ComicStories #345 – S12E07 : Wakanda… forever ?

Et si les comics, c’était pas pour la vie ? Et si j’arrêtais d’en lire ? Ce sont les questions que je (Matthieu) me suis beaucoup posé pendant les trois derniers mois. Pour y répondre et surtout pour essayer de comprendre pourquoi j’en étais venu à me poser la question de tout arrêter, j’ai fait le tour du bateau à bord duquel nous sommes tous et toutes depuis des années. Dans cet épisode, je partage mes observations et sentiments avec Boris et Clément, dans un format inédit de notre podcast, quelque part entre l’édito et le débat.

Voici en guise de préambule la version écrite de mon édito, qui a servi de support à notre discussion :

« Wakanda Forever ! » Ça, c’est une promesse ! Peu importent les tempêtes et les crises, même infinies, le Wakanda sera toujours debout et fier. Et derrière ce slogan de fiction, une promesse réelle et réconfortante pour nous : les comics vivront toujours. Vraiment ?

Il faut que je vous raconte un truc. Depuis décembre, je n’ai trouvé l’envie de lire que 4 singles. Moins de 100 pages de comics, en autant de jours. Grosse panne. Et grosse remise en question. Alors ça y est, c’est fini pour moi ? C’est maintenant que j’arrête ? Peut-être.

Je vous propose une histoire maritime, pour vous raconter mon sentiment. Tout ça, ça n’engage que moi et ça ne reflète sans doute pas la pensée de Boris et Clément. Pour répondre à mes questions, ces derniers mois, j’ai fait un tour du navire sur lequel on navigue tous et toutes depuis tant d’années, plus de 20 pour moi. Ce que j’ai vu, d’abord, c’est que je ne suis pas du tout le seul passager à me demander à chaque escale si je descends ou non. C’est réconfortant. J’ai suivi les news, pris un peu de recul sur ces dernières années et j’ai vu que dans le monde des comics, bah c’est un peu comme dans le vrai monde.

On est très occupés à remplir les cales de toujours plus de marchandises et à encaisser les billets des passagers. Mais ils commencent à manquer. Alors on fait quoi ? Et bah on remplit encore plus les cales, peu importe la qualité de la came, il en faut. Beaucoup. Et on augmente le prix du billet, évidemment. À aucun moment quelqu’un a pensé à simplement s’occuper du bateau. Résultat, aujourd’hui, il y a une fissure dans la coque et l’eau rentre. Alors non, on n’est pas encore en train de couler. On peut colmater la brèche. Mais si on ne veut pas finir comme le navire Diamond, j’ai la sensation que c’est maintenant ou jamais qu’il faut se bouger.

Et ça, c’est un job pour Superman ! Mais c’est qui, au juste ? Personne ne semble suffisamment solide ou volontaire pour entreprendre les réparations. Le marché est dirigé et possédé par des personnes qui le considèrent insignifiant et tout juste bon à renouveler la durée de vie des licences qu’ils exploitent par ailleurs. Il tente de survivre comme il peut dans un monde qui prend de plus en plus des allures de dystopie. La solution pourrait venir des artistes. Il suffirait de les laisser faire leur job : imaginer, raconter, créer. On en a tellement besoin ! Sauf que, quand l’océan est agité, on se tourne vers les marins expérimentés plutôt que vers les mousses. L’audace, l’ambition, l’engagement ? Non. Trop risqué économiquement et politiquement.

Les Big Two ont soufflé sur leurs voiles et vogué sur une mer calme pendant des décennies mais aujourd’hui, ils crèvent à petit feu, complètement asphyxiés sur le plan créatif. Soyons réalistes, ça fait bien longtemps que Marvel ne fait plus le job, et DC est en train de doucement prendre le même chemin. En dehors que quelques séries de second plan et d’univers alternatifs prometteurs, peu de choses sortent du lot. Il y en a, mais peu.

Les All-in succèdent aux Dawn of, aux Infinite, All-new et autres rebrandings quasi annuels qui ne sont que de petits coups de rame et durent le temps de quelques numéros. Le temps de la curiosité et de l’espoir que la nouvelle équipe créative va tout secouer. Le temps de se rendre compte que, en fait, non.

Alors bien sûr, chez DC, on reste quand même plus en forme qu’en face, parce que, au moins, ce qui est proposé n’est jamais vraiment mauvais. Mais pas souvent génial non plus. Et personnellement, je ne veux plus prendre un billet pour un voyage « pas mal » ou « pas hyper original mais très bien exécuté ». Pas à 5 balles la vingtaine de pages.

Non, ce que je veux, c’est une grande croisière, qui passe par des lieux inexplorés, découvrir de nouveaux horizons, voir monter de nouveaux marins à bord, avec toutes les conséquences que ça implique pour le bateau. Je veux que le voyage me dise des choses sur ma vie et sur le monde dans lequel je vis.

La réalité de notre croisière, c’est que l’équipage ne regarde plus le monde. Il regarde, nostalgique, le sillage d’écume que le bateau laisse derrière lui, et faute de mieux, on le regarde avec eux, des étoiles dans les yeux. Et c’est super triste. Les créations se font rares, on recycle les succès passés en prenant soin de ne surtout, surtout pas changer le statu quo.

Et ça marche, puisqu’on nous annonce 400 000 précommandes pour le premier chapitre de Hush 2 ! Enfin, ça, c’est un écran de fumée. En effet, on ne parle pas de 400 000 lecteurs qui ont réservé leur numéro de Batman, mais du nombre de copies achetées par les shops. Et chez DC, on a tout fait pour faire exploser ce chiffre.

En effet, les retailers, à condition de commander autant d’exemplaires de Batman #158 (début de l’arc H2sh) qu’ils n’avaient commandé de Absolute Batman #1, pouvaient obtenir des exemplaires additionnels par packs de 25 au tarif spécial de 25$ le pack. Oui, 1$ le numéro. De quoi faire gonfler les recettes pour les shops, et c’est tant mieux, mais surtout de quoi faire bondir le nombre de précommandes et faire passer le numéro pour un bulldozer.

Sans compter qu’il comptait déjà une vingtaine de variant covers, dont des incentives allant jusqu’au ratio délirant de 1:1000 (pour les shops, il s’agissait de commander 1000 exemplaires pour avoir accès à un exemplaire de cette cover). Et comme si ce n’était pas assez, on vous rajoute une Launch Party, avec une autre cover spéciale et une preview Ashcan du numéro suivant en noir et blanc, par dessus. Si avec ça tout les compteurs ne s’affolaient pas…

Je me demande juste… combien d’exemplaires ont été réellement précommandés par des clients et combien resteront sur les bras des retailers ? Et parmi les clients, combien sont venus pour l’histoire ? Combien pour le buzz ? Combien pour tenter la grande aventure de la spéculation sur un numéro « évènement » ? Et combien seront encore là, à la fin, au dernier chapitre ?

L’écran de fumée ultime de la fausse bonne santé des deux plus si big que ça : l’annonce d’un nouveau crossover Marvel/DC. Après des années de guerre froide sur le papier et surtout, sur les écrans, faire tomber à nouveau le mur est simplement le signe, pour moi, que c’est la panne sèche des deux côtés, et qu’on ne sait plus quoi faire pour redémarrer.

Attention, je ne suis surtout pas en train de vous dire que les comics, c’était mieux avant. Parce que le « avant », les récits « cultes » que l’on encense aujourd’hui, ne sont rien d’autre que des poissons qui ont mieux nagé que les autres, parmi des bancs entiers de petits poissons qu’on a oublié. Ce que je vous dis, c’est que chez Marvel et DC, les poissons d’aujourd’hui ne nagent plus aussi bien, ni aussi longtemps, et meurent en quelques mois à peine. Hors univers alternatifs, combien d’histoires âgées de cinq ou, soyons fous, dix ans sont restées ? De combien parle-t-on encore comme ayant vraiment compté et changé la donne ? La pêche est bien maigre. Et je n’arrive pas à savoir si c’est de la faute des pêcheurs, des poissons, ou de la pollution de l’eau.

La preuve que ce n’était pas mieux avant, ou que ce n’est pas moins bien aujourd’hui, c’est que d’autres bateaux ont fière allure. Image s’impose en grand leader créatif de la flotte. Il est là, le bateau mainstream dont on ne veut pas débarquer. Et regardez tous les bateaux, plus petits, des éditeurs indés qui ont de l’or dans leur cales et qu’Image embarque dans son sillage !

Je l’avais, ma réponse. Arrêter de croire aux sirènes et aller voguer ailleurs, autrement, quitte à monter sur des petites barques qui tanguent un peu, mais qui avancent.

Wakanda Forever, mon œil. C’est plutôt Shakespeare qui aurait la bonne formule : il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Enfin, du Wakanda. Non, les comics, c’était pas mieux avant. Il me suffisait de lever un peu les yeux pour voir les autres bateaux, à l’horizon. Et à bord de ceux-là, c’est toujours aussi bouillonnant et créatif. Ce n’est pas moins bien aujourd’hui. C’est juste mieux ailleurs. Et ce n’est pas grave ! Fini Marvel, fini DC, j’ai changé de bateau et le voyage est de nouveau génial. Je continue quand même à regarder par-dessus mon épaule et à surveiller les vieux voiliers que j’aimais tant. On ne sait jamais, ils fendront peut-être à nouveau les vagues, un jour. Et si ce n’est pas le cas, tant pis. Le monde est grand au-delà du Wakanda !

Nous espérons que ce format vous plaira et il nous tarde d’avoir votre avis sur le sujet de cet épisode ! Les commentaires sont à vous !

Bonne écoute !

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