Akileos a toujours le chic pour nous surprendre avec des récits originaux qu’on n’a pas vu venir ! L’éditeur fait à nouveau mouche avec Brink, polar science-fictionnel de Dan Abnett et Ian Culbard, édité en VO par 2000AD. Le duo n’en est pas à son coup d’essai puisqu’ils ont déjà collaboré sur New Deadwardians ou Wild’s End. Le premier est évidemment célèbre pour son run sur les Gardiens de la galaxie en compagnie d’Andy Lanning que l’on ne se saurait que vivement vous conseiller !
Les auteurs imaginent, à la fin du 21ème siècle, une Terre détruite et ce qui reste de l’humanité vivant entassé dans des stations spatiales surpeuplées. La Division de Sécurité de l’Habitat (DSH) contient tant bien que mal les dérives qui pourraient conduire au chaos. Leur tâche se trouve compliquée par l’apparition de sectes religieuses qui embrigadent nombre d’individus. Lors d’une intervention de routine, un homme lié à une secte est tué, ce qui entraîne les enquêteurs de la DSH sur une piste bien plus inquiétante que prévue.
Dan Abnett concocte un polar spatial particulièrement addictif et bien construit. Le rythme adopté est assez lent mais il permet de bâtir petit à petit le mystère qui entoure la secte. Le découpage en trois parties – trois « livres » – se déroulant en trois endroits distincts avec des intrigues à première vue différentes, renouvelle particulièrement bien l’intérêt du lecteur. L’on se trouve agréablement perdu au début des « livres » 2 et 3. De la même façon, le statu-quo en termes de personnages au début du récit bascule rapidement vers une situation inattendue. Abnett parvient à surprendre le lecteur.
Le travail sur la caractérisation des personnages, y compris, Bridget Kurtis, l’enquêtrice et protagoniste principal se fait exclusivement dans le cadre de l’investigation. On ne sait rien ou presque du passé des personnages ou de leur vie personnelle. Cela n’empêche nullement le scénariste de les rendre intéressants, attachants et possédant une certaine épaisseur. On se prend de suite d’affection pour cette jeune femme à la fois fragile mais aussi grande gueule qui ne se laisse pas démonter. On apprécie de la voir se débattre dans cette faune trouble et peu encline à lui faciliter la tâche. Quelques personnages secondaires valent aussi le détour : les membres de la DSH, souvent ambigus ou la pdg Mariam Junot, à la fois dépassée et calculatrice.
Les aspects futuristes imaginés par Abnett se font toujours au profit de l’histoire, jamais de façon artificielle. Ils s’y intègrent parfaitement. Le scénariste aborde des thèmes contemporains. Il étudie le comportement d’une population traumatisée et influencée par des lobbys forts qui visent à l’aliéner. Il s’intéresse au rapport aux autres et à soi, à travers l’utilisation des espaces confinés ou au contraire immenses, tel le malaise de l’héroïne face à la station quasiment vide d’individus. Il le fait de façon juste, sans trop en faire et sans que cela nuise à son intrigue policière.
Dan Abnett choisit également, comme il l’explique dans son introduction, de ne pas avoir recours à une voix off. Il mise tout sur les dialogues, qui sont remarquablement écrit, d’une belle fluidité malgré un jargon parfois obscure lorsque les adeptes de la secte s’expriment, et non dénués d’humour. Il inclue aussi des pastilles indiquant le nom, le statut, etc… d’une personne, ce qui permet d’aller à l’essentiel sans alourdir le récit.
L’intrigue d’investigation est finalement dense, pleine de rebondissements et habilement menée. Brink se lit d’une traite sans temps faibles ! Le scénariste propose à la fin du « livre » trois une fin qui provoque excitation, à l’idée de retrouver les personnages dans de nouvelles aventures, et frustration, car cette suite n’est pas encore dans les tuyaux.
Côté dessin, Ian Culbard emmène le lecteur dans un univers graphique très personnel, façonné par des décors très immersifs, des designs originaux et des couleurs vives et brutes qui immiscent le lecteur dans l’ambiance de chaque situation. Si son découpage reste classique, ses cadrages sont ultra efficaces. On pourra juste lui reprocher des silhouettes et des visages parfois irréguliers et schématiques. L’ensemble participe grandement à la réussite de Brink !