Brian K. Vaughan se fait rare, y compris sur Saga, longtemps en hiatus. Il revient aujourd’hui, en compagnie de Nico Henrichon, avec qui il a déjà collaboré sur Les Seigneurs de Bagdad. Mais voici une lecture qui va laisser perplexes de nombreux lecteurs, tant Spectateurs possède d’éléments déroutants.
Observer le monde
Val a quarante ans. Fan de soap-opéras et de films pornographiques, elle se rend au cinéma où elle est sauvagement abattue de plusieurs balles dans le corps. Elle se retrouve alors bloquée dans un état spectral, ne pouvant faire qu’une seule chose : observer les humains vivre leurs vies tout en communiquant avec certains autres spectres.
Brian K Vaughan aborde de nombreux thèmes comme le côté voyeuriste des humains avec la mise à disposition de la vie privée, la différence d’exposition du sexe et de la violence dans certaines formes d’art, les tueries de masse, la pop culture, certains pans de l’histoire américaine, un regard sur la vie et la mort mais il le fait sans réel fil conducteur. Le lecteur suit un duo de personnages qui échange, débat tout en observant le monde courir à sa perte.
Sans ligne directrice
Certains moments sont vraiment intéressants et pertinents mais où cela va-t-il ? Brian K. Vaughan ne définit pas de ligne directrice claire. Le récit ressemble à un fourre-tout avec quelques jolis moments – notamment entre les deux personnages principaux quand ils évoquent leurs histoires personnelles – et de réflexions séduisantes mais ne parvient pas à convaincre totalement. L’atmosphère fantomatique est toutefois palpable et réussie, ainsi que la tension apocalyptique montante qui aboutit à un final marquant.
La représentation du sexe dans l’art
Brian K. Vaughan a, comme il le dit dans des interviews, clairement une obsession avec la représentation du sexe dans l’art. Pour lui, la différence entre la représentation de la violence – ultra présente et sans filtre – et celle du sexe – régulièrement et de plus en plus réprimée – est choquant. Il fait donc le choix de proposer cette dernière de manière frontale. Dans les planches de Nico Henrichon, on est clairement dans une représentation pornographique. Ce n’est pas en soi un problème mais cela a souvent un caractère gratuit dans ce récit d’errance fantomatique…un peu comme dans Saga où l’auteur place dans chaque tome ou presque une scène de sexe sans que cela n’apporte rien au récit.
Une partie graphique au service du récit
Outre cet aspect graphique particulier, le travail de Nico Henrichon contient de très bonnes idées. Le contraste noir & blanc/couleurs pour représenter l’état des personnes est très bien exploité, créant une ambiance singulière. Les designs sont réussis et les émotions sont particulièrement bien rendues. Le grand format proposer par Urban Comics permet également de profiter de ces très belles planches.
Spectateurs ne convainc pas vraiment mais il pas ne laissera clairement pas indifférent…
Spectateurs n’est pas le chef d’œuvre espéré ! Malgré de bonnes idées, une atmosphère réussie et de jolis moments d’émotion, le récit manque d’une ligne directrice qui laisse un gout de d’inachevé et laisse transparaitre certaines obsessions du scénariste qui pourront dérouter.