Lorsque l’on présente un comics, on évoque le scénariste et le dessinateur mais rarement l’encreur ou le coloriste. C’est pourquoi nous sommes allés à la rencontre de l’artiste irlandais Chris O’Halloran, coloriste de quelques-unes de nos séries préférées du moment (Ice Cream Man, Folklords) et qui travaille également pour Marvel (Immoratl Hulk, X-23…). Il a bien voulu prendre un peu de son temps répondre à quelques questions !
Origin story
Bonjour Chris, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je suis un coloriste professionnel de comics. Je colorise pour Marvel et travaille actuellement sur Ice Cream Man chez Image comics. Je viens d’Irlande et j’habite à Cork.
Comment êtes-vous devenu coloriste de comics ?
J’ai passé beaucoup de temps à pratiquer. J’ai appris ce que je pouvais en ligne. En montrant aux professionnels ce sur quoi je travaillais, j’ai reçu de très bons retours. Finalement, j’ai été contacté en ligne par quelques éditeurs américains et par Marvel en particulier. Je suis allé à Chicago un an plus tard pour les rencontrer.
Lisiez-vous des comics plus jeune ? Quel genre ?
Les bandes dessinées étaient difficiles à trouver quand j’étais très jeune, mais j’en réclamais toujours. J’avais des annuals britanniques du Beano et du Dandy* chaque année, des aventures de Tintin et d’Astérix. Finalement, les comics de super-héros ont été plus faciles à trouver grâce aux réimpressions et aux collections plus importantes. J’aimais aussi les dessins animés à la télévision et je possédais beaucoup de jouets et de figurines.
*The Beano et The Dandy sont des hebdomadaires britanniques de bandes dessinées très populaires, à l’instar du Journal de Mickey ou de Spirou en France.
Techniques et influences
Pouvez-vous nous décrire votre façon de travailler ?
J’ai une tablette graphique Wacom sur laquelle j’utilise photoshop. Je reçois les pages en noir et blanc et je les envoie à un « flatter » pour qu’il les mette en place pour moi. Je peux alors sélectionner facilement des zones spécifiques que je veux travailler. Je fais les couleurs de base d’abord puis j’ajoute les couleurs d’ombre et de lumière. Enfin, en fonction de la page, il y aura aussi des textures et des effets. C’est un résumé rapide, mais globalement ça explique comment je travaille.
Quelles sont vos influences ?
Honnêtement, il s’agit probablement d’autres coloristes. Je regarde les autres travailler beaucoup quand je peux. Je suis aussi influencé par énormément d’animation et de cinéma en général.
Le rôle du coloriste
Passer après le scénariste, le dessinateur et l’encreur dans la chaîne d’élaboration d’un comics implique-t-il une pression plus importante ?
Il y a plus de pression au niveau de la gestion du temps. La production américaine de comics repose sur des calendriers serrés. En tant que dernière personne de la chaîne, vous pouvez souvent rattraper le temps perdu si l’auteur ou l’artiste a pris du retard. Heureusement, ce n’est pas aussi courant pour moi que pour d’autres personnes que je connais. Mais si un comics est en retard, cela me laisse moins de temps pour le prochain dans mon emploi du temps, ce qui peut être assez stressant par moment et pour poursuivre le cycle de création.
D’après vous, pourquoi parle-t-on plus souvent des dessinateurs et plus rarement des coloristes alors que leur rôle est essentiel dans l’élaboration d’un comics, pouvant sublimer ou au contraire affadir un dessin ?
Je pense que les dessinateurs sont souvent mieux connus parce que, dans beaucoup de cas, c’est ce qui fait vendre le comics. Ou plus communément de nos jours, c’est l’idée que les auteurs sont l’atout principal. Le côté couleur du comics n’est jamais vraiment mis en avant par le marketing ou les médias, cela signifie donc que ce n’est pas un élément important pour convaincre les gens susceptibles de lire le comics. Je ne suis pas sûr, pour être honnête. Selon la série, la majorité des lecteurs ne s’intéressent qu’au personnage, par exemple, et ne se soucient pas de savoir qui l’a colorisé.
Ses collaborations
Les dessinateurs avec qui vous travaillez vous donnent-ils des instructions précises ou vous laissent-ils une vraie liberté ? Que préférez-vous ?
Non, ils ne me donnent pas d’instructions précises. Parfois, il y a quelques notes mais pas beaucoup pour être juste. Si c’est la première fois que je rencontre un artiste, il peut m’envoyer quelque chose pour montrer ce qu’il aime au niveau des couleurs ou simplement me laisser faire ce que je veux. En fin de compte, je veux juste que l’artiste soit généralement satisfait de ce que je fais et que les pages aient un sens pour moi avant tout.
Ice Cream Man est notre série coup de cœur sur ComicStories ! Comment travaillez-vous avec Martin Morazzo ?
Nous travaillons très bien ensemble, je pense. Nous en sommes maintenant à près de 20 numéros et j’ai travaillé avec Martín plus qu’avec n’importe quel autre artiste. Il ne me donne en général aucune instruction, me laissant une totale liberté. J’ai l’habitude de faire quelque chose de différent à chaque numéro et cela ne semble pas le déranger. Merci pour vos compliments à propos d’Ice Cream Man, d’ailleurs. Cela fait plaisir à entendre.
L’épisode #17 d’Ice Cream Man est un superbe hommage à All-Star Superman #2 de Grant Morrison. Avez-vous lu l’épisode pour vous inspirer du travail de Jamie Grant ou avez-vous travaillé comme d’habitude ?
J’avais une copie du numéro de All-Star Batman à côté de moi lorsque je travaillais. J’ai essayé de faire en sorte de refléter le travail de Grant plutôt que de le copier, si cela peut avoir un sens.
Immortal Hulk #25 était un épisode très impressionnant graphiquement. Cela vous a-t-il demandé un travail particulier ?
Oui, c’était très enrichissant. Je suis fier de cet épisode. Mais c’était un travail difficile. J’y ai consacré plus de temps que je ne le fais habituellement. Si vous l’avez lu, vous savez que la couleur est une partie importante de l’histoire. Je pense donc que je me suis mis une pression supplémentaire en sachant que les lecteurs seraient plus conscients de l’utilisation de la couleur que d’habitude.
Vous avez travaillé sur différents types d’univers ( SF avec Magnus, super-héros chez Marvel, Fantasy avec Folklords, horreur sur Ice Cream Man, …) Y a-t-il des genres où vous vous éclatez davantage ou le plaisir est le même quel que soit la série.
Honnêtement, j’aime la diversité. Je n’aimerais pas mon travail si c’était toujours la même chose.
Lorsque vous acceptez de travailler sur série, qu’est-ce qui prime ? Le dessinateur, le scénariste, l’histoire ?
Cela dépend. Je veux surtout imaginer que je prendrai plaisir à travailler sur les pages de l’artiste. L’écrivain, l’histoire, le personnage sont également importants. L’argent est aussi un facteur, soyons honnête.
Ses lectures et ses envies
Avez-vous le temps de lire des comics ? Lesquels ?
Occasionnellement. Pas régulièrement à cause du travail, mais quand j’ai le temps, je me gave en vidant ma pile de lecture. J’aime les comics récents en ce moment, ainsi que Folklords.
Si vous aviez carte blanche, sur quelle série aimeriez-vous travailler ou avec quel scénariste ou dessinateur en particulier ?
Je préfère ne pas le dire pour ne pas porter la poisse ou offenser qui que ce soit.
Quels sont vos futurs projets ?
Je travaille sur des comics par encore annoncées. Je ne peux pas dire grand-chose à ce sujet, désolé.
Cet entretien a été réalisé par échange de mails. Merci à Chris O’Halloran pour sa disponibilité et sa gentillesse.