Avant toute remarque sur ce kiosque, je n’adopte pas la présentation habituelle des critiques « kiosque ». En effet, les compléments placés en queue de peloton du magazine n’ont finalement aucun intérêt, je ne les traiterai donc pas.
Elle est enfin là, dans nos mains fébriles, la conclusion du maxi événement bendissien du moment, Civil War II, après 6 mois au sein du catalogue Panini, il est temps d’en finir. En choisissant le tragique hasard comme déclencheur, Bendis avait tenté de proposer un conflit intimiste, loin de l’action continue de la première guerre civile exposée par Millar. Le principal reproche que l’on pouvait faire après une introduction très efficace provenait finalement de ce choix : le dialogue aurait pu tout résoudre, les héros étaient marqués par la perte, mais avec un raisonnement évident, le combat aurait pu être largement évité. Tout ne s’est pas déroulé comme prévu, la communauté héroïque s’enfonce dans une énième joute fraternelle avant de faire redescendre la pression, pour finalement ré-ouvrir les vannes, jusqu’au combat final déclenché le mois dernier. Au delà de la non légitimité de l’évent, du forcing quant au déclenchement des combats, le faux rythme constant des numéros est de mauvais goût, le lecteur fait le pendule entre un démarrage assumé et puissant, affrontements, de nouveau une accalmie, action, une nouvelle mise en pause bref … une gestion finalement anti-climatique du tempo.
Cependant, on comprenait bien que le numéro précédent marquait l’entrée du dernier round entre deux icônes Marvel, aux visions différentes sur la question du profilage, thème fondamental de la mini série. Et on ne s’y trompe pas, vous avez là une résolution finale dans le sang et les larmes très efficace. Evidemment, je n’occulte pas les différentes incohérences soulevées jusqu’à présent, mais forcé de reconnaître qu’en tant que conclusion, ce dernier chapitre est très performant. L’affrontement promis concentre toute l’attention, du lecteur et des héros participants, qui ne sont finalement que de simples spectateurs, dont la voix ne pèse pas bien lourd face aux deux idéologies qui s’affrontent. Les Inhumains, après la révélation d’Ulysse : cette guerre civile pourrait amener au No Man’s Land d’Old Man Logan si rien n’est fait, vont tenter, avec l’aide forcée du S.H.I.E.L.D et des Ultimates, d’arrêter le combat. Les cartes sont déjà distribuées, Carol est déchaînée, Tony est impuissant et le coup final est porté. Et ce ne sont pas les implorations d’un Miles Morales, plutôt très juste dans ses dialogues, comme un jeune héros désabusé par cette ancienne garde déshonorée, qui changeront quelque chose. Qu’on se le dise, Tony n’avait aucune chance, le pire arrive, le génie est abattu. Une astuce scénaristique sur la fin permet de se garder l’Homme de Fer au chaud, dans un sarcophage technologique, dans l’éventualité d’un retour futur. L’ensemble du casting est profondément atteint par la perte d’un autre Vengeur originel, cela se ressent et cristallise correctement l’affrontement, tant sur plan moral que physique. J’ose espérer que les esprits resteront marqués par ces mois de déchirure. Le second point intéressant mais bancal : le cas Ulysse. Au travers d’une succession de pages, et dans une surpuissance divinatoire absolue, le personnage nous présente les futurs potentiels à venir, dessinés par un artiste différent : Monsters Unleashed, IvX, la mort de Steve par Miles (encore cette putain de scène) qui pourrait finalement trouver une signification d’ici quelques mois, des mutants, Ultron, Thor et Loki, alors délire du scénariste ou parfait aperçu de ce qui sera, l’avenir nous le dira. Mais Bendis va plus loin, et confronte Ulysse à Éternité, entité cosmique suprême ! Le Cosmos incarné demande alors au jeune inhumain de venir le rejoindre. On passera sur le fait qu’Éternité est actuellement enchaîné (oui avec des chaines, le Cosmos est bloqué par des chaines cosmiques) et constitue l’un des enjeux de la série Ultimates. Cette page, bien que lâchée sans construction préalable, reste très intrigante pour la suite, il faudra y revenir.
L’affectif modéré mais réel autour de ces 8 numéros est aussi à imputer à David Marquez, qui pour le dernier acte se donne à fond, son travail ici est tout simplement époustouflant. Les cadrages en long, le découpage dynamique, certaines doubles pages incroyables, Marquez réalise une prestation de très haute volée, ces héros sont puissants, surpuissants, divins. Les faciès expriment parfaitement la rage, le désespoir et tout le drama qui se dégage des pages. Le ressenti émotionnel est toujours aussi impressionnant, on capte parfaitement l’état d’esprit des personnages. J’avais promis une qualité graphique assurée lors de la critique du premier kiosque, la promesse est largement tenue, Marquez est une immense révélation. Un léger détail, il s’agit pour lui de travailler ses fonds, souvent vides pour l’instant. Mais vous avez là le très haut du panier artistique mainstream.
Civil War II est le fruit immonde d’une décision éditoriale conduite par le poids d’un cinéma toujours plus gangrénant. Personne ne l’a réclamé, personne ne l’attendait. Bendis, architecte géant du Marvel post Secret Wars, se devait de réussir son pari perdu d’avance, alors que le lectorat est exténué du divin chauve et de la politique d’event quasi mensuel. Les préliminaires de cette guerre civile se sont révélés saisissants, tout en justesse et impact. Bendis se perd alors dans un circuit bien trop sinueux, jouant constamment avec les attentes, sans jamais basculer ni dans le dialogue, ni dans une action décérébrée. La gestion générale de la cadence constitue le reproche premier que j’adresserai à Civil War II. En outre, certaines incohérences grossières viennent alourdir le cœur de la mini série, qui s’enfonce alors dans un mélange assez indigeste. Fort heureusement, la conclusion est maîtrisée, parachève l’intrigue et développe partiellement les pistes à suivre. Alors conseiller ou pas, je m’orienterai plutôt vers un oui modéré, une lecture librairie devrait de plus se révéler bien plus agréable, venant gommer en partie ces problèmes de rythme. On passe largement à côté de la catastrophe prévue, et c’est déjà bien !