November ou le destin commun de trois jeunes femmes emportées dans une galère que jamais elles n’auraient imaginée. Dee, la junkie éclopée, Kay, la flic déchue, et Emma-Rose, tombée au mauvais endroit, au mauvais moment, se retrouvent prises au piège d’une machination infernale qui est en train de mal tourner !
Le puzzle concocté par Matt Fraction qui, bien que passionnant, a pu paraitre parfois nébuleux dans le précédent volume, s’assemble dans ce second tome. L’histoire commune des trois jeunes femmes prend forme mais aussi leurs histoires personnelles qui s’étoffent ici de relations avec leurs proches et de galères diverses qui s’invitent. Plusieurs scènes injectent une émotion qui émeut fortement.
Matt Fraction fait aussi monter la tension d’un gros cran avec quelques scènes de polar sanglant où les flingues tonnent. L’implication du lecteur se fait plus forte, son inquiétude enfle et son souffle se fait court. Sous pression, les trois jeunes femmes vont réagir en fonction de leur passé respectif et de leurs motivations. Pour deux d’entre elles, l’espoir d’une vie différente et sans doute meilleure l’emporte quand la dernière voit son intégrité de flic vaciller.
Matt Fraction décompose son récit en offrant plusieurs angles de vue en fonction du personnage. La scène finale est décortiquée de trois points de vue différents tout en ajoutant quelques éléments à chaque nouveau segment. Le procédé est très efficace et délivre un ton légèrement différent en fonction du caractère de la protagoniste principale.
L’auteur clôt son histoire par trois épilogues – un pour chaque femme – aux tonalités résolument différentes mais tous emprunts d’une profonde émotion qui gagne le lecteur, qui sait aussi que l’aventure approche de la fin. Les destinées bouleversées se teintent alors d’espoir de changement et de futur plus radieux bien qu’incertain. Le rappel à certaines scènes antérieures permet de fermer les boucles d’une belle façon. Le voyage a été singulier, palpitant, émouvant, marquant. Inoubliable.
November aurait été différent sans le duo à l’origine de la magnifique et originale partie graphique. Grâce au découpage en forme de variations sur le gaufrier d’Elsa Charretier et à son trait arrondi et dynamique, le récit bénéficie d’un rythme éclatant et sans temps mort. Son sens du cadrage et de la mise en page impose cette ambiance de polar qui séduit tant. Les teintes de Matt Holligsworth – pâles dans un premier temps puis vives – adaptées aux séquences et aux personnages favorisent une identité propre à la série et s’accommodent parfaitement au trait de la dessinatrice.
November tire sa révérence et tout, de son écriture à sa partie graphique, aura été ambitieux, avec succès. Un voyage au travers de trois destins de femmes que le lecteur, tour à tour captivé, surpris, ému, gardera en mémoire de façon indélébile.