En 1991, Peter David a repris la série The Incredible Hulk depuis un peu plus de 4 ans. Il a désormais une maitrise du personnage et a fixé un cap pour la série. Dale Keown est arrivé pour travailler avec le scénariste à l’épisode #367. Son exceptionnel talent a pris la place du trait peu orthodoxe de Jeff Purves, pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Peter David, à qui l’on a confié en 1987 la série, à défaut de trouver un scénariste plus chevronné, a déjà su faire évoluer le personnage de façon pertinente, en introduisant notamment le fameux double Joe Fixit. En compagnie de Dale Keown, il va à nouveau faire évoluer le statu-quo du Colosse de Jade. Tout d’abord, il va faire la synthèse des différentes personnalité de Bruce Banner-Hulk, réunissant le frêle scientifique et ses doubles gris et vert pour en faire un être intelligent et plus fort que jamais. Il va ensuite introduire le Panthéon, groupe d’individus dotés, pour certains, de pouvoirs et dirigé par Agamemnon, une sorte de demi-Dieu, dont le but est de faire le bien pour les habitants de la Terre, soit en anticipant de possibles troubles, soit intervenant sur des terrains de conflit. Les membres du groupe vont tâcher de recruter Hulk alors que les héros de la Terre sont en conflit avec Thanos qui met ses plans à exécution grâce au gant de l’infini.
Dans le même temps, Betty Ross, la femme de Banner, va devoir reconsidérer sa vie alors que son mari a une nouvelle personnalité. Elle est soutenue par Marlo Chandler, ex petite-amie de Joe Fixit à Los Angeles, même si Betty est jalouse de la relation qu’ont eu Marlo et Joe.
L’incroyable sens de l’écriture de Peter David éclabousse ces épisodes de The Incredible Hulk. Il incorpore des sous-intrigues à son intrigue principale, ce qui crée une impressionnante densité et un rythme qui varie les temps d’action, d’humour et de soap. Ce que vit Hulk est placé sous le signe de l’action. Il doit tout d’abord faire face à sa nouvelle personnalité obtenue par le psychanalyste Leonard Samson, créant quelques tensions avec ses proches. Ne changeant plus de personnalité selon les moments de la journée, très sûr de lui, plutôt direct et sans filtre, c’est un nouveau Hulk ! Peter David creuse sa relation avec Betty, forçant les personnages à se remettre en cause.
Le recrutement des membres du Panthéon, que l’on qualifiera pudiquement de maladroit, va ensuite engendrer de nombreux affrontements. Les missions qui sont confiées à Hulk mêlées à la saga du Gant de l’Infini ont un vrai ton Marvelien. Si l’humour est omniprésent au travers de répliques fleuries, qu’on pourra parfois trouver peu légère, c’est l’aventure qui prédomine.
En parallèle, on suit la vie de Betty, Marlo et Rick Jones, qui saura venir prêter mains fortes à Hulk. Peter David choisit l’angle du soap pour narrer leurs aventures. Drôles, pimentés, parfois grotesques et excessives, ces scènes sont très efficaces et équilibrent bien le rythme du récit. La caractérisation des personnages est maîtrisée, Peter David donnant une épaisseur inédite aux personnages.
Le scénariste ancre ses épisodes dans le contexte des USA des années 80-90. Il critique ouvertement l’impérialisme américain et son interventionnisme intéressé. Il évoque également le SIDA dans un épisode très juste et assez émouvant.
D’un point de vue éditorial, il ne subit pas la saga du Gant de l’Infini, s’en sortant habillement. Il réintroduit l’Abomination pour faire un parallèle entre le vilain et la nouvelle situation de Banner. L’histoire se déroule essentiellement dans les égouts, en marge des affrontements de la saga.
Deux épisodes fill-in dessinées par Bill Jaaska figurent également dans cette intégrale. Le premier, gentiment naïf, met en scène le Rhino. Le second, fait la part belle au côté psychanalyste de Leonard Samson pour une intrigue assez forte sur le thème de la justice et de ses implications. L’annuel #16, enfin, clôt ce gros volume. Ah ! La belle époque où les Annuals étaient encore des histoires complétant la série régulière et non des machines à cash ! David y scrute la dualité Banner-Hulk, en évoquant la responsabilité de chacun, l’injustice et la persévérance.
Aux dessins, Dale Keown fait des miracles dans la justesse et la précision de son trait, aussi bien pour croquer les personnages que les décors. Le dynamisme de ses planches au travers d’une mise en pages inventive est bluffant. Les personnages bénéficient d’une grande expressivité, Keown maîtrisant plans larges et gros plans. Les couleurs de Glynis Oliver, si elles ne peuvent masquer leur date de création, ont bien traversé le temps. L’ensemble est un régal pour les yeux.
L’artiste est secondé par Bill Jaaska qui rend une copie honorable et Angel Médina qui a un trait plus old scool mais dont le rendu des scènes gores est impeccable.
On regrettera à nouveau une traduction un peu bancale et étrange par moments d’où découlent certainement, certaines blagues un peu lourdes. Cela ne gâche pas le plaisir mais c’est comme souvent avec Panini, très regrettable.