Nick Fury – Le train des assassins (VF – Panini Comics)

 

Comment ne pas commencer cette review par une œuvre de Jim Steranko (Couverture de Nick Fury, Agent of S.H.I.E.L.D #4) tant l’inspiration et l’hommage sont d’une telle évidence ? 50 ans après les débuts de Steranko sur le titre, Marvel lance une mini-série Nick Fury sous la houlette de James Robinson et ACO. Les auteurs vont avoir 6 épisodes pour se faire plaisir et nous faire plaisir.

Mais d’abord, petit retour en arrière…Décembre 1966, Jim Steranko débarque comme dessinateur sur la série Strange Tales #150 qui narre les aventures de Doctor Strange et de Nick Fury, à raison de 12 pages chacun. S’il n’est au début qu’illustrateur sur des scénarios de Stan Lee et des découpages de Jack Kirby, il prend rapidement – à sa demande, avec l’accord de Lee – seul les reines de la série. Lorsque Stan Lee décide d’arrêter Strange Tales au numéro #168, Steranko obtient la parution de la première série Nick Fury. Durant 19 épisodes (du Strange Tales #155 au Nick Fury #5), Jim Steranko va donner libre cours à son imagination et son immense talent en révolutionnant les comics. Mais incapable de tenir le rythme de 20 pages mensuelles, il se retire de la série au numéro 5.      En une petite vingtaine d’épisodes, il va apporter des bouleversements : cadrages cinématographiques, pages entières sans dialogues, doubles pages à foison. Ajouter à cela des séquences psychédéliques complètement folles et l’on comprend l’influence de Steranko sur nombre d’auteurs.

En termes d’univers, Steranko crédibilise les ennemis du S.H.I.E.L.D. et dote ce dernier de technologies innovantes. Au niveau de la narration, on reste toutefois bien encrés dans les 60’s. Les personnages commentent leurs actions et les pavés de descriptions sont légions.

Les turpitudes de Marvel ont transformé de façon officielle Nick Fury en un clone de Samuel L. Jackson et lui ont fait passer l’arme à gauche. C’est donc son rejeton que met en scène le scénariste James Robinson. Celui-ci choisit pour chaque épisode de la mini-série d’envoyer Nick Fury Jr sur une mission où la destinée du monde est en jeu. Un mince fil rouge relie les premiers et le dernier épisode : la rivalité avec Frankie Noble, personnage féminin créé pour l’occasion. Robinson emmène le lecteur dans des endroits dont l’amateur d’espionnage 60’s façon James bond – Sean Connery va se délecter : un casino sur la Côte d’azur, la lune, le train en plein désert, les abysses, le lieu de vacances plein de surprises, le château battu par les vents en Écosse. Ce dernier lieu fait l’objet d’un épisode miroir avec le Nick Fury n°3 d’aout 1968. Le corps déchiqueté sur la lande, Mlle MacGregor, le chien, le meurtre à résoudre sont des éléments présents dans les deux épisodes. Joli clin d’œil.

Comme pour le Fury de Steranko ou le héros de Ian Flemming, Robinson multiplie les gadgets les plus incroyables permettant à Fury Jr de se sortir de n’importe quel pétrin. Le scénariste propose une narration moderne, rythmée, pleine d’humour et fait de Nick Fury Jr un personnage cool, maniant le second degré avec malice et attachant. C’est hyper efficace et plein de petites références.

Mais le gros point fort de ce comics est bien évidemment la partie graphique. Le trio ACO – Hugo Petrus – Rachelle Rosenberg en met plein la vue au lecteur. Entre innovations, construction symétrique des épisodes et hommages à Steranko, le plaisir est total.

ACO multiplie les pleines pages parsemées de multiples petites cases de formes diverses ciblant un détail de la scène. La mise en page est variée et imaginative. Les cadrages cinématographiques sont fréquents et toujours efficaces. Les décors sont hyper détaillés et le trait très précis. L’utilisation de lignes circulaires rappelle les formes psychédéliques des années 60. Les scènes d’action sont bien rendues et dynamiques.

Chaque épisode possède un début identique. D’abord un gaufrier 3 sur 3 constitué de deux images, l’une en forme de croix, l’autre en forme de X puis une double page magnifique présentant le lieu où va se dérouler la mission.

           

Parmi les hommages, ACO réalise une fresque similaire à celle de Steranko, constituée de 4 pleines pages successives.

Il choisit des découpages utilisés par son aîné.

                

Les couleurs psychédéliques sont également bien présentes.

La qualité et l’inventivité des dessins, ainsi que les multiples hommages et clins d’œil aboutissent à une partie graphique parfaite. ACO réalise également quelques très belles et dépouillées couvertures.

La mini-série Nick Fury  est un condensé de plaisirs pour l’amateur d’espionnage 60’s, un sublime hommage à Jim Steranko et un régal pour les yeux ! Un ilot délicieux dans l’univers Marvel.


L’avis de Kidroy – 8/10

La nouvelle série indé de Robinson est disponible. Les liens avec Marvel sont modiques, Nick Fury incarne ce label inavoué de l’expérimental et du style. Ecrit comme un Kingsman : Casino Royal, Robinson brasse les influences dans 6 numéros anthologiques liés par un clin d’oeil droit, par la traque consacrée des agents au crâne marin. Très simple au demeurant, Robinson se débarrasse d’un superflu éventuel d’exposition ou d’explications saturées. Le tome est unique, rien de plus rien de moins, comme une lecture arc-en-ciel sous influences, comme un sentiment fugace sensationnel. ACO appose des aplats de couleurs où la simplicité s’efface pour des à-côtés explosifs. Une orgie visuelle vive et criarde où la composition n’a plus aucun sens normal. Oubliez les 5, 6 ou 9 cases par page, ici tout vole en éclat, dans un style proche d’un Sorrentino, sous fort taux d’hallucinogènes géniaux. Et bien heureusement, le titre se clôture au bon moment, avant l’overdose. 

Fury est borgne, mais nous ne sommes pas aveugles et nous le voyons bien ! 


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Pour découvrir et commander Nick Fury, intégrale 1967-1968, c’est par ici:

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