Pulp (VF-Delcourt)

Pulp
Date de Sortie
12 mai 2021
Scénario
Ed Brubaker
Dessins
Sean Phillips
Couleurs
Jacob Phillips
Editeur
Delcourt
La note de ComicStories
10

Chaque nouvelle œuvre de Ed Brubaker et Sean Phillips est un rendez-vous à la fois incontournable et marquant. Depuis le très bon Sale Weekend, nous attendions fébrilement la sortie en VF d’une nouvelle production du duo, alors que leurs travaux en VO se sont multipliés ces derniers mois. Ils s’associent à nouveau à l’excellent Jacob Phillips aux couleurs – l’on peut même désormais parler de trio !

Dans Pulp, Max Winters est un auteur fauché de comics de cowboy, publiés dans des magazines de l’Amérique des années 30. Lui-même ancien pilleur de diligence ayant vécu les dernières années du Far West avant l’industrialisation, il va faire face au cynisme et à la brutalité des éditeurs. La santé fragile et craignant de laisser sa compagne sans le sou, il va faire une rencontre qui va bouleverser ses projets.

Ed Brubaker ancre son histoire dans une période qu’il affectionne et qui lui sied parfaitement : les années 30, ses bouleversements et ses vacillements idéologiques. Il place son intrigue de polar dans les pas de Max Winters dont l’existence va du Far West à ces années troublées en y mêlant fiction et réalité. Par cette vie qui file avec fragilité vers une fin inéluctable, l’auteur dresse quelque part un pont avec sa propre existence. Pulp parle du temps qui passe et des fantômes qui hantent chacun avec une grande beauté. La mélancolie surgit à de nombreux instants avec une belle justesse.

Comme dans Sale Weekend, Ed Brubaker évoque l’univers des comics pour en dresser un portrait sans concession où l’auteur n’est réduit qu’à l’état d’individu interchangeable. La spoliation des droits d’auteur s’invite avec une grande brutalité. L’auteur offre enfin un miroir sur notre époque en insérant, dans son intrigue, des nazis américains et le fascisme ambiant qui n’est pas sans faire penser à notre période troublée, où la haine et la défiance sont redevenues monnaie courante.

Ed Brubaker n’oublie pas ce qui a fait sa renommé et réserve une intrigue extrêmement solide que les twists ponctuent avec une redoutable efficacité. La violence – physique et mentale – s’exerce avec impact, reflet de l’époque où se déroule l’histoire qui semble plus que jamais d’actualité. Le récit se suit avec passion et addiction tant l’écriture possède souffle et éclat.

La partie graphique est désormais un classique des Phillips père et fils. Sean a ce sens du cadrage, des décors ciselés et des « gueules » de personnages. Ses reconstitutions du Far West et du New York des années 30 sont idéales pour immerger le lecteur dans l’ambiance voulue par Ed Brubaker. Aux couleurs, Jacob conserve cette touche impressionniste qu’on lui connait. Les tons ocres des scènes du Far West rendent parfaitement l’atmosphère poussiéreuse de ces séquences et ses éparpillements de teintes offrent une fragilité et une imperfection aux cases de Sean Phillips, accentuant leurs aspérités. Une partie graphique excellente !

Pulp est un authentique chef d’oeuvre ! Par l’éclat et le souffle de son écriture et la flamboyance de ses dessins, ce one-shot transcende le genre polar cher aux auteurs, pour en faire une œuvre à la fois personnelle et universelle.

10
Points forts
La précision de l'écriture d'Ed Brubaker
L'évocation du temps qui file, de toute beauté
Le genre polar, transcendé
Une intrigue fil rouge des plus solides
Une partie graphique au top