’elle imaginait.
L’une des grandes forces de Celui que tu aimes dans les ténèbres est l’ambiance que parviennent à instaurer les trois créateurs. Dansant avec un incroyable équilibre entre romance et horreur, Skottie Young, par la relation qu’il installe entre Ro et son étrange courtisan, et les deux artistes, par leur fabuleuse inventivité, installent le lecteur dans un délicieux inconfort.
La construction de la relation entre les deux amants est belle, juste et touchante, faite de moments de complicité et d’incompréhension dérangeante, la seconde composante grignotant doucement le terrain de la première, instillant dans l’esprit du lecteur une angoisse palpable. Cet entre-deux délectable est le cœur de l’histoire et est une totale réussite. Durant les deux premiers épisodes, le courtisan fantomatique demeure une énigme pour le lecteur, entretenant fascination et inquiétude. Puis la créature se révèle et le lecteur, déjà bluffé par le travail graphique est épaté par l’inspiration du design et sa puissance horrifique.
Car Celui que tu aimes dans les ténèbres ne serait pas le coup de cœur qu’il est sans le subjuguant travail graphique du vénézuélien et du canadien. Les designs de personnages de Jorge Corona sont impeccables, que cela soit Ro, petite brune filiforme à l’aspect fragile dont le puissant regard, filtré par ces grands verres masquant sa réserve, captive ou la créature aux multiples abattis dont la bouche, riche en dents, et les oculaires se mêlent. La mise en page est redoutable, offrant à la fois des cadrages travaillés et une disposition de cases subtile. L’architecture de la maison immerge également totalement dans l’ambiance inquiétante. Jean-François Beaulieu apposent ses teintes tantôt ardentes, tantôt d’un sombre bleu-vert, et joue subtilement avec la lumière, toute en contraste des noirs que le dessinateur travaille fortement. La beauté et la nuance de sa palette sont époustouflantes.
Les styles des deux artistes s’unissent à merveille aussi bien dans le registre intime qu’horrifique. Une très grande partie graphique !
Si la fin parait finalement un peu convenue et rapide, elle ne gâche en rien le plaisir ressenti à la lecture de cette romance d’un genre peu commun !
Portée par une partie graphique de Jorge Corona et Jean-François Beaulieu d’une rare intensité et d’une incroyable beauté, la romance horrifique de Skottie Young envoute de bout en bout et fait chavirer de bonheur le cœur du lecteur !