Auteur totalement indépendant aux USA – il s’auto-édite avec sa propre maison d’édition Abstract Studio – Terry Moore a, dans nos contrées, les honneurs de l’éditeur Delcourt qui lui réserve ses plus beaux écrins, notamment ces derniers temps avec les belles intégrales de Strangers in paradise et Echo. Sans oublier Rachel Rising, toujours disponible en volumes simples. Pour Motor Girl, l’éditeur a eu l’ingénieuse idée de réunir les 10 épisodes de la mini-série en un seul volume.
Terry Moore nous conte l’histoire d’une vétérane d’Irak qui se retrouve dans une casse auto en plein désert d’Arizona, en compagnie d’un gorille imaginaire qu’elle seule voit et avec qui elle converse et philosophe. Un jour, elle voit débarquer des extraterrestres dans une soucoupe volante. Cet événement va faire rejaillir ses souvenirs d’Irak et bouleverser sa vie.
Le personnage de Samantha est d’emblée attachant par sa relation et ses échanges avec Mike le gorille bougon et protecteur et avec Libby, sorte de mamie bourrée d’énergie et personnage secondaire dont a le secret le scénariste. Rapidement, on comprend ses difficultés avec son passé même si Terry Moore a l’habileté de nous distiller petit à petit les éléments. Son entrainement de GI lui permet de dérouiller les gangsters de pacotille mais ses contacts avec les ET version pour enfants mignons tout plein lui rappellent ses pires moments sur le terrain. Ces deux versants en font un personnage contrasté et complet.
En plus de ces ET rigolos, l’aspect loufoque est apporté, comme souvent chez Moore, par des personnages masculins totalement grotesques. L’homme qui souhaite s’emparer du terrain de Libby est hystérique au possible et ses hommes de main sont d’une maladresse et d’une couardise hilarantes et touchantes à la fois. A contrario, diverses scènes se déroulant en Irak sont extrêmement touchantes, en particulier celle avec l’enfant qui nous amène l’explication de la présence du gorille Mike.
Comme toujours, Terry Moore s’intéresse à un personnage féminin à la dure carapace qui se fissure doucement mais surement. Samantha vit seule ou presque dans cette casse, est fâchée avec sa famille et affirme se montrer capable de surmonter son passé de vétérane. Quand les extraterrestres débarquent, elle souhaite gérer seule cette venue – il faut dire qu’ils sont vraiment mignons ces ET – repoussant les inquiétudes et l’aide de Libby, propriétaire de la casse et qui jour un rôle de mère de substitution, incrédule devant cette invasion extraterrestre. Mais quand des individus aux allures de gangsters se présentent, la situation tourne au vinaigre et Samantha bascule.
Terry Moore traite ce portrait de femme sur deux plans, deux ambiances. La partie invasion extraterrestre sur un mode grotesque avec des personnages secondaires totalement loufoques et la partie retour d’Irak sur un mode sérieux et plein d’émotion. L’alternance des deux ambiances s’avère parfois surprenante mais amène à une réunion précise et bien vue des deux à la fin. Le scénariste sait y glisser au passage quelques messages sur les relations humaines.
Jamais peut-être Terry Moore n’a autant appuyé sur l’humour que dans ce comics. Cela se traduit également dans les dessins où personnages et scènes d’action sont croqués de façon caricaturale, à la limite du strip comique. Mais de façon générale, Moore conserve son trait précis et sa grande capacité à saisir une expression et faire passer une émotion. Cela passe souvent par le regard. Deux cases dupliquées où seule la position des yeux changent et l’on est touché.
Terry Moore reste un maitre en matière de story-telling. Sa mise en page propose un rythme incroyable aussi bien dans les parties humoristiques et que les parties plus sérieuses. S’il sait toujours aussi bien dessiner ses personnages féminins, les décors manquent, par contre, parfois un peu de précision sur certaines cases.