Outer Darkness est une des séries indépendantes de John Layman lancée à l’automne 2018. Son contexte science-fictionnel, plutôt répandu actuellement, l’oblige à se démarquer des autres séries qui se glissent également dans ce genre. Le scénariste a choisi un angle pulp Star Trekien réjouissant auquel les dessins d’Afu Chan viennent donner corps.
Suite à un voyage qui a mal tourné, le Capitaine Joshua Rigg, commandant de vaisseaux spatiaux, est mis à pied. En guise de possible réintégration, on lui propose une expédition dont personne ne veut, aux confins de l’Outer Darkness. Mais en acceptant cette mission à bord du Charon, Rigg a un objectif bien précis en tête, un secret qui l’obsède.
Ce qui marque à l’ouverture du volume, ce sont les dessins d’Afu Chan. Son trait rond et ses couleurs brutes et vives flirtent avec l’animation nippone. Ses designs de personnages, de vaisseaux, de monstres donnent le ton assez second degré des aventures de Captain Rigg et sa troupe. Le décor est planté, John Layman peut lancer son histoire.
Dès la première page, l’on rencontre le Captain Joshua Rigg et l’évidence est criante : C’est un bel enfoiré et on va l’aimer ! Tout sauf lisse et monolithique, c’est un vrai chef qui sait s’imposer quelques soient les moyens. Prêt à s’asseoir sur les règles, il fait quasiment l’unanimité contre lui. Parfois irresponsable, les conséquences de ses actes pourraient bien avoir de fâcheuses répercussions. La réplique cinglante à la bouche, la décision qui choque, le coup de poing facile : jamais il ne concède un centimètre à ses adversaires.
La plupart des personnages secondaires sont également des individus calculateurs et retors. Son second, Satalis, aux objectifs assez troubles et le pilote Elox, ancien Dieu de son monde qui veut retrouver sa terre d’origine, sont deux exemples de personnages ambiguës qui peuplent le récit de John Layman. Ce sont ces ambivalences qui créent inquiétude et tension. Si la plupart de personnages n’ont pas encore de développement très profond, Elox a droit à un épisode entier narrant son origine. Le scénariste incorpore également à son histoire nombre d’êtres venus de divers mondes, de monstres, d’esprits. Ses idées science-fictionnelles sur la réincarnation sont plutôt malignes et bien exploitées. Elles vont être à l’origine de la plus grosse menace de ce premier acte.
Le ton est également à l’ironie et à l’humour noir. Les saillies verbales de Rigg illustrent de façon pimentée les relations de domination qu’il entretient avec les autres. Certains personnages bénéficient d’un traitement tout en second degré tel la vieille femme oracle incapable de faire la moindre divination sous prétexte qu’elle n’a pas avec elle son chat fétiche.
Le rythme de narration est ponctué de retournements qui font monter une pression conduisant inéluctablement à un affrontement. L’étau se resserre autour du Captain Rigg qui risque bien de se retrouver isolé.
Retour sur les dessins d’Afu Chan qui façonnent pour une grande part l’identité de Outer Darkness. Le dessinateur a un trait caricatural qui force les expressions et les gestuelles des personnages et qui pourra faire penser à certains animés des années 80. Les designs et les couleurs brutes agissent de la même façon. Le lecteur qui n’est pas réfractaire à ce style y trouvera un plaisir un peu rétro.