Fatale (VF-Delcourt)

Fatale - Intégrale
Scénario
Ed Brubaker
Dessins
Sean Phillips
Couleurs
Dave Stewart, Elisabeth Breitweiser
Editeur
Delcourt
La note de ComicStories
9.5

Nouvelle œuvre du duo Brubaker-Phillips remise en lumière par le biais de deux intégrales chez Delcourt, Fatale est un titre à part du fait de son imprégnation forte d’une ambiance horrifique et d’un esprit Lovecraftien.

Dans Fatale, Ed Brubaker réinterprète le personnage type de la femme fatale. Lors des obsèques de son oncle, Nicolas Lash rencontre Joséphine et se laisse séduire par cette femme à la beauté vertigineuse. Intrigué, celui-ci découvre que Joséphine traverse étrangement les années sans vieillir et tente d’échapper à ce qui pourrait ressembler à une secte vouée à un démon.  

Une construction habile et étoffée

Initialement paru en 5 volumes, la série bénéficie d’une construction habilement efficace qui permet au scénariste de traiter son sujet en profondeur en abordant des époques et des thèmes qui lui sont chers. Tout en conservant l’histoire de Nicolas Lash en toile de fond, Ed Brubaker place trois arcs dans le passé – Années 50, 70, 90 – où il développe l’histoire de Joséphine à travers trois récits qui ont pour cadre le polar, la musique et le cinéma. Des contextes que l’auteur affectionne et maitrise. Les trois arcs ont une richesse et une construction qui permet une lecture quasi indépendante mais l’objectif est bien d’édifier son œuvre qui vient se conclure dans le dernier arc consacré à l’histoire initiale de Nicolas Lash et à la résolution de toutes les intrigues mises en place. Entre temps, Ed Brubaker a proposé, lors du troisième arc, une petite récréation de 4 histoires courtes remontant jusqu’au XIIIème siècle.

Fatale : Du tourment à la sérénité

Sous la plume de Ed Brubaker, la femme fatale, d’une beauté à couper le souffle, est un personnage à multiples facettes. Sans cesse tourmentée, elle lutte contre cette attirance qu’elle produit chez les hommes au moindre de ses regards. Traversée par la culpabilité, elle sait aussi se faire manipulatrice lorsque cela sert ses intérêts. Fréquemment dépassée par les évènements, elle laisse une palanquée de cadavres derrière elle et ne trouvera la sérénité qu’au prix fort. Cette mosaïque de caractères font de Joséphine une personnage très riche, ambigüe et dont le lecteur tombe, à son tour, sous le charme.

Un esprit Lovecraftien inédit

Toute l’histoire de Joséphine se détaille sous le prisme d’un esprit très Lovecraftien, inédit chez Ed Brubaker. De nombreux thèmes chers au natif de Providence traverse la série. L’interdit, la culpabilité, le destin, le culte religieux sont imbriqués dans le(s) récit(s) du scénariste qui convoque également le Chtulhu, entité vénérée tel un dieu par ses fidèles. Les références sont limpides et totalement digérées pour s’intégrer parfaitement dans l’univers de l’auteur. La mixture se montre toutefois quelque peu nébuleuse à l’heure de la conclusion. Ed Brubaker ajoute une composante horrifique maitrisée, qui se traduit essentiellement graphiquement sous les pinceaux de Sean Phillips et des coloristes. 

Sean Phillips au diapason

Le dessinateur britannique adapte parfaitement son trait à l’ambiance à la fois sensuelle et horrifique voulue par son comparse. Si l’on peut regretter, par moments, une irrégularité quant au visage de la belle, l’artiste parvient totalement à saisir la sensualité magnétique de l’héroïne, tant dans son design que dans certaines mises en page redoutables. Déjà présent dans la série Criminal, l’aspect sanglant et horrifique monte d’un degré supplémentaire avec ce culte prompt à réaliser les pires atrocités sans aucun scrupule. La folie qui gagne les personnages transparait également remarquablement. On notera enfin les sublimes couvertures de l’artiste !

Pour les couleurs, Sean Phillips s’associe dans un premier temps avec Dave Stewart puis avec Elizabeth Breitweiser, qui réalisent un excellent travail. Totalement homogène, leur production rend palpable, pour le lecteur, l’ambiance sombre et inquiétante du récit.

Une partie graphique envoutante !

Chronique réalisée à partir des 5 volumes publiés par Delcourt entre 2012 et 2015. 

Œuvre à part dans la production du duo Brubaker-Phillips, Fatale est un récit maitrisé, référencé et passionnant ! Encore un indispensable !

9.5
Points forts
Une construction habile
Une composante horrifique et mystique bien exploitée...
Sean Phillips maitrise les genres mis en jeu...
Les sublimes couvertures
Points faibles
...qui se fait nébuleuse sur la fin
...malgré quelques visages irréguliers