Interview – Daniel Kraus

Auteur de romans horrifiques dont The Leaving Dead en collaboration avec Geroge A. Romero, Daniel Kraus nous livre sa vision de sa première création en comics : le fantastique The Autumnal, réalisé en compagnie de Chris Shehan et Jason Wordie. 

For English speakers, please find lower the interview in its original version


Quel est votre rapport avec la bande dessinée en tant que lecteur ?

Pendant la plus grande partie de ma vie, je n’ai pas eu de relation avec les comics ! J’ai grandi dans une petite ville qui, pour autant que je sache, ne vendait de BD nulle part. Je n’avais donc aucune des bases de DC ou de Marvel que beaucoup de gens ont. Aujourd’hui, bien sûr, les bandes dessinées font partie intégrante de ce que je lis.

Comment est née cette aventure de The Autumnal ?

Depuis quelques années, j’avais lancé une idée qui a commencé par un concept : Et si les feuilles étaient le chemin emprunté par une sorte de monstre de la forêt ? Et si ce monstre pouvait marcher au travers des feuilles comme vous pourriez marcher au travers d’un ruisseau en haut des rochers ? Je me suis amusé à essayer d’en tirer un roman plusieurs fois, mais ça ne m’a jamais vraiment fonctionné. Puis, en pensant à la luminosité et aux couleurs des feuilles d’automne, je me suis dit : peut-être que ça devrait être une bande dessinée.

Vous écrivez des romans et participez à la réalisation de films, mais c’est votre première bande dessinée. Quelles sont les similitudes et les différences qui vous sont apparues en écrivant pour ces différents supports ?

Le côté prose de la bande dessinée est, bien sûr, beaucoup plus simple : c’est essentiellement une mise en scène. Mais il y a un aspect puzzle qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Vous pensez toujours à l’information en tant qu’unités – combien d’information dois-je mettre dans cette case, combien de cases aux par page, comment puis-je l’organiser pour que le spectaculaire soit au rendez-vous lorsqu’on tourne la page, et ainsi de suite. C’est tout à fait unique à la bande dessinée et aux romans graphiques et cela demande une certaine souplesse et une certaine fugacité.

L’horreur est au centre de tout votre travail. Qu’est-ce qui vous attire tant dans ce genre d’histoires ?

C’est une forme d’auto-découverte. L’horreur vous permet, en tant que lecteur et écrivain, de repousser vos limites et de découvrir où vous êtes à l’aise et mal à l’aise. Je pense qu’en général, les gens seraient mieux s’ils se rendaient régulièrement dans des endroits qu’ils croyaient inhospitaliers et y trouvaient de la place pour la compréhension et l’empathie. C’est un exercice sain.

Quelles sont les moyens spécifiques à la bande dessinée pour transmettre le sentiment d’horreur  ? Quelles sont, selon vous, les forces et les faiblesses de ce support pour le genre de l’horreur ?

En fait, il s’agit en grande partie de retenir l’écriture et de laisser l’artiste faire son travail. Je suis encore en plein apprentissage à ce niveau-là. Quand vous avez des visuels pour exprimer les grandes frayeurs, l’écriture se concentre davantage sur la perpétuation de la peur. Avec The Autumnal, je voulais faire quelque chose de calme, de mature et de nuancé avec les personnages, lui donner un ton un peu romanesque au lieu d’une suite d’événements continuellement ébouriffants.

Parlons des personnages Kat et Sybil. Ce sont des personnages écorchés, fragiles et un peu marginaux. Aimez-vous particulièrement ce genre de personnages ? Qu’apportent-ils à votre histoire ?

J’ai tendance à graviter vers des personnages isolés, qu’ils soient ruraux ou urbains. L’isolement tend à présenter moins d’options aux personnages, ce qui conduit au désespoir. Cela signifie qu’ils sont plus enclins à prendre des risques. Et c’est souvent là que les problèmes commencent, mais cela signifie aussi que vous avez affaire à des personnages dynamiques, qui ont besoin de changer leur situation. La fuite de Kat de Chicago en est un parfait exemple.

La relation entre Kat et Sybil est très touchante. Elle apporte à The Autumnal une atmosphère poétique qui contrebalance le suspense et l’horreur que l’on sent monter peu à peu. C’est ce genre d’équilibre qui donne à The Autumnal sa force et qui est difficile à trouver ?

Parmi les personnages que j’ai écrits, Kat et Sybil sont deux de mes préférés. Il y a quelque chose d’inspirant en eux. Elles vont d’un bord à l’autre, mais elles ont cet humour sec qui les aide à garder la tête hors de l’eau. J’aurais pu continuer à les écrire pour toujours, qu’ils soient ou non en proie à l’horreur.

Comment travaillez-vous avec Chris Shehan et Jason Wordie ? Êtes-vous plutôt du genre directif ou au contraire laissez-vous beaucoup de liberté aux artistes ?

J’ai écrit tous les scénarios avant que Chris et Jason ne soient à bord du navire, ce qui a limité les allers-retours. J’imagine que si j’avais écrit les épisodes plus lentement, j’aurais pu réagir davantage à ce qu’ils faisaient en cours de route. Comme c’était ma première bande dessinée, j’ai probablement sur-expliqué des idées visuelles dont Chris n’avait pas besoin. Je n’ai pas donné trop de directives à Jason – c’est un expert en couleurs et les combinaisons de couleurs étaient assez bien établies au début, bien qu’il continue à me surprendre.

Qu’apporte chacun d’entre vous à la conception graphique des personnages et des décors de Comfort Notch ?

L’art de Chris me brise le cœur. Cela arrive probablement beaucoup dans les bandes dessinées, mais sa représentation de Kat, Sybil et Rob m’a fait les voir comme plus réels que ce que j’avais imaginé auparavant. J’ai donc commencé à me soucier davantage d’eux, comme si je les rencontrais à nouveau. Et j’ai commencé à regretter ce que je leur avais fait en tant qu’écrivain. Mais je dois me fier à mes instincts antérieurs et laisser l’histoire se dérouler, aussi pénible soit-elle. Jason semble entièrement absorbé par ce que Chris fait. Il prend souvent un chemin complètement différent de celui auquel je m’attendais, et c’est toujours génial.

Avez-vous d’autres projets de bande dessinée ?

Oui, j’ai une nouvelle bande dessinée qui sort à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine, et un Graphic Novel qui sortira dans deux ans environ. Aucun des deux n’a été annoncé, je ne peux donc pas encore entrer dans les détails.

Lisez-vous des bandes dessinées ? Avez-vous des coups de coeur ?

Pendant la plus grande partie de ma vie, les seules BD qui m’ont vraiment plu étaient Haunt of Fear, Vault of Horror et Tales from the Crypt de EC. Je possède l’intégralité de ces séries et je les ai lues à maintes reprises. Mais mes préférés actuels sont Department of Truth, Lonely Receiver, The Plot – et bien sûr tout ce qui est écrit par Junji Ito.

Entretien réalisé par échange de mails. Merci à Daniel Kraus pour sa disponibilité et sa gentillesse !


Author of horror novels including The Leaving Dead in collaboration with Geroge A. Romero, Daniel Kraus gives us his vision of his first comic book creation: the fantastic The Autumnal, created with Chris Shehan and Jason Wordie.

 

What is your relationship with comics as a reader?

For most of my life, I didn’t have a relationship! I grew up in a small town that, as far as I know, didn’t sell comics anywhere. So I had none of the grounding in DC or Marvel that a lot of people do. Today, of course, comics are a regular part of what I read.

How was this adventure of The Autumnal born?

I’d been kicking around an idea for a few years that began with a concept: What if leaves were the path used by some kind of forest monster? And that monster could walk across leaves like you might walk across a stream on top of rocks? I toyed around with it as a novel a couple times but it never felt right. Then, while thinking about how bright and colorful autumn leaves were, I thought — maybe this should be a comic.

You write novels and participate in filmmaking but this is your first comic book. What are the similarities and differences that have appeared to you in writing for these different mediums?

The prose side of comic-book writing is, of course, much simpler — it’s basically stage direction. But there’s a puzzle aspect to it like nothing else. You’re always thinking about information as units — how much information should I put into this panel, how many panels per page, how can I organize it so that the page turn is dramatic, and so on. That is totally unique to comics and graphic novels and requires a certain flexibility and fleetness.

Horror is at the center of all your work. What appeals to you so much in this kind of stories?

It’s a form of self-discovery. Horror allows you, both as a reader and writer, to push your limits and find out where you’re comfortable and uncomfortable. I think people generally would be better off if they regularly took themselves to places they believed were inhospitable and found room there for understanding and empathy. It’s a healthy exercise.

What are the particular ways to convey the horror feeling in a comic book? What do you think are the strengths and weaknesses of this medium for the horror genre?

A lot of it is actually holding back on the writing and letting the artist do their work. I’m still learning that. When you have visuals to deliver the big scares, a bigger focus of the writing becomes the perpetuation of dread. With The Autumnal, I wanted to do something quiet, mature, and nuanced with the characters, lend a bit of a novelistic tone to it instead of one of continually splashy events.

Let’s talk about the characters Kat and Sybil. They’re flayed characters, fragile and a little bit marginal. Do you particularly like this kind of characters ? What do they bring to your story ?

I do tend to gravitate toward isolated characters, whether they’re rural or urban. Isolation tends to present characters fewer options, which leads to desperation. That means they’re more likely to take risks. And that’s so often when trouble starts — but it also means you’re instantly dealing with dynamic characters, who need to shake up their situation. Kat’s mad dash from Chicago is a perfect example.

The relationship between Kat and Sybil is very touching. It brings a poetic atmosphere to The Autumnal that counterbalances the suspense and horror that one feels is gradually building up. It’s this kind of balance that gives The Autumnal its strength and that is hard to find?

Kat and Sybil are two of my favorite characters I’ve written. There’s something inspiring about them. They go from one mess to the other, but they have this dry humor about them that really works to keep their heads above water. I could have kept writing them forever, regardless of whether or not there was horror coming their way.

How do you work with Chris Shehan and Jason Wordie? Are you more of a directive type or on the contrary do you leave a lot of freedom to the artists?

I wrote all the scripts before Chris and Jason were aboard, so that limited some of the back-and-forth — I imagine if I’d written the issues more slowly, I might react more to what they were doing along the way. Because this was my first comic, I probably over-explained visual ideas that Chris didn’t need. I haven’t given too much direction to Jason at all — he’s a wiz at colors and the color schemes were pretty well established early on, though he keeps surprising me.

What do the three of you bring to the graphic design of the characters and sets for Comfort Notch ?

Chris’s art is just so heartbreaking to me. This probably happens a lot in comics, but his depiction of Kat, Sybil, and Rob made me see them as realer than I had before. So I started caring about them more, as if I were meeting them anew. And that led to me starting to regret what I’d done to them as a writer. But I have to trust my earlier instincts and let the story play out, no matter how harrowing it is. Jason seems entirely plugged into what Chris is doing. He often goes an entirely different route than I’d expect, and it’s always great.

Do you have other comic book projects ?

Yes! I have a new comic coming out late this year or early next year, and a full graphic novel coming out in about two years. Neither has been announced, so I can’t go into details yet.

Do you read comic books ? Do you have favorites ?

For most of my life, the only comic books that were truly beloved to me were EC’s Haunt of Fear, Vault of Horror, and Tales from the Crypt. I have their complete runs and have read them over and over. But my current favorites include Department of Truth, Lonely Receiver, The Plot — and of course anything by Junji Ito.

Interview made by email exchange. Thanks to Daniel Kraus for his availability and his kindness.