15 ans après le sublime I Kill Giants, Joe Kelly et Ken Niimura se réunissent à nouveau pour un nouveau projet paru chez Image Comics en VO et que propose HiComics dans un copieux volume.
Fortement autobiographique, Immortal Sergeant présente Jim Sargent dit « Sarge » , un inspecteur à l’ancienne en passe de prendre sa retraite. Mais alors que le pot de départ se prépare et que sa famille au complet lui fait l’honneur de sa présence malgré les relations difficiles que Sarge entretient avec son fils Micheal, une vieille affaire jamais résolue resurgit d’un tiroir ! Sarge se doit de clore cette enquête qui le hante depuis des décennies, quitte à embarquer son fiston à bord de sa Cadillac coupé Deville 1972 dans un road trip complétement dingue !
Un délicat parfum autobiographique
Il ne le cache pas, Joe Kelly s’est fortement inspiré de sa relation avec son père pour créer l’histoire d’Immortal Sergeant. Sarge est un flic usé par les années et transformé par l’âpreté du quotidien. Il se montre particulièrement détestable avec ceux qui l’entourent, notamment sa famille. Derrière ses diatribes racistes et homophobes, Sarge masque difficilement une personnalité complexe, hantée, torturée. Lui faisant face avec fébrilité, Michael tente de réparer ce qui peut l’être malgré les moments de renoncement qui l’habitent tant son père avance tel un bulldozer inarrêtable. C’est cette relation ombrageuse et aux sentiments mêlées qui fait le cœur du récit et qui en fait la force principale. Joe Kelly l’écrit avec un regard lucide et percutant teinté de tendresse.
Une enquête sous tension où s’invitent de nombreux de thèmes
Une fois passés les deux premiers chapitres qui mettent le lecteur en appétit, l’enquête s’avance sans temps mort et se laisse gagner par une incroyable tension. Le fil qui se déroule assez classiquement se voit saisi de rebondissements réguliers qui relancent la chasse à l’homme tout en remettant une pièce dans la machine à disputes entre père et fils. Au cours de ce périple survolté, Joe Kelly aborde une multitude de thèmes ancrés dans l’Amérique d’aujourd’hui : le racisme, les violences policières, l’homophobie, et d’autres dans un contexte universel comme le droit au pardon ou la vieillesse. Ces thématiques s’insèrent remarquablement au récit et l’enrichissent.
Dialogues piquants, humour et émotion
Joe Kelly n’a pas son pareil pour écrire des répliques cinglantes, drôles, amères ou qui expédient une flèche directement dans le cœur du lecteur ! On rit – souvent jaune – , on a le souffle coupé ou la boule coincée au fond de la gorge. Plutôt piquant et léger dans ses premières pages, le récit se teinte petit à petit d’une noirceur profonde, laissant, au final, le lecteur parcouru par une myriade de sentiments, convaincu d’avoir lu une grande bande dessinée !
Un dessin en symbiose !
Le récit de Joe Kelly trouve sa puissance décuplée par le dessin de son complice Ken Niimura ! Tout en énergie, en rythme et en expressivité, l’art du dessinateur percute autant qu’il émeut. De son trait fin en tons de gris qui va à l’essentiel, Ken Nimura offre une vitalité incroyable à ses planches ! Caricatural et excessif, son dessin transmet toute la rage et la tendresse qui habitent les personnages, se fondant dans le récit imaginé par Joe Kelly.
Immortal Sergeant est aussi drôle que sombre, aussi percutant qu’émouvant ! Le récit de Joe Kelly fait l’effet d’un uppercut asséné par le dessin bourré d’énergie de son compère Ken Niimura ! Après I Kill Giants, les auteurs livrent un nouveau chef d’œuvre !