Fan de comic books, le jeune Dylan a l’occasion de vivre au quotidien les aventures de ses personnages préférés, avec le meilleur des compagnons de jeu possibles. Chaque jour, il devient Kid Cosmo. Son grand père, lui, est Red Rocket et ensemble ils vivent les plus formidables des aventures, comme dans les comic books que lit le jeune garçon avec assiduité. Le garçon n’a besoin de rien d’autre que de son grand père et des histoires qu’ils mettent en scène pour être heureux. Pourtant, le reste de sa vie n’est pas génial. Dylan vient d’emménager dans une nouvelle maison, il n’a pas d’amis à l’école et sa mère est bien trop occupée par son travail pour lui accorder du temps ; c’est donc avec son grand-père que le garçon passe le plus clair de ses journées.
L’histoire commence par une mission importante pour Kid Cosmo et Red Rocket, la dernière mission qui les prépare à la reine des aventures, pour laquelle les deux complices de jeu se préparent depuis toujours: l’expédition sur Mars. La grande épopée est prévue pour le lendemain et Dylan s’endort avec des rêves plein la tête. Mais voilà, de l’autre côté du rideau, c’est une tout autre pièce qui se joue. Et au petit matin, alors qu’il a enfilé son costume et se prépare à partir pour l’aventure de sa vie, sur Mars, c’est par sa mère que Dylan/Kid Cosmo est accueillie. Et pour cause, puisque son grand père est parti vers un « Meilleur endroit ».
Et ce « Meilleur Endroit », Dylan sait ce que c’est, il se rappelle avoir vu cette brochure qui parlait d’un meilleur endroit où son papy pourrait aller vivre. Alors il se met en quête d’aller le chercher, de trouver ce meilleur endroit où son grand-père est parti, et de la faire, cette expédition sur mars! Et quand Red Rocket est en danger, seul Kid Cosmo peut le sauver, lors de sa première aventure en solo!
Commence alors une quête initiatique pour le jeune garçon, pour aller chercher et sauver son grand-père. L’aventure d’une vie, dans le vrai monde, qui le fera passer par divers endroits et diverses rencontre et aboutira à une seule destination: la vérité.
Vous l’avez compris, Better Place, de Duane Murray et Shawn Daley est un graphic novel en forme d’ode à l’imagination qui traite du deuil chez les enfants. Et en particulier de ces mots que l’on emploie pour expliquer la mort aux enfants. Nous-mêmes, nous avons ou aurions peut-être ce réflexe de dire de quelqu’un qui vient de mourir qu’il est « monté au ciel » ou « parti ». Ces mots ont forcément un impact, et c’est précisément le sujet de ce graphic novel.
Vous l’avez peut-être compris en lisant mon résumé, Better Place a été un coup de cœur lorsque je l’ai lu en VO, il y a un peu plus d’un an déjà. À tel point qu’il précipite mon retour à la rédaction de chroniques sur ComicStories, deux ans et demi après mon dernier « vrai » article. Je pensais préparer tranquillement ce retour et préparer le contenu que je vais à nouveau vous proposer, mais un évènement en a décidé autrement. Parce que oui, si vous ne lisez pas l’anglais ou avez raté cette pépite en VO, vous avez de la chance: vous allez à votre tour pouvoir être chamboulés, puisque Komics Initiative propose Better Place en ce moment même en financement participatif.
Et, une fois n’est pas coutume, je vais m’attarder sur la partie graphique en premier lieu. Je ne vais pas faire de détours pour dire ce qui est très simple: Shawn Delay est un grand artiste. Son style donne à Better Place une atmosphère très particulière, tantôt lourde, tantôt explosive, et toujours bourrée de poésie et d’humanité. Il m’a été impossible de ne pas penser à des artistes comme Jeff Lemire et Matt Kindt, auquel il sera sans doute comparé, d’autant plus qu’il y a quelque chose du géant Essex County dans Better Place. Le style de Delay est toutefois différent de ces deux-là, et on s’en rend compte justement lorsque l’on tombe sur les planches des précédemment cités Lemire et Kindt (ils signent chacun une planche, au même titre que Tyler Boss, Farel Dalrymple, Jim Rugg et Nate Powell, les seules intégralement en couleur, si je ne m’abuse). L’hommage de ces artistes, Shawn Delay en tête, au monde des comics est tout aussi flagrant que réussi. Avec cette touche d’humanité dans le trait qui ne passe pas inaperçue.
Et d’humanité, il en est également question dans le scénario de Duane Murray, touchant de vérité et bourré de poésie.
À travers ce récit, c’est une ode à l’imaginaire que nous propose le scénariste, à tous ces comics et toutes ces histoires qui font grandir et forgent les personnalités des enfants du monde entier. Mais c’est aussi quelque chose de bien plus intime et personnel qu’il va chercher, en nous confrontant au deuil, en particulier au tout premier rapport avec la mort que nous avons. Et à la façon dont les adultes souhaitent (ou pensent) protéger les enfants en utilisant des mots imagés. La question de la pertinence de ces mots se pose au fil de l’album, et Murray a l’intelligence de ne pas nous imposer sa réponse. Il nous raconte l’histoire, nous fait réfléchir, mais ne nous impose jamais rien.
Lorsqu’il nous raconte l’histoire de Dylan, il fait résonner en nous notre propre histoire, et peut-être la sienne. Dylan, c’est lui, c’est moi, et c’est sans doute vous aussi. Il touche à l’universel, comme le sont d’autres petits gars de fiction, qui viennent d’un astéroïde lointain, aimeraient être un jour un vrai petit garçon ou refusent de grandir… alors forcément, c’est dans notre âme que les mots viennent s’imprimer, et c’est ici qu’ils vont puiser la larme que l’on versera à la fin.