Duggan ou le balayeur idéal ? Derrière ce titre provocateur se cache une vérité qui m’est apparue suite à ces 5 numéros. Le scénariste réutilise constamment les pistes laissées par ses camarades. Par soucis de précision, par conscience professionnelle ou plus simplement par pression éditoriale, je n’en sais rien, Duggan utilise sa série unité comme union plus ou moins parfaite aux intrigues vagabondes. Utron Pym flotte dans le vide sidéral en toute fin d’une rage par Remender, le voilà qui revient bien plus tard, Duggan faisant avancer sa ligne. Banner est abattu d’un trait dans les pages de Bendis, le cas Hulk, sous couvert d’une thématique forte sur le décès et le deuil, est encore traité par Duggan. Souvenez-vous, Marvel Now, Crâne Rouge profane le cadavre de Charles Xavier, lui dérobant son cerveau, et pour sûr ses capacités uniques. Remender n’en fera rien, comme une note sur post-it, déjà apposée, déjà oubliée. Pourtant, l’outrage est immense, les possibilités offertes sont indénombrables. Il faudra attendre ces numéros, toujours Uncanny Avengers par Duggan, pour voir enfin le nazi télépathique (ça fait peur dit comme ça) se faire remettre à sa place. Deux remarques préliminaires, qui se sont aussi manifestées durant ce moment lecture : Nick Spencer n’aura, a aucun moment, utilisé le potentiel de Crâne. Sa série traitant du contrôle de masse des foules, de l’aveuglement des populations face à des discours politiques coporates, je m’étonne de l’ingérence de Spencer sur ce sujet. Pour terminer, l’ingérence, cette fois de Panini, à proposer une publication respectueuse. Le sort du Crâne est en réalité fixé dans la série Captain America : Steve Rogers, dont le numéro en question a été publié le mois dernier. Les deux épisodes du mois par Duggan perdent alors la tension qu’instille le scénariste.
Sinon, Crâne Rouge prend possession un à un des membres de l’équipe, les transforment en poupées malléables servant ses plans de conquête. Conquête qui se résume malheureusement à dominer le Monde et à détruire les Vengeurs. Je plains un manque d’originalité in fine, encore une fois, les liens avec le travail de Spencer me semblent évident, pourtant Duggan n’est pas plus motivé pour les tisser. Passé ce manque de liant, l’intrigue se déroule en ligne droite admirablement. Chaque membre possédé a droit à sa torture psychologique, Crâne se délecte de la tourmente de ses ennemis dans un discours théâtral. Le malaise provoqué par les susurrements est rendu avec talent : Storm qui incinère son trio favoris, le tombeau fraternel de Vaudoo, ou encore le décâblage du fils Summers, des scènes fortes à conséquence pour certaines. Duggan aime Deadpool, le personnage est clairement la vedette de cette série, évidemment il est le seul à pouvoir contrer les attaques du Crâne. La pirouette scénaristique est légère mais suffisante. Surtout que Rogue est elle aussi dans les petits papiers de Gerry. Son passé est exploré, et participe au plan macabre, comme ce lien fort avec Xavier.
« Mind-blowing » artistique par Larraz
Ces quelques numéros majeurs pour l’ensemble de l’univers Marvel regorgent de purs moments, chocs et d’une violence diverse. Violence camouflée, le Crâne abuse de l’intimité profonde des Vengeurs, mais surtout violence graphique rare. Dans sa majorité illustrée par Pepe Larraz, où Deadpool est rapidement malmené par une Rogue enragée surpuissante depuis qu’elle partage son enveloppe avec Wonder Man. S’arrêter sur le taux d’hémoglobine serait malvenu, la richesse artistique de la série est bien plus généreuse. Le retour de Spider-Man est mis en scène à la perfection, comme toutes les cases de l’Araignée d’ailleurs. Les cadrages sont ultra dynamiques et le cartoony ambiant assure une expressivité communicative. Le dernier numéro en question recèle quelques compositions et pleines pages de pure beauté, après la débauche de tripaille précédente. Même Captain America est impressionnant sur les deux ou trois cases de présence. Larraz est un des gros noms actuels, le doute n’est plus permis. Il est épaulé par Kevin Libranda nettement plus oubliable.
Alors derniers numéros référencés ou nettoyage indiscret, rien n’est sûr ! Duggan utilise avec tact ce gisement de scenari laissé en suspens. Son interprétation est plus que pertinente. Il oublie l’événement possible et se concentre sur ses personnages et leur intimité profonde. Comme quoi, même le super-héros « générique » peut être vecteur de réflexions sur le viol ou le subconscient. Un choix plus que respectable à l’heure des maxi ou mini fratricides évaporées. Se pose même la question du manque de résonance d’un tel événement, à moins que la chute soit à retrouver chez Steve Rogers, malheureusement dénaturée par le planning déconnant de Panini. Uncanny Avengers se perd dans l’inconfort des sorties de la Maison des Idées, le scénariste est pourtant l’un des rares à récupérer le relais, pour le transmettre à ceux qui, on l’espère, le passeront à leur tour.