[Edito] Mark Waid, Avengers : Kings don’t come

Un rassemblement, Bendis, Hickman, Busiek, Thomas, Shooter mais aussi Gillen, Heinberg ou encore Duggan, tous se sont employés à rendre la vengeance fabuleuse. Ces noms restent dans toutes les mémoires. Mais, n’en manque t-il pas un, de grand nom ? Mark Waid, l’actuel scénariste de l’équipe m’aurait-il échappé ? Pourtant, peu des précédents peuvent se targuer d’une carrière à sa hauteur. Cet oubli, de deux séries éponymes, une bonne trentaine de numéros, et une annexe, est assez conséquent. Comment expliquer cette négligence ? 

Précédemment, Jonathan Hickman, débride sur près de 5 années dantesques un run que l’on pourrait résumer par une simple voix « ils étaient tous des mondes des Avengeurs ». Les qualificatifs épiques et grandioses n’ont jamais autant sied aux Vengeurs. De la roue initiale aux guerres secrètes, la série, et sa jumelle, mènent la danse. Un phare éditorial les guide tous vers un point essentiel et unique, Fatalis et son Battleworld.  Et donc, quelles furent nos attentes une fois tous les mondes unifiés, un hall neuf, un hall soit disant différent. Marvel diversifie, patauge pour d’autres, la réduction à l’un ou à l’autre n’est pas aussi évidente. Ce qui l’est par contre, la direction choisie : La transmission comme retour aux bases après la frénésie. Waid se concentre avant tout sur ses personnages. Les Vengeurs n’existent plus, désassemblés, il faut reconstruire. Sans nouveauté artificielle, la jeunesse sera le liant. Miles Morales, Kamala Khan, Sam Alexander puis plus tard Nadia Pym, côtoient Sam Wilson, Jane Foster, Tony Stark et Vision.

– Du porte étendard, au porte relais –

La discontinuité générationnelle est nette, les alter egos sont récents. La cohabitation a tout pour séduire, une série flambeau dont la lumière va très vite s’estomper. Forcément, les lignes narratives ne sont plus tendues entre les planètes et les dimensions. Les personnages papillonnent sur Terre. La formation de la relève se fait dans la rue, entre les toits et dans le hangar fauché de cette nouvelle version des Vengeurs. Le street level character, catalogue à lui tout seul chez Marvel, n’est pas une injure, au contraire. Mais rapidement, les Héros se trouvent mêlés à une intrigue temporelle immense, très éloignée des considérations de la rue des membres débutants. La conjugaison de ces deux mondes n’est plus possible. Sans repère, ni rapport formateur, les voilà embarqués pour une mission spatiale ; de la bouche même de Morales, totalement désorienté, sans « rien sur quoi adhérer », sans « immeubles pour se balancer ». Le lecteur enchaîne sans comprendre une attaque Chitauri, les mésaventures de Vision (seule continuité installée par l’auteur), les altercations du Conquérant, un passage éclair dans la zone négative puis une dissociation comme un aveu d’échec. L’auteur y incorpore des numéros discrets, des pauses inconvenantes pliées par le poids de sorties plus imposantes que lui (Standoff, Civil War II). L’enthousiasme des jeunes est étouffé, la prestance des grands malmenée dans un désaccord juste fade. 

Une convention mouchetée de quelques bons moments parsème la quinzaine de numéros. L’arrivée d’un nouveau personnage, procédé timide à notre époque, est une nouvelle pique au renouvellement. Cette Nadia Pym, d’abord attachante dans son parachutage se révèle d’une naïveté aberrante. L’auteur ne la sortira jamais de ce cocon bécasse, jusqu’au numéro du mois (janvier 2018 en VF), où le personnage ne se questionne pas, en dépit d’atouts intellectuels éminents. Ce très jeune personnage, très loin de l’historique d’un Morales, représente tout le paradoxe. Le numéro 14 (de la première série) met à mal les idéaux de la jeune hyménoptère, que l’on imagine pas rester accrochée à ses pères. Pourtant, la voici, membre éminent de l’équipe, une énième contradiction assumée par son créateur.  Le réconfort est à chercher auprès de minimes trouvailles exposées. Le numéro 12 (toujours de la première série), au cadre inconvenant, est par contre un bijou cantique parfait à l’esprit d’équipe. Malheureusement, Waid ne parvient pas, à aucun moment, à marquer les esprits. Son style s’arme d’un premier degré maladif. Tout son casting repose sur des archétypes évidents simplistes. L’auteur ne s’extraie pas du Captain taciturne, d’une Thor barbare écervelée et d’une adolescence nigaude. Runaway et Young Avengers sont déjà passés par là. Seule La Vision, synthèse aux idées névrosées, élève le débat. Un examen qui vire à l’ensablage conquérant, lorsque les renommés Champions changent leur monde. 

All-New All-Different aura proposé, tenté de rassembler. 

– Diviser pour mieux lasser – 

Déjà mise à mal dés les débuts, la promesse de cohésion vole en éclat. Khamala est écartée, suivie par Sam au numéro 5. La Vision, encore et toujours, est au cœur de la mêlée. La dissidence a germé, elle éclot après #15 et les caprices de Bendis. Civil War II dissocie et divise. D’un côté Avengers, épopée temporelle futile, de l’autre Champions, brochure prometteuse d’une jeunesse émérite qui vire rapidement à l’entartage mielleux. 

Kang le Conquérant ou l’obsession éternelle, Waid veut son Avengers Forever, expédition surprenante des 90’s alors entre les doigts de Busiek. Malheureusement, ces deux guerres temporelles dans le temps ne font que sonner le glas d’une série seulement facultative. L’équipe contemporaine, et pas que, s’éparpille à stopper un être présent dans chacune des lignes du temps, sans réussite, forcément. Waid tente quand même d’apporter une réponse définitive, où la suppression de points discrets immobiliserait un empire infini, réduction inefficace pour des enjeux trop imposants. Surtout que tous ces numéros bouclent en fait deux insuccès avoués. Le premier, sous forme de questionnement philosophique : l’éviction d’une menace avant même son apparition. Une interrogation dont Vision se permet de répondre seul. Le bousculement de toute la chronologie passée, et future, des personnages affectés par, mais qui affectent alors (un boucle qui clôture comme elle démarre, ou inversement), l’enlèvement d’un Kang biberonné. Puis, la paralysie de quelque-unes des versions du Conquérant serait une fin possible à son ombre sur le flux du temps. Encore une fois, une réponse bien trop simple, un raccourci forcé, là où une réflexion pure sur ce concept n’aurait pas été insensée. L’auteur s’autorise en plus des libertés périlleuses, impossibles de ne pas les référencer ailleurs chez Marvel. En tête, une énorme refonte de Fatalis, présenté alors comme une itération de Kang, posée là, aux détours d’un phylactère, aussi tôt dévoilée, aussitôt négligée dès le numéro #7 (de la seconde série). 

En face, les Champions, club des 5 plein d’espoir, s’en vont défendre les opprimés et la population quotidienne. L’alternative est très prometteuse. Le premier numéro de la série est l’une des dernières pépites de l’éditeur, ces jeunes veulent plus et pour tout le monde. Une idéologie pas si idiote, qui ramène vraiment le héros à son rôle premier. Une simple réparation d’un camion, le commerce des femmes, le despotisme islamiste, de grandes thématiques pour de petits enjeux qui comptent. Mais rapidement, ces Champions payent leur dû. Celui d’un auteur qui s’enferme, asservi par une bien-pensance répulsive, moyennée par tous les travers connectés de notre société numérique. Ces jeunes personnages se complaisent dans la défense du juste, ne se questionnent plus sur leurs actions, toujours du bon côté. L’opposition est d’ailleurs appuyée dans  les derniers numéros, en la présence des Freelances, pendant pernicieux des Champions, tout blanc ou tout noir. 

En appuyant sur la plaie Civil War II, Waid sacrifie le jeu des tons, l’alliance du renouveau et de l’expérience, de sa première série, déjà à peine solide. La franchise n’a plus aucune vengeance à assouvir, à part celle de son illustre passé. Le futur Legacy sera peut être l’étincelle, même si Waid est toujours à la barre. Ces prétendus meneurs ne sont plus que de communs inconnus. Un rassemblement oui, mais pour quoi faire ? !