Projet initié en collaboration avec les membres survivants des Doors, le Graphic Novel anthologique Morrison Hotel est écrit par Leah Moore et dessiné par un floppée d’artistes parmi lesquels Jill Thompson, Colleen Doran ou encore John Pearson.
The Doors, groupe mythique, a marqué la fin des années 60 et le début des années 70, notamment au travers de son singulier chanteur, Jim Morrison. Alors que l’on fête le 50ème anniversaire de la sortie de l’album L.A. Woman, l’éditeur Z2comics, spécialisé dans le comic musical, propose ce Graphic Novel qui rend hommage au groupe tout en dressant un portrait de l’Amérique de la fin des années 60.
Construit à une « piste » près comme l’album éponyme, le comic propose une histoire pour chaque chanson. L’éventail proposé va d’une évocation d’un moment clé de l’histoire du groupe à un événement marquant de l’histoire des USA période 60’s en passant par une histoire personnelle inspirée à Leah Moore par un des titres du disque.
Parmi les moments forts de l’histoire du groupe évoqués, figure en tête le concert du 1er mars 1969 au Dinner Key Auditorium lors duquel Jim Morrison, arrivé en retard, défoncé et en froid avec les autres membres du groupe, va brutaliser la set-list et son public, allant jusqu’à avoir des gestes obscènes qui lui vaudront les foudres de la presse et d’être accusé d’attentat à la pudeur. L’épisode est sublimé par le dessin psychédélique de John Pearson qui alterne cases hallucinées aux couleurs brulantes et cases crayonnées nues.
Afin d’encrer le Graphic Novel dans son époque qui a autant marqué les Doors que l’inverse, Leah Moore évoque deux évènements forts et durs. Tout d’abord, les affrontements de People’s Park le 15 mai 1969 sur le campus de Berkley où la population locale a voulu s’approprier un parc destiné à devenir un parking. L’intervention violente des forces de l’ordre ordonnée par le gouverneur Ronald Reagan, futur Président, marquera durablement. Le second porte forcément sur le guerre du Vietman avec la bataille de la montagne Dong Ap Bia, surnommée la bataille d’Hamburger Hill en raison du carnage produit par les combats menés. La construction de l’épisode de Leah Moore repose sur une tension incroyable et s’appuie parfaitement sur le graphisme de John K. Snyder III qui, par son alternance de cases en bichromie et de cases flamboyantes, rend admirablement la fureur des combats.
La plupart des autres histoires met en avant l’ambiance générale dans laquelle baigne le groupe, aussi bien extérieure avec l’évocation de la période hippie éprise de liberté dans laquelle le groupe s’engouffre qu’interne avec les tensions entre membres et la vie personnelle chaotique du chanteur. Ces aspects se révèlent notamment avec les épisodes dessinés par Marguerite Sauvage, Colleen Doran et Jill Thompson dans leurs styles rêveurs et colorés totalement adaptés.
Leah Moore met aussi en valeur le rapport du groupe à la musique en général et aux légendes du genre en particulier dans un épisode qui met en scène leur prestation au Toronto Rock & Roll Revival Festival du 13 septembre 1969. Porté par le dessin puissant de Vasilis Lolos, le récit montre l’admiration de Morrison pour ces génies de la musique comme la façon dont le groupe s’inscrit dans cette veine grâce à sa prestation !
Si une ou deux histoires pourront paraitre un peu plus anecdotiques, l’ensemble bénéficie d’un juste équilibre dans les ambiances et les formes d’écriture. L’association des styles graphiques et des thèmes des histoires s’avère particulièrement pertinente.
Sans doute initialement prévu pour s’adresser davantage aux fans du groupe, Morrison Hotel, porté par quelques épisodes très forts, parvient à élargir sa cible en proposant une évocation pertinente et riche d’une période de l’histoire des USA en addition d’une photographie instantanée de la vie du groupe en cette année 1969.
Morrison Hotel est autant une évocation réussie d’une période de la vie des Doors qu’un portrait riche d’une ère de l’Histoire des USA grâce à sa construction anthologique, l’écriture de Leah Moore et sa partie graphique belle et variée ! A découvrir même si vous n’êtes pas fan des Doors !