Parmi les auteurs dont le noms est indissociable des éditions Delirium, Richard Corben est sans doute le premier auquel on pense. Son indéniable complicité avec l’éditeur depuis les premiers épisodes de Eerie & Creepy a permis aux lecteurs de découvrir d’importantes œuvres de l’artiste britanique. Et lire du Richard Corben constitue une expérience, indubitablement.
Monde Mutant, sorti fin 2019 en France, est écrit en collaboration avec Jan Strnad appelé à la rescousse par le dessinateur après un épisode, pour construire davantage son histoire. Les deux auteurs vont terminer cette première série avant, des années plus tard, d’en proposer une seconde. L’univers de Monde Mutant est un monde apocalyptique où humains, bêtes et mutants luttent pour leur survie. Dans la première série, Dimento un individu, légèrement mutant mais pas très perspicace, se débat dans ce monde cruel où se nourrir est la principale préoccupation. Il va rencontrer une jeune femme qui va bouleverser sa vie. Dans la deuxième série, on suit sa fille qui va, à son tour, s’atteler à survivre.
Le monde décrit par Strnad et Corben est d’une grande violence où chacun ne peut compter que sur lui-même. L’entraide peut surgir mais dès que cela tourne mal, c’est chacun pour soi. Les faiblesses de chacun sont exploitées et le candide Dimento en fait les frais. Certains humains gardent espoir, d’autres se réfugient dans le mysticisme. Mais l’humanité est toujours présente dans le récit, incarnée par la femme que va rencontrer Dimento. Elle lui fera voir le futur avec un autre regard. Le récit, bien qu’on sente qu’il manque d’une totale cohérence, en raison de cette construction progressive par les deux auteurs, est poignant et touchant.
Dans le deuxième récit, imaginé en amont de sa réalisation et donc plus structuré que le premier, la fille de Dimento tente à son tour de vivre dans ce monde mutant. La violence, la domination de certains sur d’autres, mais aussi à nouveau l’espoir, sont des thèmes à nouveau présents. Comme dans le premier récit, ce sont les relations humaines qui vont faire surgir cette indispensable humanité dont ce se nourrit l’espoir !
Dans les deux histoires, les auteurs parviennent à trouver un juste équilibre entre action et humour qui permet d’alléger un récit dur.
Richard Corben illustre ces deux histoires avec son style radical, expressif et vivant. Certes, il n’emportera pas l’adhésion de tous les lecteurs mais il ne laissera pas insensible. La puissance des corps est travaillée à l’extrême, le rendu et le réalisme sont impressionnants. Les couleurs du premier récit réalisées par Corben lui-même ont un coté psychédélique qui accentue l’étrangeté de ce monde post-apocalyptique. Pour le second, Corben s’est associé à sa fille pour un résultat plus moderne dont l’artiste est particulièrement satisfait.
L’édition de Delirium est particulièrement soignée et bénéficie de bonus où l’on peut on observer le travail de Richard Corben pour rendre les expressions pour réalistes.