En 2003, Robert Morales et Kyle Baker font une proposition à Marvel que, à leur grand étonnement, l’éditeur, alors dans une période créative intense, accepte. S’appuyant sur des recherches et une bibliographie copieuses, Robert Morales propose alors de lever le voile sur un pan méconnu de l’Histoire des USA tout en offrant une réinterprétation des origines de Captain America.
Les origines du Super Soldat
En 1942, alors que les USA entrent en guerre, le professeur Reinstein est en charge d’un projet scientifique ultra secret. Afin de perfectionner le sérum du Super Soldat, il sélectionne des centaines de combattants afro-americains qui vont servir de cobayes…
Un propos fort et intelligent sur la condition afro-américaine
Robert Morales livre un récit fort qui mêle fiction et réalité avec une grande aisance. A travers le destin d’un afro-américain, Isaiah Bradley, qui va devenir un symbole de liberté, il s’empare de faits peu glorieux et souvent mis sous le tapis de l’Histoire américaine. Tout en reprenant des codes classiques du récit de super héros (bastons, costumes, ennemi symbolique…), Robert Morales incorpore des éléments réels qu’il cite dans l’appendice en fin de volume, tout en précisant, d’autre part, les composants qu’il a ajouté pour le besoin de son récit. La semaine nègre de l’Exposition Universelle de 1940, l’exécution de centaines de soldats afro-américains, les multiples expériences à propos de la syphilis sur des cobayes humains, les émeutes raciales de 1919 (« Red Summer ») qui voit des suprémacistes blancs mener des attaques terroristes sur la communauté afro-américaine : autant de faits référencés qui donnent une matière dramatique au récit. L’ensemble renvoie à la condition des minorités et principalement ici à la communauté afro-américaine, dont les membres sont considérés comme des sous-citoyens. Le scénariste intègre également des éléments liés à la seconde guerre mondiale, notamment l’extermination des juifs par l’Allemagne Nazie.
La sidération de Captain America
Le récit de Robert Morales s’intègre, comme l’a souhaité Axel Alonso, éditeur de Marvel de l’époque, à la continuité et fait donc figurer Steve Rogers – Captain America. Le scénariste profite de cette apparition pour montrer sa sidération à la constatation que l’origine de ses capacités vient d’expérimentations non consenties et sont le fruit de souffrances qui ont été cachées et effacées des livres d’Histoire. Le dernier épisode est de ce point de vue particulièrement marquant !
Un dessin faussement naïf qui décuple la puissance du récit
La puissance du récit de Robert Morales est décuplée par le dessin hors norme de Kyle Baker. L’artiste possède un trait caricatural et expressif que l’on ne s’attend pas à trouver sur récit issu de chez Marvel et portant sur Captain America. Faussement naïf, son dessin, fait de morphologies extraordinaires, d’exagérations grotesques, retranscrit parfaitement la force du scénario, avec beaucoup d’expressivité et de vitalité. L’aspect humoristique qui ressort de prime abord se mue en une valeur dramatique, de part l’expression des personnages ou l’amplification des sentiments. L’artiste livre également une narration graphique qui accentue encore un peu plus la dramaturgie.
Sous son air de récit de super héros classique, Captain America La vérité de Robert Morales révèle un propos fort et intelligent sur la condition afro-américaine, que le dessin faussement naïf de Kyle Baker rend encore plus puissant ! Un récit de 2003 à (re)découvrir de toute d’urgence !