Mark Russell régale de ses satires féroces depuis plusieurs années ! Après Prez, Le retour du messie ou Billionaire Island, le voici de retour avec Not All Robots, une mini-série de Science-Fiction publiée initialement chez AWA en compagnie de Mike Deodato Jr, et proposée en VF par Delcourt.
En 2056, les robots ont remplacé les humains sur le marché du travail. Désormais dépendante du robot dont elle dispose, chaque famille humaine cohabite avec difficulté avec celui-ci. La coexistence entre les machines et les humains devient de plus en plus difficile. Ce système arrive-t-il à bout de souffle ?
Mark Russell imagine une intrigue de science-fiction se déroulant dans le futur pour y traiter de thèmes contemporains. Le scénariste pose son regard acide et pertinent sur l’aliénation au travail, le déclassement social, la manipulation des masses par une poignée de dominants dont le seul but est de conserver leur pouvoir quelles qu’en soient les conséquences. Son récit est construit comme un thriller assez haletant qui fait monter une vraie tension liée à la coexistence difficile entre robots et humains.
Pour Mark Russell, l’être humain s’enferme lui-même dans ce système dont il est prisonnier en s’accrochant au peu de pouvoir qu’il possède sur les autres. Mais pour apaiser les tensions, les dominants créent une nouvelle espèce de robots plus empathique et mettent au rebus les anciens robots plus froids. C’est un cycle sans fin qui amène chacun – humains comme robots – à n’être que le suivant sur la liste des êtres jetables. Et pour s’en sortir, il n’est d’autre solution que de casser cette chaine en se révoltant.
Dans ses premiers épisodes, Mark Russell parvient à installer un environnement et une intrigue denses qui emmènent le lecteur sur une réflexion sociétal à travers les médias ou au sein de la cellule familiale. L’utilisation d’un débat télévisé récurent rend le récit fluide et très efficace, avec en contrepoint les relations bouillonnantes de la famille Walter dont les dissensions mettent en exergue les différentes points de vue. Mais la brièveté de la série amène le scénariste à devoir faire quelques impasses, notamment sur le développement des membres de la famille auxquels le lecteur ne s’attache que peu et surtout rusher la fin sur un dernier épisode qui accélère un peu trop le rythme. Mark Russell livre, au final, une satire très efficace et pertinente, qui aurait sans doute mérité quelques parties de plus.
Désormais habitué de l’éditeur AWA, Mike Deodato Jr s’occupe de la partie graphique en compagnie de son coloriste habituel, Lee Loughridge. On retrouve les découpages singuliers de l’artiste avec ces multiples cases qui « hachent » la page et ce tissage en arrière-plan. L’artiste travaille, avec réussite, l’expressivité des robots en jouant sur leur attitude. L’univers futuriste imaginé est relativement classique mais parfaitement réalisé. Le brésilien aura toujours ses détracteurs et ses fans, mais force est de constater que son travail fonctionne très bien ici.
Not all robots pâtit quelque peu de sa brièveté mais développe une réflexion pertinente sur des thématiques contemporaines à travers un thriller rudement efficace.