Britannia (VF – Bliss Comics)

Toute l’écurie valiant est confortablement installée, reconnue en France par l’excellent travail de Bliss Comics. L’éditeur a pour lui un catalogue divers, qui recèle l’un des meilleurs personnages du moment, et n’est jamais décevant. Du moins, ne l’était pas, jusqu’à maintenant. Car Britannia est étonnant, mais trop surréaliste, trop inconsistant.

Sous le règne de Néron, Antonius Axia, enquêteur sous l’autorité des Vestales, un ordre de femmes romaines chastes chargées d’entretenir le feu sacré, investigue dans la Pax Romana. Dans les brumes des frontières de l’empire, une menace démoniaque surgit. La Britannia, contrée celtique est en proie au déchirement. Les romains règnent sur les peuples soumis où s’affrontent les cultes et les croyances. Peter Milligan, scénariste habitué des labels indépendants et des récits matures amalgame plus qu’il n’associe. Britannia évoque forcément Rome, ses centurions, la conquête et la soumission des peuples. Un genre déjà inhabituel dans ce média, auquel Milliagan y associe le style policier de l’enquête. Tous ses éléments sont là, un environnement original, toute une palette de suspects puis la résolution du crime. La codification maîtrisée du polar attachée au contexte historique suffisait.

Milligan fait l’erreur, à mon sens, de l’horreur fantaisiste, en plus des deux genres précédents. Il régurgite alors son récit dans une purée étrange, où les styles se confondent et se périment surtout. Forcément, aucun, à part peut être le polar, mené à bien par Antonius, ne s’extraie. Mais en plus, la narration de Milligan déroute. Comme pour les genres, l’auteur veut faire varié, à la limite de la caricature. Il accentue le trait grossièrement de ses personnages. Antonius est le héros meurtri, mais motivé par le pragmatisme et la logique. Son esclave, Watson avant l’heure, est le fidèle suiveur … Les personnages ne sont plus que des fiches, des cahiers des charges où toutes les cases sont cochées. Un jeu sur les voix barbare où plus rien n’a de subtilité. Par contre, l’originalité qui se dégage du titre est indiscutable, mais à quel prix ? La surcharge manuscrite n’est pas adoucie par Juan Jose Ryp. 

Déjà chez Valiant par ci, par là, l’artiste récupère sa propre série. L’accumulation de détails est à la limite du vomitif. Le sérieux de l’artiste est indéniable, comme la qualité des costumes notamment, mais tout le reste est assez indigeste. Ryp, dans un style Crossed s’amuse de l’ultra-violence graphique, d’un ressenti entre le malsain et le vulgaire. Un sentiment du détournement qui ne m’a pas quitté, de l’ouverture à la fin. 

La promesse entretenue par Britannia n’est qu’une plus grande frustration. Ce n’est pas un récit historique, pas une aventure horrifique, pas un parchemin contre l’oppression des peuples par l’impérialisme, pas l’affrontement de deux panthéons, mais un peut de tout. Ce tout n’est qu’un plus grand rien, où même les personnages peinent à s’extraire de leur condition pré-enregistrée. Et quid de l’univers Valiant, rien ne raccroche Britannia au reste, même pas un Guerrier Eternel qu’il n’aurait pas été idiot de retrouver dans la brume.

L’édition est soignée. Comme à chaque fois, du bonus, les couvertures alternatives sont à retrouver en fin d’album. 

L’Imperator n’est pas Britannia, personne n’arrive à détrôner l’impérium. Enserré dans une macédoine des genres, l’aigle s’affaisse. Les genres à peine explorés, une narration très étrange et un visuel chargé presque caricatural embrouillent la (du moins ma) lecture. Le paysage comics est assez peu marqué du sceau antique. La frustration n’en est que plus grande. 

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