Quinze ans avant sa superbe saga Grandville, en 1994, Bryan Talbot proposait une œuvre à part dans la bibliographie et dans le cœur de son auteur. Débuté comme un projet de bande dessinée quasi documentaire sur Lake District, une région du nord-ouest de l’Angleterre, L’histoire d’un vilain rat devint au fil des recherches de l’auteur, notamment sur Beatrix Potter qui vécut dans cette région, ainsi que de ses lectures sur les abus sexuels, l’œuvre sombre et profonde que propose aujourd’hui, dans une sublime édition, Délirium.
Helen est une jeune femme qui, victime d’abus sexuels, décide de fuguer de chez elle. Accompagnée de son rat et de son imagination nourrie des contes de Beatrix Potter, elle se lance dans un road-trip initiatique qui lui fera parcourir l’Angleterre et lui permettra de surmonter ses blessures.
Emouvant, sombre et extrêmement bien construit
Bryan Talbot propose un récit émouvant, sombre et extrêmement bien construit. Bati autour du personnage d’Helen dont l’auteur décortique la psychologie avec force et finesse, L’histoire d’un vilain rat superpose la douceur et la fantaisie de l’univers de Beatrix Potter et le drame que vit Helen, tourmentée par des visions obsédantes des agissements de son agresseur. Bryan Talbot décrit avec acuité l’évolution psychologie de la jeune femme, passant de la culpabilité à la libération des souvenirs indélébiles des événements.
Un hommage à l’univers de Beatrix Potter
A travers la quête initiatique d’Helen, Bryan Talbot évoque la transformation de l’Angleterre des années 80-90, devenue d’une férocité incroyable pour ses citoyens. Mais il rend aussi un hommage sublime à l’univers imaginaire de Beatrix Potter à travers les lieux visités et une certaine fantaisie que l’auteur intègre à son récit, tout en s’appuyant sur son enfance mouvementée.
Une grande maitrise graphique
L’histoire d’un vilain rat est illustré dans un style différent de ce qu’à proposé jusque-là l’artiste. Dans un style réaliste, en s’appuyant sur des photos des lieux traversés ou des personnes réelles, Bryan Talbot propose des très belles planches particulièrement lisibles. Soignant sa mise en scène, l’artiste joue parfaitement sur les ambiances et les humeurs, notamment grâce à une large palette de couleurs. Bryan Talbot démontre une très grande maitrise graphique !
Delirium dote son édition de nombreux bonus particulièrement pertinents qui améliore encore l’expérience de lecture !
Quinze ans avant le génial Grandville, Bryan Talbot créait un autre chef d’œuvre avec le sombre et profond L’histoire d’un vilain rat, récit pour lequel l’artiste démontre une parfaite maitrise scénaristique et graphique ! Une très grande bande dessinée !