Sortant d’une période personnelle troublée, Nicholas Breutzman, designer vivant à Rochester dans le Minnesota, décide de coucher sur papier sa vie passée pour essayer de remonter la pente. Dessinant d’abord sur du papier récupéré au boulot, l’artiste publie ensuite ses planches sur les réseaux sociaux. Encourager par sa femme et les retours des internautes, il se lance dans la publication de ce roman graphique que propose Delcourt en avant première mondiale.
Dans Pill Hill, Nic découvre l’existence de père célibataire alors que son ex-femme combat les affres de l’addiction et se débat avec ses troubles mentaux. D’étranges rencontres Tinder en contraintes professionnelles, Nic doit faire face à cette nouvelle réalité, d’autant que son ex n’en finit pas de dériver et qu’une étrange colonie de chewing-gums surgit sur les arbres du parc voisin…
Un récit autobiographique sombre et décalé
En grand partie autographique, Pill Hill oscille entre deux tonalités : la sombre réalité du quotidien de père célibataire où se mêlent les déboires de son ex et de ses nouveaux mecs peu fréquentables et accros à diverses substances avec la maltraitance de ses enfants – Henry son fils et Drake, son beau fils – qui en découle, l’impuissance des services sociaux aux fonds sapés par les autorités, la culpabilité qui accompagne tous ces évènements, et l’univers décalé où la chasse au colleur de chewing-gums va faire rencontrer à Nic des conspirationnistes convaincus de l’existence des reptiliens. Si la seconde composante revient avec un rythme régulier, c’est bien la première qui domine et fait de Pill Hill une œuvre forte et percutante. La lente descente aux enfers de la famille décomposée est décrite avec minutie et forte émotion, l’auteur ne masquant aucun des sentiments et livrant un récit très juste.
Une belle inventivité graphique
Pour exprimer la palette large de sentiments que va ressentir Nic au fil de ce chemin de croix, l’auteur fait preuve d’une belle inventive graphique. Si son trait indé joue le plus souvent avec sa bichromie blanc – bleu ciel dans un gaufrier trois par deux, Nicholas Breutzman s’offre des escapades en noir & blanc claustrophobe pour évoquer les tourments nocturnes de Nic et des métaphores graphiques dotées d’un jolie grain de folie pour exprimer ses frustrations et ses colères. L’artiste mise également sur l’expressivité de ses personnages en optant pour un dessin plus caricatural par séquence.
Témoignage fort qui lorgne vers le comic underground et qui trouvera une pertinence supplémentaire auprès de personnes vivant des situations similaires, Pill Hill marque profondément par sa réalité crue et sa sincérité.
Pill Hill marque profondément par la sincérité de son propos et l’émotion qui s’en dégage ! Fort et poignant !