Vous le savez, le premier kiosque Civil War II m’avait refroidi quant à la qualité de l’événement. La principale erreur revenait aux réactions contradictoires des héros impliqués, incapables de se raisonner pour trouver une solution en forme de compromis. Bendis basculait dans un défouloir magnifié par Marquez, avec un vrai message de fond mais qui restait trop peu exploité. En ajoutant à ça un degré de légitimité éditoriale proche de zéro sans rien utiliser des intrigues actuelles, je suis resté assez extérieur au récit. Bien que toutes les remarques autour du bien-fondé restent vraies, je vais tenter de m’en extraire pour proposer une critique objective, avec pour seul passif le numéro précédent.
Les critiques sont full-spoilers.
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[toggle title= »Civil War II #2 – 6.5/10″]
Scénario: Brian M Bendis – Dessins: David Marquez
Le numéro 1 se concluait sur l’échange tendu mais déraisonnable entre Stark et Danvers, l’homme de fer quittant la pièce en trombe. Sa prochaine manœuvre, qui constitue l’introduction de ce numéro 2 : ravir Ulysse aux Inhumains. Cette scène reste bancale. Le chagrin de Stark est réel, palpable mais son action est tout aussi injustifiable dans un monde marvel où les relations inhumaines sont épineuses. L’homme en armure ne se démonte pas, il retourne bien trop aisément à mon goût l’ensemble de la famille royale et s’empare du jeune homme. Evidemment c’est l’escalade et Carol Danvers, représentante de la communauté méta-humaine, intervient à temps pour calmer les ardeurs d’un Karnak miraculeusement sauvé des méandres de sa série Ellis-iènne. Encore une fois, les héros Marvel marchent sur des braises mais le feu ne prend pas. Il sera intéressant de noter l’impact sur la série A-force de cet événement, série où Carol et Medusa évoluent ensemble.
La scène suivante relève bien le niveau qualitatif pour l’instant moyen. Stark derrière ce kidnapping spectaculaire va chercher à comprendre le phénomène prémonitoire d’Ulysse : comment fonctionne son pouvoir sur le plan cérébral ? quel peut en être le déclencheur ? Ses visions sont elles impactées par le passif du jeune homme, objectivité, éducation, préjugés raciaux ou sociaux ? Tant de questions fondamentales posées par Bendis qui étoffe logiquement les craintes de Stark. Et l’arrivée soudaine des héros menés par Danvers entraîne une nouvelle vision apocalyptique d’un Hulk frénétique surplombant les cadavres des Vengeurs. Sans avoir percé le secret de ces images avérées ou pas, la prochaine cible est toute désignée : Bruce Banner.
Excepté ce commencement contestable, le fait est que le reste est plutôt de bonne facture. Bendis pose le bonnes questions, prend le temps (un comble de dire ça …) de développer les enjeux et les avis. Cette ultime vision relance complètement l’intrigue dans tout autre direction. Les défauts évoqués le mois dernier sont gommés ici, avec des personnages plus raisonnés, qui ne basculent pas brutalement dans l’affrontement physique.
Marquez en impose aux crayons, précision, détails, mise en scène, l’event est un sans faute graphique. Certaines cases sont immenses, avec un nombre impressionnant de personnages iconiques représentés. On ressent facilement les dilemmes qui se jouent et les réactions des personnages sont palpables. Avec cette maxi-série, Marvel met très clairement en avant sa star du moment qui accumule les réussites, entre Ultimate Spider-Man, Invincible Iron-Man et Civil War II
Après ce deuxième numéro, je suis agréablement surpris. Bendis calme le jeu après un numéro 1 explosif mais trop superficiel. Il réussi à proposer de vrais dialogues, avec une vraie réflexion chez ses personnages. La tension est réelle mais les personnages font tout pour maintenir un semblant d’équilibre, un peu comme le lecteur en somme.
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[toggle title= »Civil War II #3 – 7/10″]
Scénario: Brian M Bendis – Dessins: David Marquez
La confrontation avec Banner est donc crispée : les héros évoquent la vision d’Ulysse et mettent Banner dos au mur. Le scientifique rétorque alors que le Hulk ne s’est pas manifesté depuis un an et qu’il fait tout pour maintenir ses entraves. Stark et Danvers prennent alors la décision paradoxale d’exposer aux yeux de tous Banner dans une scène splendide de Marquez : Bruce face à toute la communauté en collants, à devoir s’expliquer pour un acte qu’il n’a pas commis. Bendis reste juste et ne prend pas parti entre un Bruce surpris et acculé, et des héros qui cherchent le contrôle préventif. L’explication des rêves prémonitoires ne suffit pas et le ton monte au moment où le Fauve dévoile le projet secret de Bruce et ses recherches sur des cellules gamma mortes. Les soupçons hypothétiques des uns, mêlés à l’agressivité bouillonnante de l’autre conduisent au drame : Bruce est abattu d’une flèche spéciale par Clint Barton, Hawkeye.
Le numéro est construit en double temporalité, la scène ci-dessus passée et le procès de Barton présent. Et ce bond dans le temps augmente le poids de l’event sur les personnages qui subissent frontalement les rafales des tragédies décrites. Tous les intervenants majeurs sont entendus à la barre, menés par Matt Murdock. Les positions de chacun sont ainsi détaillées, affinées et Barton apporte une réponse à l’évident Pourquoi ? Et bien tout simplement c’est Bruce lui même qui aurait requis l’aide de Barton en cas de débordement colérique grave avec pour solution la mort nette et simple. Bendis ne porte pas de jugement et laisse le lecteur se positionner. Il se permet même de conclure sur un cliff des plus pesant : Friday aurait décodé le fonctionnement d’Ulysse avec en prime la prochaine vision.
Cet assassinat froid entraîne plusieurs questionnements. Tout d’abord l’acte même de Barton est il fondé ? Banner était-il vraiment sur le point de se transformer ? Bien que selon moi, cela ne soit pas avéré, le dessin reste suffisamment ambigu afin d’éviter les réponses trop tranchées. Ce sera à la justice, et donc au lecteur, de jauger la culpabilité de l’archer, la décision est lourde de sens. Cette tragédie renforce de nouveau la fracture patente entre Stark et Danvers. Le premier marqué par les deuils à répétition campe sur ses positions autour de l’interventionnisme préventif et des conséquences désastreuses. Carol, quant à elle, constate les faits tragiques mais met très justement en lumière les bienfaits des visions d’Ulysse. Le lecteur est, comme la jeune génération, à se demander » On fait quoi ? « , alors que le premier numéro était unilatéral, il est bien plus complexe de prendre position ici. Cependant, certaines remarques sont à soulever. Encore une fois, comment Stark peut-il accuser Carol d’être responsable de ce meurtre alors qu’il a lui même participé à la mise en examen de Banner ? De plus Clint n’est pas un agent de Carol, mais bien un électron libre. A moins que Stark ne se serve de cet épisode pour défendre ses choix et son obstruction à l’utilisation d’Ulysse. Pourquoi confronter et accabler Banner en public, face à tous ? Un entretien intime aurait sans doute été préférable (mais cela permet de justifier en partie la vision d’Ulysse). Comme pour Spider-Man le mois dernier, Colossus est présent sur la double page, quid de sa situation dans l’univers X-Men ? Quelles seront les conséquences sur la série Totally Awesome Hulk (série que je n’ai pas aimée au demeurant). Mais on se rend compte de la fragilité de ces remarques tant Bendis livre ici une prestation satisfaisante. Je ne peux décemment pas occulter le contexte éditorial, mais objectivement ces deux numéros sont très corrects. On peut évoquer la stature d’un héroïsme décadent dans les comics mais au regard du contexte social, politique et international actuel, on comprend la grisaille qui culmine au-dessus de Marvel. Les héros ont peut être franchi une limite, mais ces comics restent le reflet d’une époque marquée dans laquelle il sera pertinent de se replonger dans quelques années.
Comme pour la critique précédente, Marquez est magistral et la séquence de confrontation est travaillée au possible. Sans scènes d’action, Marquez fait tout pour retranscrire les émotions et le drame en cours : pari réussi. Mention spéciale à la double page en trois cases, composée d’une main de maître par le dessinateur. D’ailleurs on y voit la nouvelle guêpe qui fait son apparition dans les pages des Vengeurs. Pour vous éviter un sursaut d’incompréhension, je vous encourage à lire ces numéros avant. Marquez va devoir maintenant magnifier l’affrontement physique en prévision. Coipel fait une apparition timide sur deux pages, rien à noter de bien pertinent sur cette prestation.
Un numéro dur et sans concession. Les héros ont clairement basculé dans une nouvelle ère où la limite est franchie. Je peux comprendre le malaise provoqué par ces numéros, mais il serait dommage de se priver de cet event qui reste pour l’instant de bonne facture, avec un vrai message, une prise de position complexe le tout sublimé par une partie graphique sensationnelle.
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[toggle title= »Civil War II : Choosing Sides #1 – 6/10″]
Scénario: Declan Shalvey – Dessins: Declan Shalvey
Back-up de 4 pages court, dispensable mais agréable qui met en scène Nick Fury Jr dans une mission suicide. Pas grand chose à dire, de l’action fun et débridée avec une intrigue autour de la traque de l’Hydra et d’agents doubles infiltrés dans le S.H.I.E.L.D.
Complément totalement dispensable mais sympathique.
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Je me suis laissé prendre par un premier numéro bien trop superficiel. Bendis réussit le tour de force de proposer un récit fort, dur mais qui, sur ces deux numéros, se tient. Les héros sont froids, calculateurs et s’ancrent totalement dans notre réalité toute en nuance. Au bout de 3 épisodes, l’intrigue avance, les enjeux sont placés et la rupture est nette, sans que le lecteur ne puisse choisir un camp. Une lecture conseillée mais il faut accepter de voir les valeurs super-héroïques malmenées.
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