Le titre « Blue in green » parlera aux amateurs de Jazz. A l’évocation de ce morceau créé par Miles Davis sur le chef d’oeuvre Kind of blue, de douces humeurs gagnent l’esprit du mélomane. Désormais scénariste incontournable et précédemment publié chez HiComics avec l’excellent These Savage Shores, Ram V sortait en 2020 un Graphic Novel où, comme son titre l’indique, le Jazz aller avoir une place prépondérante. Mais pas seulement. L’auteur y développe la trajectoire d’un homme torturé au travers d’une multitude d’ambiances. Pour ce projet ambitieux qui arrive enfin en France, il s’associe au dessinateur Anand RK et au coloriste John Pearson.
Alors qu’il revient dans la maison de son enfance à l’occasion de l’enterrement de sa mère avec laquelle il a toujours eu des relations complexes, Erik, saxophoniste professionnel, découvre, dans les affaires de sa mère, la photographie d’un saxophoniste inconnu. La recherche de l’identité de ce dernier va devenir obsessionnelle et entrainer une quête personnelle insoupçonnée.
Il est des comics qui, grâce à leurs partie graphique, vous immerge totalement au bout de quelques planches, sans que l’histoire ait même réellement commencé. Blue in green est de ceux-là. Poisseux, écorché, même enragé, le travail de Anand RK et John Pearson crée un choc. Comme le Jazz dont l’histoire se parfume, il est libre et emprunte des formes multiples, est sans cesse changeant, varié, toujours surprenant. Les crayonnés de Anand RK, aux contours flous et griffés donnent une impression d’urgence qui ne quittera jamais le comic. La sublime palette de couleurs dont use John Pearson offre à chaque séquence une teinte propre et singulière. Ses nappes successives apportent une force supplémentaire à des planches déjà fortement évocatrices.
En termes de composition, les idées sont multiples et foisonnantes. Faisant appel aux formes spiralaires ou au thème musical, certaines planches sont hypnotiques. La représentation de l’artiste avec son instrument frappe la mémoire du lecteur par les positions iconiques. Dans tous les genres auxquels touche l’histoire, le thriller, l’horreur, le romantisme, la musique, les artistes visent juste et provoquent une vague d’émotions fortes.
Une partie graphique époustouflante de bout en bout !
L’histoire proposée par Ram V est une quête personnelle pour son personnage, une forme d’exploration intime. Le recherche de l’identité du musicien inconnu est en fait la recherche de sa propre identité à travers son passé chaotique. L’auteur y évoque l’impact de l’enfance et de la relation filiale. Le lecteur croise une floppé de personnages en déshérence, à la recherche d’un second souffle. Comme dans de nombreuses légendes de musiciens, Erik va croiser un démon pour acquérir ce son qui fera de lui un meilleur saxophoniste. Ram V évoque alors la puissance de la musique et des émotions qu’elle procure. L’ambiance enfumée et malfamée des clubs de Jazz s’y respire !
Le récit de Ram V se lit tel un thriller haletant qui flirte avec justesse avec l’horreur, la folie mais aussi avec une sorte de romantisme égarée. De nombreuses émotions et ambiances pour une histoire très sombre.