Mister Miracle (VF-Urban Comics)

Mister Miracle
Date de Sortie
31 mai 2019
Scénario
Tom King
Dessins
Mitch Gerads
Editeur
Urban Comics
Prix
28 €
La note de ComicStories
10

Dire que Mister Miracle était attendue en VF est un doux euphémisme ! Précédée de critiques dithyrambiques venues d’outre Atlantique, cette mini-série de Tom King et Mitch Gerads  faisait méchamment saliver. 

L’on connait aujourd’hui le passé de Tom King avant qu’il se lance dans l’écriture de comics : son travail à la CIA et sa mission en Irak qui ont l’ont fortement marqué et ont influencé ses travaux. Avant de sortir Mister Miracle, le scénariste devenu un acteur majeur des comics désormais, a créé deux œuvres personnelles qui ont rencontré un certain succès : The Vision chez Marvel et Sheriff of Babylon chez Vertigo. Ces deux mini-séries traitaient de la violence à laquelle étaient confrontés les personnages. Avec Mister Miracle, Tom King s’intéresse davantage à la gestion des traumatismes. Il choisit un personnage DC Comics, Scott Free, alias Mister Miracle, créé par l’immense Jack Kirby dans sa grande oeuvre Le Quatrième Monde, et que l’on peut sans exagérer qualifié de traumatisé. 

L’on retrouve au début de la mini-série, Scott Free vivant sur Terre en compagnie de son amoureuse Big Barda, elle aussi originaire d’Akopolips, et partageant sa vie entre son activité de Maître de l’évasion et son rôle au sein du conflit entre Néo-Genesis et Akopolips. A bout mentalement, il tente de se suicider. 

Mister Miracle est une oeuvre difficile à analyser tant son caractère personnel et ses influences autobiographiques et patrimoniales sont à la fois fortes et diffuses. Néanmoins, parler de sa force, de sa forme et de ses qualités est possible. 

Tom King aborde les thèmes de la dépression et de sa gestion, de l’amour, de la paternité, des angoisses qui en découlent, tout en rendant un hommage respectueux et puissant au Quatrième Monde de Jack Kirby. L’ancrage de cet univers cosmique dans un quotidien plus terre à terre et les aller-retours entre les deux plans sont magnifiquement mis en scène par le scénariste. Tom King fait une description du quotidien de Scott Free et Big Barda englués dans la dépression du premier puis dans l’évolution de leur couple, juste et forte mais aussi drôle et décalée. Dans l’univers du Quatrième Monde, la guerre fait rage, les manigances et affrontements fleurissent. Tom King crée, dans cette partie, une aventure épique. A la fois hommage et prolongation du travail du « King » des comics, son scénario multiplie les clins d’œil. Les messages méta sont nombreux également. On pense notamment aux tee-shirts portés par Scott à l’effigie de nombreux héros DC, ainsi qu’à son propre comics Sheriff of Babylon ou au doudou « Batman tueur de Bébés ».

Le constant décalage entre le quotidien d’un habitant lambda de la Terre et celui d’un fils de Dieu, saupoudré d’un humour second degré très fin est un régal. Tom King joue merveilleusement sur cette distorsion. Le rire et les larmes se télescopent en permanence, créant un ton doux amère qui touche le lecteur. Tom King invente des scènes très drôles mais aussi des scènes d’une rare dramaturgie, comme la scène du Miroir Bonheur qui colle la boule au ventre. Le malaise est souvent présent. Les dialogues, trait caractéristique du travail de Tom King, sont dans Mister Miracle, particulièrement bien écrits et renforcent ce sentiment mélangé.

Tom King et Mitch Gerads donnent au couple Scott-Barda une belle sensualité, autant dans les scènes proposées et leurs dialogues que dans leur mise en scène par le dessinateur. L’implication du lecteur dans leur vie de couple est totale et réjouissante, aussi réjouissante que la représentation de Barda par Mitch Gerads, imposante, qui tranche avec les canons basiques de la fille sexy. Déjà complice de King sur Sheriff of Babylon, le dessinateur réalise un travail absolument sublime. Fidèle à ses gaufriers 3 par 3, il propose des mises en page inventives et des cadrages efficaces, qui dictent le rythme. Le dessinateur est aussi doué pour les scènes d’intimité que les scènes épiques sur Akopolips. Son trait permet au lecteur de ressentir toutes les émotions qui traversent le récit. Il utilise des effets qui renforcent le malaise du lecteur : la répétition de cases, où parfois juste une expression change, ou l’intégration de glitchs. D’une grande originalité, Mister Miracle constitue sans doute son meilleur travail. Absolument remarquable !

Doublement primé, Mister Miracle est bien le chef d’oeuvre annoncé ! Tant du point de vue du scénario que des dessins, la mini-série touche au sublime ! En témoigne le sentiment d’euphorie qui gagne le lecteur après avoir lu Mister Miracle, conscient d’avoir lu une oeuvre d’exception !
10
Chef d’œuvre
On aime
Un récit original, inventif, drôle
Le constant décalage réjouissant
Les dessins sublimes de Mitch Gerads
L'hommage au Quatrième Monde et à son créateur
L'écriture du couple Scott-Barda par Tom King
On aime moins
Rien !