La main volontaire, tendue vers nous, Anthony Stark fixe les règles. Il va nous plaire, qu’a t-il de détestable ? La missive toute numérique pour le personnage, ou de papier pour le lecteur, aurait dû être captée pourtant, c’est net. Ou bien est-ce celle de l’auteur ? Son nom hérisse. Brian Michael Bendis a archivé Marvel Comics. Le maître a bouleversé, désassemblé, lors d’un procès du siècle. Maintenant, l’auteur embarque vers l’Ouest, cape au vent, nous laissant de l’autre côté, six cents dans les mains.
Invincible Iron Man #600 est le dernier numéro de Brian Bendis chez Marvel Comics. L’opposition rude, orientée parfois, s’est faîte entendre avec écho. Brian. M Bendis déchaîne les foules. Seulement Brian. M Bendis écrivant Iron Man déclenche aussi les foudres, celles avec éclat et résonance. La démarche de l’auteur m’apparaît morphologique, porteuse d’un genre personnel, et en mesure de varier en nombre. La dégaine récente de l’auteur, de laquelle il joue, en perdant quelque fois, trouve un amateur de choix. Tony Stark est cette distraction du papotage, de la gifle cinglante et de l’ironie. L’idée d’un ton variable convient aux porte-crayons du scénariste, et aux crayons portés par ses artistes.
– REBOOT –
Les 12 premiers numéros implémentent ce qu’est Iron Man par Brian. M Bendis après 2010. Les arcs Reboot puis The War Machines sont éloquents. Avec ses 5 premiers numéros, Reboot donc, l’auteur joue sa première main meneuse. Il profite de la politique du recommencement de l’éditeur pour réamorcer la machine, et la programme déjà pour la suite. Deux items que l’auteur coche immédiatement : Le premier, celui de l’armure remodelée, obligée à chaque nouveau #1. Le second est une révision d’une certaine histoire masquée. La Madame (Whitney Frost) est un prétexte transmis pour ce que l’on va découvrir. L’agenda de l’auteur est clair, pour lui, certaines dates sont déjà prises. L’auteur a planifié. Ensuite vient la condition d’homme à femmes de Stark. La docteur Sri Lankaise est, tout du long, une attache au réel pour Iron Man. Amara Perera s’extraie très rapidement du coude de fer. Mais pas de celui que l’on croit, je parle d’un autre, fatal. Jusqu’au test final à la couleur unanime. Les tenues fines appâtent. Le rôle à jouer du docteur Perera est ténu, je vous le concède. La subtilité qui s’en dégage n’en est que plus révélatrice. Le personnage ne s’absentera plus, jusqu’à un temps encore indéfini. Mary Jane Watson, en tailleur elle aussi, elle laisse sa blouse de paillettes à la porte. Plus important encore, Victor Von Fatalis fringant, fréquente tout se petit monde comme une présence d’avertissement. L’affiche de Reboot est un aperçu sincère. Les personnages conduisent déjà vers la suite immédiate, au deuxième volet de l’introduction, The War Machines.
La guerre des machines exhibe James Rhode. La razzia de Madame Masque a eu la magie de mener naturellement vers le Techno Golem (Tomoe), malheureusement seconde proposition adverse trompeuse. Le Techno Golem partage avec la Dame son poste d’actionneur miné. En position d’attente d’un « on ne sait jamais » qui pour sa part, arrive bien plus tard, avec une mission identique. Tomoe sera encore, comme Whitney Frost (Madame Masque donc), une agrafe de personnages. Un prétexte évident, que j’aime supposer comme une mécanique du rail, du mouvement. Le vilain n’est plus un soucis à affronter mais plutôt un point à atteindre pour le personnage, avant le suivant, que l’auteur s’est déjà amusé à prévoir il y a des numéros. The War Machines assoit James Rhode sur le siège intime de Stark, présente Tomoe, pour mieux l’utiliser ensuite, et ensuite. La planification. Ou programmation dirons-nous.
12 numéros préambules sont requis, à l’heure des séries en 6 numéros à peine commencées, à peine terminées, Brian. M Bendis prend son temps, celui d’une infrastructure nécessaire à sa narration. Le premier palier est une transition nécessaire insuffisante. Stark est la victime d’un caprice d’ego. Enrôlées de force dans ce conflit des intérêts minimes, les amures désintéressées ne nous interrogent plus. Du même coup, une partie se dispute à deux.
– Les Hommes aux masques de fer –
Récemment, un autre immanquable s’est rajouté à toute proposition sur Iron Man, sa généalogie. Gillen nous avait dégurgité ses choix parentaux ; Brian Bendis gomme partiellement cet historique, et en surligne certains aspects. International Iron Man, première dérive à bon port de l’auteur, nous ouvre des pages sur une thématique récurrente : la maternité. Brian Bendis escalade à rebours, de plus en plus loin, avant de revenir à l’étreinte présente. Tony Stark trouve ce qu’il a cherché à l’international. International Iron Man est une réussite. L’auteur y exclut même les étourderies d’un Marvel qui n’ose plus prendre le risque de la maturité. Cette série ne compte pas pour ses noms révélés, ni dans tout ce butin du savoir disposé là comme une boëtte. La mini-série est concise, mûre et ne se laisse pas pourrir. Une seconde thématique s’y extirpe. J’aime voir, et lire, un parallèle du reflet, et de l’inversion avec l’Infamous Iron Man, la seconde série cette fois, en forme de détournement du personnage. Victor Von Fatalis partage avec Stark son ascendance singulière. International Iron Man reconstruit un personnage dépassé, qui découvre que l’homme qui l’a élevé et torturé toute sa vie était son père adoptif, par la figure maternelle ; Infamous orchestre la sensation bien réelle (elle s’entendra jusqu’à la fin) de perdition de Fatalis par l’univers dans sa main, il était Dieu et le monde lui appartenait. Si l’acte égoiste de la puissance n’était pas sa destinée peut être que l’inverse l’était. La quête maternelle recommence. Les deux séries se partagent la fiction, et au delà. Alex Maleev est très à l’aise dans ces timbres et ce ton. Les deux séries, les deux personnages se voient passer dans le même rétroviseur, dans des directions différentes, pour une même destination. La découverte factuelle. International enlace tandis qu’Infamous se déchaîne endiablé. Plus cinglant, plus ironique, plus sage, Bendis signe ses deux plus grands succès sur le personnage, et chez l’éditeur depuis un moment.
– GENERATION –
Pourtant, Tony Stark n’a jamais eu autant raison, il reste beaucoup à faire. Riri Williams, nous commençons à peine à encaisser le fait que nous connaissions son nom. Elle est prête, elle le sera. La chaîne se brise au numéro 6, Invincible Iron Man #6 (2017). Avant cela, Riri n’est que riri, bien orientée par Stark ballotté, hologramme personnel calqué. La jeune prodige a tout de la bonne définition du parfait héros. Géniale donc, traumatisée durant l’adolescence, de couleur et prédestinée à de grandes choses. Bendis se moque de ces codes, nous les fait oublier. Il ne reste que Riri Williams, un nouveau personnage attachant à découvrir. Le Techno-Golem en profite donc pour faire sa seconde apparition, chose promise, chose due. Puis la Latvérie. L’annexion inopportune de l’Etat balkanique par une toute jeune adolescente fait sourire. De l’improbable s’extirpe une causalité formatrice. Décousue, mais hautement formatrice. Brian Bendis éduque son personnage typique aux codes du genre. L’auteur se consacre toute une série et une vingtaine de numéros, pour certains maladroits, pour d’autres dégourdis, à créer un nouveau personnage. Dedans, elle y gagne son droit, celui de rejoindre la caverne technique pour s’éveiller, elle y gagne son nom plein de cœur, mais pas encore son titre. La précipitation à nous l’imposer est à souligner au rouge. Mais tous ces événements découlent les uns des autres de cette même mécanique du rail, qui avance, qui court même, mais étonnamment fluide. L’auteur, bien réel, en profite pour y glisser quelques railleries sur la souveraineté et le contrôle médiatique, desquels nous entendrions que ce qu’ils souhaitent. C’est une fiction.
Riri Williams et Victor Von Fatalis, l’Infamous Iron Man, sont ce que tous les lecteurs attendent réellement. Ce sont des personnages nouveaux, et d’autres non, qui ne se refusent pas d’avancer, d’apprendre pour changer. Le microcosme des armures a concrétisé un ruissellement d’un amont vers un amont, puis vers un aval. Vers un aval même très lointain.
Invincible Iron Man #593 allume la mèche. Tony Stark a disparu. Dès ce numéro, tout se brouille, se mêle en une piste à suivre sinueuse au pinacle déjà lu. Ce dernier versant ascensionnel vers un promis #600 festif est bien assombri. Le gibier se révèle, forcé, forcément. Les cloisons de l’édition par Marvel sont trop épaisses pour s’en défaire. Mais Brian Bendis peut encore sauver ses protégés. Le reflet se répond, comme Stark et Fatalis. L’un entouré de ses complices se sauve, l’autre, enclavé de sauvages se vautre.
– Incivilités –
J’ai bien sciemment occulté des méfaits barbares. Civil War II n’est pas satisfaisant , quelque soit l’angle de vue. Et d’ailleurs, la disparition complète de cet événement, qui n’a d’intérêt que pour les bilans financiers, n’altère en rien le déroulé précédent. La structure tient sans le quintal civil. Si un avis complémentaire vous intéresse à ce sujet, les articles dédiés sont à votre disposition. Civil War II était une étape lisible en elle même, mais une défaillance critique dans les rouages du passage de Brian Bendis.
Ces débattements conduisent bien naturellement vers la fin. Invincible Iron Man #600. Everything Dies ? pas tout à fait. Ce numéro mérite un peu d’attention. Invincible Iron Man #600 est décevant. La déception réside bien justement dans l’incapacité de rassemblement. Brian Bendis éteint toutes les mèches. James Rhodes revient très curieusement, Leonard de Vinci, celui d’Hickman revient, tout aussi curieusement pour mener des génies vers un idéal mondial, que nous ne verrons pas, jamais. The Hood, bien curieusement lui aussi, expose à tous les tréfonds de Fatalis, puis, même le père de Tony Stark réapparaît…curieusement. Invincible Iron Man 600# est incontestablement curieux et surtout incurable. Ce numéro n’apporte aucune réponse, ne répond jamais, ni ne conclut vraiment. Pire même, puisque l’auteur en personne abandonne. Son expression trouve une approbation brisée dans les mots de son personnage, puisqu’il ne se serait rien passé depuis Civil War II. C’est faux. Brian Bendis se neutralise, à tort. Inexplicable. Je m’évertue depuis trop de mots à mettre en évidence les changements, et l’auteur, en quelques traits, m’étouffe, me muselle. L’événementiel a condamné Invincible Iron Man #600, comme Civil War II avant lui.
La projection finale, ce bamf dans le temps, serait-il le dernier message d’un auteur laissé dérivé ? Il semblerait que oui. Generations : Iron Man & Ironheart. Si Marvel Generations vous intéresse, rendez-vous, encore, sur les articles dédiés. Marvel Generations Iron Man & Ironheart n’est toujours pas la satisfaction d’une postérité. Par contre, Marvel Generation Iron Man & Ironheart, est une conclusion, introduite après coup sans éclat avec Invincible Iron Man #600 ; celle de la suprématie bénéfique d’une idole connue, mais par personne. Une histoire que l’on ne lira pas, mais qui nous apparaît comme naturelle. L’histoire d’une héroïne confirmée créée par un auteur confiné. Riri Williams a tout, de ces débuts dans une chambre exiguë du MIT au rayonnement génial planétaire, et sa filiation féline.
Brian M Bendis a écrit son Iron Man, ses Iron Men. Toute cette publication cumule des imperfections. Certaines sont immanentes, à Bendis même, d’autres, plus habituelles, remarquables de cette culture américaine en bande et dessinée. Bendis n’a pas su, avec Iron Man, se réinventer, lui. D’ailleurs, en plus de ne jamais s’extraire de son cercle tournant autour du dialogue facile, celui-ci s’engoue abjectement dans son festival des grimaces, cet Invincible Iron Man #600 est curieusement décevant. Mais. Iron Man par Bendis est complet ; Ce genre de travail à marquer d’une chronologie propre, avec ses débuts, sa fin, ses ellipses, ses personnages et leurs chemins. L’on reproche habituellement de lire les mêmes choses dans cette exploitation de la bulle. Brian Bendis les fait éclater. Victor Von Fatalis et Riri Williams sont une dédicace au renouvellement. Ce flux s’arrête déjà pour le baron slave, la jeune héroïne a plus de chance. Nous pouvons remercier Brian Bendis pour cela, il a été envoyé ici pour une bonne raison, l’inspiration.