Hi Comics est allé piocher une nouvelle fois dans le comics indé original et de qualité ! Steve Skroce, vu récemment en VF sur We stand on guard aux côtés de Brian K. Vaughan, s’investit ici également dans le scénario. Et pour le coup, il ne nous pond pas une histoire classique et sans aspérités.
Le Maestro, une divinité capable de modeler l’univers à sa guise, est assassiné par Madok, un sorcier qui s’est libéré de sa geôle. Sa succession est alors mise en jeu. Il a bien un fils, Will, mais celui-ci a été banni par son propre père sur Terre, lieu de de toutes les imperfections et dépourvu de magie. Ce dernier demeure néanmoins, lui l’épicurien qui ne vit que pour les plaisirs que lui offre la vie terrestre, le dernier rempart face aux ennemis du Maestro, bien décidés à s’emparer du pouvoir. Tout cela est bien sérieux mais Steve Skroce a apporté avec lui ses caisses de dynamite pour nous conter cela sous une forme totalement déjantée. Le monde du Maestro, bâti sur le protocole et l’autorité lui permettant de régner tyranniquement, va se télescoper avec celui de son fils, fait de tous les plaisirs inimaginables, essentiellement sexuels, pour une orgie de verbes enlevés, de réparties et de situations bien grasses.
Le comics fonctionne d’abord pour son humour direct et sans limites qui ne s’interdit rien, où le mauvais gout se taille la part du lion – on pense évidemment à Garth Ennis -, au risque de perdre des lecteurs hermétiques à un certain type d’humour en dessous de la ceinture. Steve Skroce établit ce ton aussi bien dans les dialogues que dans ses idées. Ses concepts du monde du Maestros, inspirés de la fantasy, sont pleins d’imagination et jouent sans cesse sur l’insertion du ridicule dans une situation grave. Sa réimagination de la Terre est d’ailleurs, de ce point de vue, assez savoureuse. Loin d’être châtié, le langage des personnages s’enlace à de longues tirades shakespearienne, provoquant l’hilarité. Certaines blagues, toutefois, ont un petit côté lassant sur la durée.
Steve Skroce construit son histoire de façon extrêmement solide. L’affrontement visant à conquérir le pouvoir contient suffisamment d’action, de rebondissements et d’aléas crédibles pour tenir le lecteur en haleine. Il creuse le sillon du pouvoir et de son utilisation. Devenant Maestro, Will décide de mettre en place ses idées sociales et égalitaires. Que cela soit sur l’exploitation d’une catégorie d’individus ou les conditions de travail, par exemple, il révolutionne les mœurs du monde du Maestro, au grand dam de ses ennemis. Steve Skroce nous rappelle que ceux qui ont le pouvoir peuvent et doivent l’utiliser à bon escient pour le bien de tous. Et lorsque la tête leur tourne, il est nécessaire de les remettre dans le droit chemin.
Ce concept de « sans limites » se retrouve également dans les dessins. Les illustrations sont généreuses, fourmillant d’idées, de détails, d’hommages, de tripes et d’hémoglobine. L’homme à tête de fleur, l’évolution de l’homme sur Terre, le glaive à manche qui parle ou certains personnages du monde l’au-delà, témoignent de l’imagination sans borne du dessinateur. On capte son plein investissement dans sa série et cela fait plaisir. Dave Stewart, que l’on connait bien, en particulier pour sa collaboration avec Sean Phillips sur Fatale, réalise également un travail remarquable. Ce type de dessin pourra en rebuter certains mais le résultat est assez bluffant !