Premier titre de l’artiste canadien publié chez Vertigo, The Nobody est dans la veine des titres intimistes dans laquelle Jeff Lemire excelle.
Inspiré du classique L’homme invisible, The Nobody voit un individu nommé John Griffen débarquer dans la petite ville de Large Mouth. Intégralement enrobé dans des bandages, il se réfugie dans une chambre d’hôtel de laquelle il ne sort quasiment jamais, ce qui va intriguer les habitants de la petite ville.
A travers ce récit, Jeff Lemire aborde des thèmes dont il est un habitué mais cela fonctionne toujours bien tant son écriture est juste. En créant ces deux personnages principaux, John et Vickie, une jeune femme qui vit à Large Mouth avec son père et travaille dans le restaurant de celui-ci, il décrit la solitude de deux individus en marge dont la relation va glisser doucement vers l’amitié. A travers le quotidien morne de Vickie, Jeff Lemire décrit à la fois l’ennui de la jeunesse dans les campagnes reculées et les difficultés d’une père avec sa fille. A travers la situation rocambolesque de John, le scénariste parle du regard des autres, des préjugés et de l’incompréhension. Le destin tragique de l’un et le spleen de l’autre se télescopent dans de nombreuses scènes touchantes et particulièrement bien dialoguées.
L’émotion passe également par les superbes illustrations de Jeff Lemire qui utilise une bichromie bleutée judicieuse. L’artiste concocte des compositions qui mettent en valeur les expressions de Vickie et malgré ses bandages qui empêchent que l’on devine ses émotions, celles de John. Jeff Lemire change également son trait pour les scènes flashbacks en adoptant une irréalité vaporeuse.
L’ensemble a côté nostalgique renforcé par des fausses covers inspirées des comics des années 50.
Bien qu’un peu onéreuse, l’édition de Futuropolis est très belle.