Le Manoir de Chartwell (VF-Delcourt)

Le Manoir de CHartwell
Date de Sortie
30 mars 2022
Scénario & dessins
Glenn Head
Editeur
Delcourt
La note de ComicStories
9.5

Il est des bandes dessinées dont on ne ressort pas indemne. Le Manoir de Chartwell est de celles-là. Son auteur, Glenn Head, amoureux dès son plus jeune âge de comics underground, y relate, dans un récit autobiographique, une partie de sa vie dont sa jeunesse dans un pensionnat des plus rigoureux, le Manoir de Chartwell, dirigé par un pédophile violent, ainsi que les conséquences de ces maltraitances physiques et de ces abus sexuels.

Enfant au début des années 70, Glenn Head est un enfant qui donne du fil à retordre à ses parents qui décident de l’envoyer au réputé pensionnat de Chartwell. Très vite le jeune Glenn, comme l’ensemble de ses camarades, doit subir les méthodes du directeur Lynch…

En parcourant trente ans de sa vie, Glenn Head raconte son parcours marqué de façon indélébile par les quelques années passées au Manoir de Chartwell. Le premier tiers du livre conte son quotidien dans cet établissement et décrit avec minutie les techniques du pédophile pour accomplir ses crimes en conservant une impunité auprès des familles et de l’entourage du Manoir. Le récit de Glenn Head ne masque rien et marque profondément.

Mais subir des violences sexuelles et physiques a des conséquences durables sur les victimes. C’est ce que décrit la suite du livre où l’on suit Glenn Head dans sa vie de jeune adulte, marquée par les addictions – à la pornographie, à l’alcool, aux drogues -l’impossibilité d’avoir de relations affectives, les doutes et traumatismes psychologiques. La sincérité qui transpire des pages impressionne.

Le roman graphique est aussi un portait d’une époque où l’on ne parlait pas de ces crimes. La façon dont la famille de Glenn, produit d’un cadre éducatif rigide, ferme les yeux bien qu’elle se doute que tout ne va pas bien, et qui persiste des années après à minimiser les faits, bien que le directeur Lynch soit confondu, est stupéfiant. Glenn Head décrit également l’incapacité du système à empêcher ces individus de nuire et à prendre en compte le sort des victimes. Plusieurs fois condamné, le pédophile ressortira après des peines écourtées et ne sera pas empêché d’être en contact avec de potentielles victimes.

Glenn Head développe également sa découverte et son amour instantané pour les comics underground via Mad ou Zap Comix. Fascination que l’on retrouve dans son dessin, parfait héritage d’artistes comme Robert Crumb. Son trait épais caricatural contextualisé dans des décors chargés s’expriment aussi bien dans des scènes intimes que dans des séquences plus hallucinées. Tordant les onomatopées et les formes de cases, Glenn Head rend parfaitement compte des émotions qui le traversent.

Le Manoir de Chartwell est un roman graphique autobiographique puissant et qui marque durablement. L’auteur aura mis trente ans à parvenir à produire ce récit, tant les conséquences de ces abus furent écrasantes. C’est aussi un témoignage fort et inspirant pour les victimes.

Le Manoir de Chartwell est un récit puissant sur les abus sexuels et leurs conséquences qui aura pris trente ans à Glenn Head pour parvenir à produire son histoire sur papier. Un livre essentiel pour son auteur. Un livre essentiel, tout simplement !

9.5
Points forts
Un récit fort et troublant
Une écriture très juste
Une peinture d'une époque
Une patte underground puissante