Brat Pack (VF-Delirium)

Brat Pack
Date de Sortie
19 avril 2019
Scénario et dessins
Rick Veitch
Editeur
Delirium
Prix
29 €
La note de ComicStories
9.5

Rick Veitch débarque dans le monde des comics à l’aube des années 80, période où le marché n’est pas dans sa plus grande forme. Les responsables éditoriaux des principales maisons sont davantage portés sur l’appât du gain que sur la créativité et font preuve d’un cynisme imposant. L’exploitation des artistes par les éditeurs, qui dure depuis des décennies, atteint également ses limites. L’auteur cherche à se démarquer de cette direction et, par le biais de rencontres, se retrouve à travailler sur le Swamp Thing d’Alan Moore. Mais un arc où Swamp Thing rencontre Jesus Christ attire les foudres de l’éditeur, déjà perméable aux pressions de différents lobbys, qui remercie Rick Veitch. Dans le même temps, DC organise son fameux sondage téléphonique pour savoir s’il faut ou non se débarrasser de Jason Todd, le Robin de Batman. Cela donna le culte  et inégal Un deuil dans la famille. Ces différents éléments vont inspirer Rick Veitch pour écrire Brat Pack.

La ville de Slumburg est livrée à la délinquance et à la pauvreté. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps où un super-héros appelé True-Man faisait régner la paix et la sécurité…jusqu’à sa mystérieuse disparition. Depuis, quelques super-héros aidés de leur sidekick sévissent sur Slumburg mais la population fait preuve de plus en plus de défiance à leur égard. Cette attitude motive un animateur radio à aborder le sujet des sidekicks en invitant les auditeurs à donner leur avis sur la possibilité de s’en débarrasser. Bien évidemment, la situation dégénère et un groupe de sidekciks est exécuté lors d’une explosion.

Rick Veitch s’engage, avec ce récit, dans une démythification des super-héros. Publié quelques temps après Watchmen et Dark Knight Return, Brat Pack lorgne davantage vers le ton de The Boys de Garth Ennis. Les quatre super-héros dont les sidekicks sont morts sont tous inspirés de héros célèbres tels Batman ou Wonder Woman mais leurs caractéristiques sont poussées à leurs limites. L’un, Midnight Mink, entretient une relation plus qu’ambiguë avec son sidekick, aimant la fraîche jeunesse de son compagnon. La femme du groupe, Moon Mistress, au discours féministe, n’hésite pourtant jamais à mettre en avant ses formes. Un autre héros, King Rad, est porté méchamment sur la bouteille et autres substances addictives. Le dernier, Judge Jury, est un justicier adepte des théories racistes qu’il met en pratique avec décontraction. Rick Vietch les affuble d’attributs, là aussi inspirés des comics traditionnels. Le surf volant plutôt réfractaire aux consignes, une croix enflammée telle celle des membres du KKK en guise de vaisseau ou encore une bourse à la ceinture en forme de….bourses. 

Les héros ont des attitudes déviantes exacerbées, loin de ce qu’on imagine pour un HÉROS. Après le décès de leur sidekick, ils recrutent de nouveaux compagnons  qu’ils forment avec âpreté. L’enthousiasme d’aider son prochain est vite remplacé par l’horreur des situations et des enseignements prodigués. Le cynisme atteint son paroxysme dans la dernière partie lorsque le nœud de l’intrigue est révélé, ainsi que l’identité du vilain Doc Blasphemy flippant de perversité. Le scénariste en profite pour railler la mort jamais définitive des super-héros. L’humour trash fonctionne très souvent, même si certains lecteurs pourront ne pas y adhérer.

Rick Veitch se démarque dans la construction de son histoire par le biais de son story-telling. L’artiste découpe des doubles pages en quatre parties suivant chacun des quatre duos. Le découpage des cases offre des formes diverses et originales. Il fait le choix d’un dessin noir et blanc dans des tons gris absolument sublimes. Que cela soit dans la précision du trait, la qualité des décors, l’exploration de l’horreur ou le rendu des émotions, c’est une réussite totale. 

Du point de vue de l’édition, Delirium met les petits plats dans les grands avec une préface de Neil Gaiman, une postface de l’auteur, les couvertures et des illustrations, ainsi que la proposition de Rick Veitch à l’éditeur. Du très beau travail. On regrettera juste l’absence de chapitrage pour cette mini en 5 parties, ce qui brouille quelque peu la compréhension du récit au moment d’une ellipse temporelle. Rien de rédhibitoire mais c’est dommage.

Les couvertures annoncent la couleur !

A l’instar d’un Watchmen ou d’un The boys, Brat Pack démythifie les super-héros avec succès. Habillement construit, délicieusement cynique, Brat Pack n’en fait jamais trop et se pare de dessins absolument sublimes ! 
9.5
Excellent
On aime
Les dessins en tons de gris
Le story-telling
La démythification totale du super-héros
Les bonus
On aime moins
L’absence de chapitrage
Un humour trash qui ne fonctionne pas systématiquement