Parmi les nombreuses rééditions de Delcourt en format Intégrale, il en est une que nous attendions de pied ferme pour découvrir cette série qui nous était passée sous le nez, à notre grande honte : The Goon d’Eric Powell. Forte d’une première édition constituée de 13 tomes, la série bénéficie d’une bonne petite réputation. Qu’en est-il pour ces débuts, à travers ce volume 1 qui rassemble les trois premiers tomes initiaux ainsi une floppée de bonus ?
Face aux monstres, goules et autres zombies qui envahissent les rues, le dernier rempart s’avère être le Goon et son acolyte Franky. Le premier est une masse au coup de poing dévastateur, l’autre un freluquet à la répartie cinglante.
Proposer une série basée sur l’humour n’est pas forcément chose aisée. Avec The Goon, Eric Powell parvient à convaincre aussi bien sur le plan scénaristique que graphique. Son univers, qui mêle ambiance de polar décalé avec ses malfrats de seconde zone et gore avec des monstres aux tronches improbables, est source de situations hilarantes. Eric Powell s’approprie avec facilité les univers de zombies, de vampires et autres repoussoirs à tentacules pour mieux les détourner. Les méchants, aux ambitions qui n’ont d’égale que leur ridicule, exploitent parfaitement les ressorts des genres dont ils proviennent. Les situations grotesques et potaches, résolues avec délicatesse par le Goon et Franky à coups de poing et de latte, déclenchent le rire chez le lecteur, d’autant qu’elles sont agrémentées de répliques à la gouaille épicée ! Si la majorité des vannes trouve l’adhésion, on pourra trouver quelques-unes d’entre elles un peu too much, surtout quand elles flirt avec le scato. Une galerie de personnages récurrents tisse également une toile de fond totalement réjouissante où intervient une ambiance années 30 avec ses pardessus, ses cargaisons de contrebande, ses flingues et ses règlements de compte. Mais Eric Powell n’oublie pas de construire le background de ses deux gros bras à travers une poignée d’épisodes qui, tout en conservant le ton décalé de la série, élabore une noirceur qui gagne petit à petit la série.
La plupart des épisodes ou des arcs constituent des histoires indépendantes, dépourvus de réel fil rouge. Le scénariste enrichie sa série en variant les formes, insérant entre deux épisodes, des fausses publicités ou des parodies de fascicules de comics.
D’un point de vue graphique, l’évolution du trait d’Eric Powell est patente au fil des épisodes. Son dessin caricatural, comme il faut, permet de proposer des gueules incroyables. Ses décors se placent dans les bas fonds, les bois hantés, les bars glauques ou les docks crasseux. Les mandales sont dynamiques et s’exposent sur de très belles pleines pages.
Delcourt propose une superbe édition avec une palanquée de bonus où figurent couvertures, croquis, planches crayonnées.