Sukeban Turbo (VF – Glénat Comics)

Lors de la dernière édition en date de la Paris Comics Expo, il y a une dizaine de mois, nous avions appris lors de la conférence Glénat Comics que l’éditeur allait lancer une gamme de Graphic Novels originaux et inédits, faisant collaborer des artistes et scénaristes français, européens, et américains. Sukeban Turbo fait partie de cette nouvelle ligne d’Original Graphic Novels.

Sukeban Turbo s’est offert une équipe intéressante, composée du belge Sylvain Runberg, déjà rencontré chez Glénat Comics sur le titre Sonar, et scénariste de séries BD comme Orbital ou Millenium (adaptée des romans), et Victor Santos, à la tête notamment du très bon Polar, dont le Tome 2 vient de sortir, et également dessinateur sur Furious et Black Market (Glénat Comics là encore).

Je vais être honnête, rien ne m’attirait dans cet album, de premier abord. Que ce soit la couverture, le thème, et même le résumé, rien ne me tentait, et j’y suis allé seulement pour voir ce que donne un Original Graphic Novel à la sauce Glénat Comics. Un peu léger comme motivation et bien mal engagé pour l’album.

Et, au fil de l’avancement de ma lecture, j’ai été forcé de reconnaître une qualité à Sukeban Turbo, celle de l’originalité. J’ai été amené à lire de nombreux récits sur la jeunesse, sur la violence que l’on peut rencontrer auprès d’une petite partie de celle-ci, ou sur les gangs. Mais rarement j’ai refermé un album en me disant que je venais de lire quelque chose de nouveau, d’original dans le ton ou dans l’angle utilisé. Et ce fut le cas lorsque j’ai terminé Sukeban Turbo. Le scénario de Sylvain Runberg est sans concession, violent, parfois surprenant, comme on pouvait s’y attendre, mais il est juste, et surtout ultra documenté, précis, et peuplé de personnages nouveaux et proposant un angle différent pour traiter du thème éculé de la jeunesse des gangs. Je ne connaissais pas le phénomène Sukeban, et j’avais un peu peur de mettre les pieds dans un récit qui ne s’adresserait qu’à une petite frange du lectorat, familiarisée avec ce mouvement, et de me retrouver perdu, et cela n’a jamais été le cas. Alors bien sûr, j’ai sans doute raté des références que certains connaisseurs trouveraient évidentes, mais je n’ai jamais été gêné dans ma lecture par ma méconnaissance du sujet. J’ai même appris énormément de choses dessus, grâce à l’histoire, mais aussi et surtout grâce au dossier et aux documents proposés en bonus, autre point fort de cet album.

Malgré cette originalité dans le ton et dans le thème, j’ai été parfois déçu de voir le scénario tomber dans la facilité à plusieurs reprises, et utiliser des ficèles liées au genre qui avaient plutôt l’air de cordes de marin. Je pense notamment à l’identité du chanteur des Urban Smile, ou au retournement de situation évident au sein du gang de Shelby. Je profite de ce constat pour évoquer la bonne surprise Urban Smile, groupe parodiant les phénomènes tels que One Direction, contrastant avec le gang et jouant à merveille avec les clichés la plupart du temps bien réels sur ces groupes et ce qui les entoure. Concernant Shelby, j’aurais aimé avoir un peu plus de background sur le personnage, ou en totu cas quelque chose qui permettrait d’expliquer la violence qu’elle manifeste en permanence, qui peut passer pour gratuite. Ce qu’elle est peut-être, cela dit…

Graphiquement, j’ai moins été séduit que d’habitude par les dessins de Victor Santos. Mais c’est une appréciation très personnelle, puisque je reconnais volontiers la maitrise de la mise en page, de la mise en scène et de l’utilisation de la lumière, rendant le tout très dynamique. Ce n’est simplement pas le style que j’apprécie.

Le vrai point noir de Sukeban Turbo n’est ni dans son scénario, ni dans ses dessins, et encore moins dans les bonus riches et intéressants qui garnissent la fin du livre. Il est dans son prix. Je ne pense pas que le nombre de lecteurs prêts à payer 18 euros pour un album de 144 pages bonus compris soit très élevé. Car au moment de passer à la caisse, le lecteur occasionnel sera plus enclin à acheter deux premiers tomes de nouvelles séries à 10€ qu’un seul à 18€ devant lequel beaucoup vont passer sans même le regarder, faute de grand nom ou de licence ronflante. Cette gamme d’Original Graphic Novels mériterait un vrai effort sur le format et le prix, pour lui permettre de rencontrer le succès. Ou au moins pour lui donner simplement une chance de fonctionner, ce que Sukeban Turbo n’a malheureusement pas, à cause d’un code-barres.

Et vous, avez vous lu Sukeban Turbo? Qu’en pensez-vous? Partagez-vous mon point de vue concernant le frein que représente le prix? N’hésitez pas à venir échanger dans les commentaires.