Urban Comics profite de l’arrivée de Spectateurs en VF, nouveau comicbook de Brian K. Vaughan pour rééditer Private Eye, géniale œuvre atypique co-créée avec Marcos Martin et Muntsa Vicente.
Ce comic a été d’abord été proposé sous format numérique uniquement et contre une contribution pécuniaire laissée au choix des lecteurs sur Panel Syndicate, la plateforme créée par Marcos Martin, avant de voir sa vie se poursuivre sous format papier. Imaginé sous un format numérique à l’italienne, le titre ressort sous ce même format chez Urban Comics, accompagné d’un fourreau.
Implosion du Cloud
Les auteurs proposent un polar sur fond de monde futuriste où l’internet a explosé, révélant les secrets de chacun et forçant les individus à porter des masques en public pour cacher leur personnalité. Le principal protagoniste est PI, un détective privé pouvant dénicher n’importe quelle information moyennant finance. Il est contacté un jour par une femme qui souhaite qu’il enquête sur …elle-même. Mais la femme est tuée quelques heures plus tard. PI se lance alors dans cette enquête pas comme les autres.
Des personnages travaillés
L’un des points forts de ce comics réside dans ses personnages, tous bien travaillés, à la personnalité propre et caractérisée avec soin. Tout d’abord PI, métisse au caractère bien trempé dont on apprend petit à petit l’histoire, son grand père, sorte de papy bougon aux répliques fusantes, Mélanie, la femme à tout faire de PI, pleine de bon sens malgré son jeune âge, Raveena, la sœur de la victime, femme d’action toujours prête à envoyer un bon coup de coude ou encore Deguerre, le méchant au sang froid. Brian K. Vaughan met un soin particulier à créer les interactions entre ses personnages. Les dialogues sont efficacement élaborés, n’oubliant pas quelques touches d’humour. Le contraste au sein du duo PI/Raveena fonctionne parfaitement, l’un préférant la diplomatie et l’autre la force.
Polar au classicisme parfait
Brian K. Vaughan raconte son histoire sous forme d’un polar au classicisme parfait. Meurtre plus que suspect, enquête semée d’embuches et de cadavres, intrigue à rebondissements, suspens haletant, action à foison, personnages cyniques ou sombres, environnement glauque des bas fonds et final en apothéose. Le scénariste met tout en place pour ne laisser au lecteur aucun moment de répis.
Futur oppressant
Brian K. Vaughan intègre son histoire dans un monde futuriste où il place un certain nombre d’idées malignes. Los Angeles est ceinte d’un mur l’isolant du monde extérieur, l’explosion de l’internet a modifié les moyens de communication, les hommes de loi sont désormais les journalistes, les voitures se déplacent en volant à quelques dizaines de centimètres du sol. Ces éléments offrent un mix passé/futur intéressant et installe une ambiance oppressante.
Et bien sûr, il y a la partie graphique de Marcos Martin et Muntsa Vincente. Le duo, complice de toujours ou presque, livre des planches d’une grande inventivité ! Parfaitement mis en scène, le polar de Vaughan bénéficie d’un rythme graphiquement effréné mais maitrisé, de designs parfaits – personnages comme lieux -, et de couleurs sublimes.
Une édition soignée
L’édition proposée par Urban Comics est impeccable. La trentaine de pages de bonus est une mine d’informations sur la construction du projet et son évolution au fil du temps. Les échanges entre les auteurs via des mails permet de comprendre les différentes étapes d’élaboration du comic avec ses doutes, ses tâtonnements, ses émerveillements lorsque la bonne idée semble trouvée. Une lecture vraiment très intéressante.
The Private Eye est une œuvre atypique et d’une grande originalité. Brian K. Vaughan propose un polar futuriste parfait qui sort du lot par son contexte et sa forme. Marcos Martin et Muntsa Vicente éclaboussent chaque page de leur talent !