Delirium est un immense pourvoyeur de chefs d’œuvre de la bande dessinée anglo-saxonne et L’exécuteur de Matt Wagner et Arthur Ranson entre clairement dans cette catégorie. L’occasion de (re)découvrir cet incroyable thriller en trois parties arrive avec une réédition sous forme d’intégrale !
Prévu pour paraitre dans le magazine Toxic ! avant que ses éditeurs décident de lâcher l’affaire, L’exécuteur atterrit finalement en 1992 chez 2000AD, hebdomadaire consacré plutôt à la science-fiction et au fantastique, que chérit et met en valeur Delirium !
Un jeu mortel
L’histoire débute en Angleterre, dans les environs de la capitale. Harry Exton est un ancien mercenaire rangé des voitures à qui un vieux pote propose d’intégrer un » jeu » où ses compétences de tueur professionnel vont lui permettre d’amasser un paquet d’argent mais où la mort rôde à chaque instant. Tels des gladiateurs modernes, ces tueurs se livrent des joutes armées où les paris de riches individus vont bon train. Ces derniers, surnommés les « voix » , car on ne les contacte que par téléphone, ont chacun un ou plusieurs poulains appelés « exécutants » . Ayant récolté une belle somme et lassé, Harry souhaite alors arrêter…mais il n’est pas facile de quitter le « jeu ».
Il n’y a pas de gentil dans l’exécuteur
La mise en place de ce pitch pas comme les autres se fait sans round d’observation et plante immédiatement le décor. Le monde que décrit John Wagner est sans morale et ultra violent. Un univers où la vie humaine n’a que peu de valeur. Comme l’auteur le dit dans sa préface : « il n’y a pas de gentil dans L’exécuteur ». Tout n’est qu’histoire d’argent et de plaisir pervers à observer ces hommes s’entre-tuer. Harry est un type qui tue de sang froid, sans aucune hésitation ni aucun remord. John Wagner lui fait prodiguer quelques exécutions qui font dresser les poils. Le rythme du récit, guidé par un Harry qui se fait narrateur, est sans temps mort. Le scénariste laisse une grande part aux joutes auxquelles se livrent les exécutants, instillant une tension qui monde crescendo.
Une chasse à l’homme époustouflante
John Wagner « promène » son personnage principal de la campagne anglaise aux grandes étendues américaines, qu’elles soient glaciales, humides ou arides pour un récit qui tourne à la manipulation avec des adversaires de haut calibre. La narration de John Wagner s’enrichie au fil du récit de lettres rédigées par Harry, dont le but est de témoigner des événements dans le cas où il viendrait à disparaître, et accentue le caractère paranoïaque du thriller. L’exécuteur se clôt sur une chasse à l’homme d’une centaine de pages, prouesse scénaristique incroyable. John Wagner tient en haleine le lecteur avec cette traque à travers les Etats-Unis. Pas un seul instant, l’envie d’arrêter la lecture ne traverse l’esprit tant le rythme est infernal et la tension, insoutenable. L’ambiance de thriller parano, avec ses twists inattendus, transporte le lecteur dans un véritable page-turner. Harry se fait fin stratège et John Wagner, malin dans la construction de son histoire.
Un dessin immersif
Le style d’Arthur Ranson est dans l’esprit 2000AD. L’artiste propose un travail de mise en page redoutablement efficace. Son dessin s’apparente à du photo réalisme, très précis et à l’encrage prononcé. Le niveau de détail impressionne et immerge totalement dans les différents contextes. Ranson n’a pas son pareil pour imposer des ambiances glaçantes et oppressantes. Un travail graphique de haute volée !
L’Exécuteur est un thriller fascinant, aux multiples qualités scénaristiques et graphiques, dont l’écriture harponne le lecteur dès les premières pages pour ne plus le lâcher ! Un chef d’œuvre !