Nouvelle intégrale de l’éditeur Bliss Comics qui petit à petit nous permet de combler nos manques sur les premières séries Valiant abandonnées en rase campagne par Panini. La série Shadowman est à l’honneur cette fois-ci.
Alors que des démons envahissent la ville de La Nouvelle-Orléans, Jack Boniface se voit posséder par un esprit vaudou, le « loa » et devient Shadowman. Il doit affronter Maitre Darque et faire face à ses propres démons.
Rites de naissance
La série est lancée par le duo Justin Jordan – Patrick Zircher qui introduit le personnage et met en place la menace Darque. C’est un démarrage classique mais rudement efficace. L’univers Vaudou n’est pas très approfondi mais le scénariste apporte suffisamment de mystère pour qu’on soit happé dans l’histoire. On commence à percevoir l’intérêt de Jordan pour le sombre monde des morts. Le ton action est bien présent et les scènes de dialogues permettent une construction fluide de l’intrigue . Les personnages secondaires sont bien imaginés et bien utilisés : Mr Twist et son design gore, Jaunty dans le monde des morts ou encore la confrérie et ses complots sont vraiment bien vus. Le personnage de Jack Boniface n’a pour le moment par une caractérisation très développée. De même pour les deux personnages secondaires Dox et Alyssa dont les histoires sont esquissés, le premier bénéficiant d’un peu plus d’attention.
Les dessins de Patrick Zircher sont très propres. Son trait régulier est efficace notamment sur les scènes d’action. L’aspect gore accentué par les couleurs donne une vraie originalité au comics.
Ce premier arc est donc classique mais bien construit, porté par des dessins de qualité.
La vengeance de Darque
Le deuxième arc poursuit les intrigues lancées dans le premier arc en accentuant le côté mystique, une grande partie de l’histoire se déroulant dans le monde des morts. Shadowman doit combattre Darque et sauver Dox.
Le ton est toujours résolument tourné vers l’action mais peut-être moins « grand public ». L’ambiance horrifique du monde des morts est bien prégnante, Justin Jordan maitrise son sujet. La tension est palpable durant les 5 épisodes, accentuée par les dessins remarquablement efficaces de Roberto De La Torre. Le combat entre Shadowman et Darque tient toutes ses promesses et vient conclure deux arcs très efficaces et agréables à suivre.
Maitres de l’art
A travers deux épisodes excellents, les Shadowman #0 et #10, Justin Jordan vient terminer son run. Creusant les personnages de Darque et de sa soeur, qui vient à cette occasion prendre une place prépondérante, il livre sans doute ses deux meilleurs épisodes sur la série. L’origine de la fratrie puis l’histoire de la sœur donnent une épaisseur aux personnages inédite jusque-là. Cela nous fait regretter que le scénariste n’ait pas davantage développé la caractérisation de ses héros. L’on comprend pourquoi et comment Darque est devenu le démon qu’il est. Le portrait de sa sœur amène une émotion différente des autres épisodes.
Une flopée de dessinateurs vient illustrer remarquablement ce duo d’épisodes, Roberto De La Torre et Mico Suayan en tête.
Le blues des morts
Que dire de ces deux épisodes one-shot à part qu’ils sont d’une faiblesse affligeante. Sans intérêt, n’apportant rien à la série et très moyennement dessinés, ils ne valent pas la peine que l’on s’attarde davantage.
Terreur, sang et ombres
Peter Milligan arrive aux commandes de la série et le ton change immédiatement. Terminée l’ambiance action, place aux tourments de Jack Boniface et au vaudou. On peut regretter que Justin Jordan n’ait pas investi davantage la série dans cette veine, ce qui lui aurait permis de gagner en épaisseur, mais Peter Milligan n’encre ses épisodes que presque uniquement sur ce sujet. Si l’ensemble démarre bien et que le scénariste maintient une certaine continuité avec les épisodes de Jordan, l’histoire finit par tourner un peu en rond sans avancée marquante. Aux dessins, qui mieux, encore une fois, que De La Torre pour illustrer cette histoire troublée et sombre.
La fin des temps et Punk Mambo
Peter Milligan poursuit dans cette veine de la quête de soi et des tourments Boniface dans une mini-série intitulée End Times. Sympathique mais pas vraiment marquante, elle clôt le run de l’auteur qui, si il aura eu le mérite d’approfondir la personnalité de Jack Boniface, aura manqué d’impact et du côté action décomplexée qui était si efficace au début de la série. Sans doute aurai-il fallu un mix des deux tons pour aboutir à une vraie bonne série de bout en bout.
Les dessins de De Landro sont très moyens, manquent de finesse et de travail sur les décors.
Un épisode bonus sur la prêtresse vaudou, Mambo, vient clore cette intégrale. Milligan nous conte l’histoire de ce personnage qui aura pris une place importante dans les épisodes qu’il a écrits. Cette vingtaine de pages est agréable à lire et illustrée de façon assez convaincante par Robert Gill.
L’édition de Bliss Comics est une nouvelle fois excellente, pleine de bonus et a une belle et solide reliure, le tout pour un prix défiance toute concurrence !
L’intégrale Shadowman n’est pas la meilleure de l’éditeur en raison d’un manque de continuité sur l’ensemble de la série. D’abord orientée « action » efficace, elle pâtit d’un manque de profondeur de ses personnages puis après deux épisodes de transition catastrophiques, elle s’enivre dans les tourments de son héros, oubliant un peu le côté divertissement. Néanmoins, cela reste une lecture de qualité mais pas un indispensable de chez Valiant !