Spider-Men, en son temps, fut une annonce pleine de promesse. Le contexte était bien différent de l’actuel. Les personnages des minorités n’avaient pas encore explosé, et la jeunesse de transmission n’était pas aussi foisonnate. Brian M Bendis brûle alors les étapes. Peter Parker meurt, déjà des mains de Bendis, qui n’attend pas de se les laver pour nous créer ensuite l’un des meilleurs personnages de ces dernières années : Miles Morales. Saluons aussi Sara Pichelli, artiste italienne unique, qui participe bien heureusement à la renommée, et surtout à l’identité visuelle du titre. Evidemment, ce va et vient identitaire a lieu en annexe U, dans un autre univers. En ce temps, les lecteurs suivent deux Spider-Men, séparés par une barrière immatérielle, que ce même Bendis brise en 2012. L’un va chez l’autre. Sorte de Marvel Generations avant l’heure, Peter Parker est transporté dans un monde où il est décédé, où Gwen Stacy ne l’est pas, a brand new world !.
Mais les 5 numéros, dont les possibles multiples pourraient laisser entrevoir des mois de publication, étaient trop empressés. Trop courte probablement, la mini esquissait sans cerner ou appuyer. Le cycle du média se refermait sur un retour de chacun à sa place, des leçons dans la tête mais pas plus. Si ce n’est cette conclusion stupéfaite d’un Parker ébahi devant les résultats de sa recherche : Miles Morales sur son Google à lui, dans son univers à lui. La piste fraîche n’aura finalement aucun traqueur. C’était sans compter sur Brian Bendis, toujours le même, qui aura attendu 6 ans et un Marvel, fictionnel comme éditorial, qui n’a plus rien en commun avec son double passé, pour nous écrire la suite. Spider-Men II, mêmes artistes, mêmes personnages, à ceci près que Marvel n’est plus scindé en deux, que Miles et Parker se côtoient constamment, que le moteur de la recherche n’a plus lieu de démarrer un semblant d’engrenage narratif.
La suite … dans 6 ans
Spider-Men II réussit. La découverte, personne n’est dupe, n’est pas le dès bonus jeté en fin de première série. Miles Morales a bien un homonyme, un simple bandit, proche de Wisk, qui cherche à travers les dimensions une idylle perdue. Cette seconde mini-série convoque elle aussi le voyage dimensionnel, en toute fin de dernier numéro, qui est bien plus annonciatrice que bien des écrits en cours. Pouvons nous vraiment être déçu ? Bendis s’en amuse mais ne s’en affuble pas. Bien loin des histoires bannières de son passé, Bendis nous dispense une leçon. Le lecteur pourrait se sentir trompé. Les personnages aussi puisque la corvée du duo tissé n’est pas reluisante ou gagnante. Miles, et Peter, échouent à trouver une explication excentrique à cette piste qui laissait entrevoir mercenaire, pègre, dimensions et double obscur.
L’idée d’une histoire simple, sans réponse et où la seule surprise serait celle de la désillusion est une immense réussite de l’auteur. Ces personnages habitués aux extravagances les plus folles tombent des nues, dénoués de toutes rationalités. Le parallèle entre les attentes, doubles, fictives et réelles, des personnages comme celles des lecteurs, rebondit à merveille. Les personnages en profitent même pour en tirer une discipline essentielle. Parker s’immerge dans ce rôle de précepteur moral (l’un des manques de l’ère post Secret Wars, jamais les deux Araignées n’ont profondément interagit entre elles), tandis que le plus si jeune Morales grandit et apprend, encore. D’ailleurs, l’auteur embarque, ou plutôt aurait bien embarqué, Miles vers de nouveaux horizons, plus matures, pour se découvrir (direction empruntée, amorcée, déjà dans sa propre série). Miles Morales s’interroge sur son rôle et sa place ; Allant même jusqu’à remettre en question l’aphorisme héroïque par excellence du pouvoir et des responsabilités. Le lecteur réalise le chemin parcouru depuis Ultimate Spider-Man #1. Un mot sur le travail de Pichelli, indissociable car créatrice en son époque, impeccable.
Bendis s’applique même à la référence ultime. L’univers Ultimate est de retour. Sur une dernière pleine page, sa création, en partie, s’anime de nouveau. Celui-ci s’autorise même un ajout armuré(e) assumé. Simple clin d’œil ou tickets de voyages, l’avenir seul nous le dira, mais pas Brian M Bendis.
Le désamorçage d’un Miles Morales, tout droit sorti des fiches produits de Bendis sert par trois fois ses desseins. Il brise un éventuel tournant stupide, il soutient aussi une idée de la déconvenue comme finalité, pour toutes les parties impliquées, lecteurs comme personnages. Enfin, l’auteur se permet une morale judicieuse autour d’une correspondance entre deux générations. La réussite inattendue prétendait peu et se trouve alors une place presque fascinante dans l’immense catalogue de l’éditeur.
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