Mazebook (VO-Dark Horse Comics)

Mazebook
Scénario & dessins
Jeff Lemire
Editeur
Dark Horse Comics
La note de ComicStories
10

Jeff Lemire n’est jamais aussi touchant et pertinent que lorsqu’il livre des histoires personnelles qu’il illustre lui-même. On pense, par exemple, à Essex County ou Royal City. Mazebook, mini-série en 5 épisodes, s’inscrit totalement dans cette veine, à la fois intimiste et indispensable.

William, un inspecteur en bâtiment qui pleure sa fille perdue, reçoit un coup de fil d’une jeune fille qui prétend être cette dernière et affirme être piégée au milieu d’un labyrinthe.

De ce point de départ, Jeff Lemire propose un récit qui mêle intime et fantastique dont la mémoire et l’impossibilité du deuil vont constituer le cœur. Usant habillement de métaphores, le scénariste égare son personnage principal dans le labyrinthe de ses tourments. Aidé d’un chien doué de parole et d’un fil rouge, à la fois guide symbolique et matérialisation de sa fille disparue, il parcourt un dédale urbain au cœur duquel il se débat.

Le procédé redoutable et subtilement mis en scène permet à l’auteur d’évoquer l’un de ses thèmes fétiches : la famille en décomposition, mais aussi le deuil et la mémoire vacillante, de laquelle s’effacent les visages des disparus. La présence d’éléments fantastiques rend le récit troublant et met en exergue l’émotion provoquée par les scènes d’intimité entre les membres de la famille.

Comme il l’a déjà fait sur certaines de ses œuvres – comme Trillium – l’auteur canadien utilise son dessin comme partie prenante de la narration. Contrastant avec ses aquarelles aux teintes grises ou marrons, là où réalité et inconscient semblent se connecter, la couleur s’invite avec signification et force symbolique. Composition de pages, dédale inconscient, le labyrinthe est omniprésent dans le jeu graphique. Peut-être plus que jamais, l’artiste donne également une force incroyable aux expressions de ses personnages.

L’histoire se révèle extrêmement émouvante grâce à une écriture très fine des scènes intimes où se jouent l’amour et le deuil, l’espoir et l’oubli. Quand enfin, réalité et inconscient semblent se rejoindre, William parait avoir accompli son chemin et l’auteur nous dit, dans un final émouvant, que la voie pour sortir du plus tortueux des labyrinthes ne pourrait apparaitre que lorsque l’on est prêt à ouvrir les yeux.

Jeff Lemire livre avec Mazebook l’une de ses plus grandes œuvres. Mémoire, deuil, famille se mêlent dans un troublant récit labyrinthique où scénario et partie graphique participent de concert à une narration d’une grande justesse ! Incontournable !

10
Points forts
Un récit très touchant
Le trouble du fantastique
La finesse d'écriture
La partie graphique, partie prenante de la narration